« A cet autre » par Fadl Klassi

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« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

Vous l’aurez remarqué, on en parle de plus en plus, de lui, cet « Autre » de banlieue si proche de nous et à la fois si différent. Il défie les lois, tue au nom de sa religion et n’aime pas la France, d’ailleurs c’est lui qui le revendique. Il n’a aucune culture, ce n’est pas moi, ce sont les journalistes et les hommes politiques qui le disent. Cet « Autre », encore trop jeune pour prendre la parole ou pas assez cultivé, il ne sait ni lire ni écrire, en apparence.

J’ai décidé, d’essayer de comprendre qui était cet « Autre ». Alors je l’ai idéalisé, je l’ai fantasmé dans mon esprit, j’ai fait preuve d’imagination. Pour définir l’autre, ma démarche a consisté à me regarder dans le miroir, miroir de la société. Je me suis rapprochée, plus près, encore plus près jusqu’à réaliser que cet « Autre », c’était moi. Moi, française, d’origine africaine et arabe, musulmane et voilée (j’ai pris le « package »), toujours autant infantilisée.

L’enfant a décidé de dire ses premiers mots. Ces mots sont une invitation destinée aux médias, aux hommes politiques qui m’ont tellement idéalisée en tant que rebelle qu’ils risquent d’être déçus.

Ils sont invités dans nos lycées, dans nos universités qui parlent d’eux-mêmes, où Musulmans, Juifs, Chrétiens, Athées cohabitent, sans se tuer. Mais je vais vous avouer, avec toute honnêteté qu’ils ne font pas que cohabiter pacifiquement. Ils sont amis. Ils s’entraident. Ils s’aiment réellement. Venez y faire un tour, c’est ici la France, et pas dans vos salons parisiens. Sortez et errez (« errando discitur » c’est en errant qu’on apprend), vous serez moins tendus, ô vous ministres,  journalistes  qui m’avez pointé du doigt si longtemps sans réellement me connaître.

De cet « Autre »

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

2 Commentaires

  1. Salam,
    … Joli!
    Cette façon de prendre le lecteur pour « témoin privilégié », alors que les médias (et figures de pouvoir politiques) sont mis délibérément à bonne distance est très efficace. Ce n’est qu’à la toute fin du texte, que vous vous tournez vers les médias &co, que vous vous adressez directement à eux, pour les inviter à entrer dans votre monde et le connaitre de l’intérieur.
    Donc belle mise en scène qui sert bien le texte.

    C’est un genre d’écriture que j’aime bien. Il y a une sourate dans le Saint Coran qui opère un peu de manière similaire. C’est sourate Al-alaq (l’adhérence):
    Dieu prend le prophète et tout lecteur/auditeur pour témoin, témoin des agissements du non-croyant/l’impie (dans ce cas précis, c’est de l’oncle du prophète qu’il s’agissait). Dieu décrit ces agissements-là, mais s’adresse tout le temps au prophète/auditeur/lecteur (à la 2ème personne du singulier, « mokhaatab ») et à aucun moment au non-croyant (qui est mis à la 3ème pers, « ghaa’ib »).
    Le tout dernier verset est magistral : « Non, ne lui obéis pas ! prosterne-toi et rapproche-toi ! »
    Le « lui » renvoie au non-croyant. L’ordre s’adresse à « toi » (« anta ») qui, en arabe comme en français est généralement implicite dans une phrase à la forme impérative, tout comme le pronom de celui qui donne l’ordre (Dieu, qui parle ici, à la 1ère pers du singulier).
    Dieu ordonne qu’on prenne ses distances avec le non-croyant, qu’on s’en détourne, malgré les méfaits de celui-ci. L’Invisible ordonne qu’on se rapproche de Lui, par le contenu de la phrase, par la forme, et par le style.
    Cette distance entre Dieu et l’impie est délibérée, alors que le rapprochement entre le prophète/auditeur/lecteur et Dieu est voulu, appelé, ordonné.

  2. Barakallahoufik pour ce beau texte!
    Barakallahoufik de nous montrer la réalité de la vie étudiante où l’entente, le respect et l’amour entre les individus existent réellement. Ce témoignage fait mentir les médias et les politiques qui font peur aux gens en leur faisant croire que nous ne sommes que des êtres ignorants voire analphabètes, non sociables et violents. Ce texte invite les politiques et les médias à venir voir la réalité des choses dans les universités et dans les lycées de la Cité, mais il invite aussi chacun d’entre nous à nous regarder dans « le miroir de la société  » et à réagir chacun à sa manière pour faire émerger la lumière et la beauté de notre religion.

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