Foi et raison 1/4

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Que sais-je? Et sur quoi repose ce que je sais, ce que je crois savoir ou espère connaître et comprendre ? Au cours de la quête de sens, à travers les mille et une questions apparues sur les chemins de l’universel, il est une interrogation majeure sur la source, l’essence et le sens de la connaissance humaine. La conscience questionne la nature du connu à l’instant même où elle appréhende les horizons de l’inconnu : la mort et ce qui la suit révélant, par induction, son ignorance du sens de tant de « pourquoi ? » et sa compréhension, si limitée, de tant de « comment ? ». L’océan de l’insondé est troublant : la crise mystique de l’esprit rationaliste, mathématique et scientifique de Blaise Pascal se situe à l’exact croisement de la quête philosophico-religieuse du sens et du questionnement de la raison qui voit les deux infinis (l’infiniment grand et l’infiniment petit) échapper à ses capacités descriptives. « Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie » : le silence ici est l’autre nom de mon ignorance et les «espaces infinis» en révèlent l’étendue. Abyssal et effrayant, vraiment. Existe-t-il quelques évidences sur lesquelles on puisse s’appuyer?

Avant même de se poser la question de ce que l’on peut savoir, il est utile de déterminer avec quelles facultés on accède à la connaissance. Cette simple question des moyens, de leur existence et de leurs capacités, a été, dès l’origine, source de désaccords, de disputes et de tensions à l’intérieur et entre les traditions spirituelles, les religions et les écoles philosophiques. Ma conscience prend conscience du réel et observe que mes sens entendent, sentent, touchent, etc., et que ce sont les premiers « moyens de connaissance » ou en tout cas ses premiers médiateurs. Les empiristes les considéraient comme la source impérative de n’importe quelle connaissance rationnelle et complexe : mon esprit, pensaient-ils, ne saurait comprendre le principe de causalité si mon œil ne l’a jamais observé. La seconde source est donc, à l’évidence, ma raison qui observe, établit des liens et cherche à comprendre le monde : elle semble progresser en ce qui concerne les « comment ? », mais reste en panne quant aux « pourquoi ? » du monde et de la vie. C’est d’ailleurs ce que lui révèle, de l’intérieur, une autre faculté, le cœur, qui sent et ressent (de façon différente des sens), appréhende et comprend (de façon différente de l’intelligence). Très vite et dans la proximité la plus intime, la faculté de raison révèle ses limites tant elle est démunie, et si souvent perdue, devant l’ordre du cœur, de ses connaissances, de ses vérités et même de ses amours. Les sens, la raison, le cœur : sommes-nous destinés à trois types de connaissance produits par trois facultés distinctes ? Sont-elles complémentaires ou contradictoires ? Est-il possible, au-delà des immanquables tensions, d’accéder à leur harmonie ? C’est la question posée par la typologie des trois frères Karamazov dans le roman de Dostoïevski qui reprend les trois ordres pascaliens : en tension et en amour, leur fraternité et leur différence sont au cœur de la tragédie et de l’espérance humaines. Dimitri et l’exubérance des sens, Ivan et les tensions critiques de la raison, Aliocha et la transparence du cœur, tous trois projettent un éclairage moral sur l’ordre des facultés et des savoirs. Nous sommes au cœur du vrai débat : il est certes question de savoir et de comprendre, mais il est surtout question de déterminer ce qui est bien pour soi, pour sa société, pour l’humanité. Savoir et éthique se rencontrent comme la science et la philosophie, la science et la religion, la philosophie et la religion. Question de raison, question de foi : qui nous dira comment, qui nous dira pourquoi ?

La raison, bien sûr, s’appuie sur les sens et l’observation, puis elle établit des relations de similarité, de genre, de causalité. Elle détermine des catégories, progresse par déduction ou induction, et cherche à comprendre «comment» s’établissent les éléments, «comment» se déterminent la nature et son ordre. Elle admet les vérités relatives et les hypothèses, qu’elle vérifiera (ou pas), et conçoit pour elle-même ses propres limites aux abords des conventions mathématiques, parfois tout à fait arbitraires (comme le sont les signes de la langue selon Saussure). Ce qui importe, c’est d’observer le réel, de le décrire, de le comprendre et, à terme, de le maîtriser. C’est l’objet de la science. Ce à quoi s’intéresse la foi, qu’elle soit liée à une tradition spirituelle ou à Dieu, tient d’un autre ordre : ce qui compte n’est pas l’observation du «comment ?», mais la réponse au «pourquoi ?». En ce sens, la foi est plus préoccupée par la légitimité des postulats, des conventions et des hypothèses que par les explications théoriques et techniques qui en découlent. La foi, décrite rationnellement (donc observée de l’extérieur), pourrait être définie comme un choix, une prise de position, non scientifiquement vérifiée, sur la base de postulats que la raison ne peut vérifier et de finalités de l’existence qu’elle ne peut appréhender. Vue de l’extérieur, la foi serait ainsi un choix, plus ou moins libre, des premières vérités et des ultimes finalités. Wittgenstein, dans ses conférences sur les croyances religieuses, relevait avec raison la non-pertinence d’une telle description «de l’extérieur» : les langages et le sens ne sont accessibles que de l’intérieur et la description rationalisée de la foi n’est déjà plus la foi.

Ainsi dans le taoïsme, la foi, la croyance qui provient de l’intérieur s’intéresse à l’ordre du monde comme moyen de correspondance entre l’être et le cosmos : il n’est pas question de répondre au « pourquoi ? » (qu’il précède ou succède au « comment ? »), mais de projeter sur la totalité du savoir le sens de cette harmonie essentielle : le « pourquoi ? », de fait, dit le « comment ? ». Il y a de la philosophie, de la science et de la poésie dans cette approche. C’est également l’enseignement fondamental de Siddhārta : l’introspection, la libération intérieure, la sortie de l’ego devraient empêcher tous les savoirs de se transformer en instruments de domination. Il n’est jamais question de savoir pour dominer mais, au contraire, pour accéder, par la foi, par le cœur, au sens profond du Tout et enfin se marier à son essence et dépasser l’individuation. Cette foi est mystère et c’est ce que tous les monothéismes exprimeront, de l’intérieur, à leur façon. Une grâce, un appel, une conversion : le cœur semble changer de disposition, s’illuminer et éclairer l’univers d’un jour nouveau. Le monde fait sens. La foi ne serait donc, de l’intérieur, ni postulat, ni principe, ni finalité mais lumière, une autre lumière que celle de la raison. Une lumière de sens. La foi est un souffle, un élan, une adhésion, une croyance sans raison (et/ou avec toutes les raisons du monde), qui projette partout du sens et, toujours, du sacré : pas de foi, point de sacré. La foi comme l’amour (ou parce que justement elle est amour) est aussi croyance : qui aime croit, sans l’ombre d’un doute. La foi est multiforme : certains l’ont associée à l’immédiateté de l’amour, d’autres à la libération maîtrisée de soi vers l’harmonie du Tout, d’autres encore à l’essence de sa propre purification, du polythéisme vers l’Unique. Au cours de ses études et de ses pérégrinations, Mircea Eliade concluait, au moment où il s’intéressait à la production du sacré, que celui-ci est «un élément dans la structure de la conscience ». La question de la relation entre la raison et la foi est donc incontournable, autant en ce qui concerne le rapport à la vérité que dans la gestion de l’agir humain. La religion questionne et est questionnée par la philosophie théorique et pratique au point de rencontre de la métaphysique et des sciences.

3 Commentaires

  1. Mon témoignage : La foi m’a été accordée surnaturellement, par plusieurs songes, puis par une vision pendant mon accouchement où j’ai passé dans l’autre monde car j’ai failli mourir et une voix très forte qui
    m’a parlé du haut du ciel et qui disait : DIEU EST UN DIEU D’AMOUR , IL VOUS AIME CHACUN DE VOUS, IL VOUS A DONNE’ TOUS LES ELEMENTS POUR ÊTRE HEUREUX , MAIS VOUS NE FAITES PAS CE QU’IL DIT. SI VOUS ÊTES DANS LA MISèRE, LES CATASTROPHES, LES FAMINES, LES GUERRES, LES
    TREMBLEMENTS DE TERRE, INONDATIONS, C’EST DE VOTRE FAUTE, C’EST LA CONSéQUENCE DE
    VOS ACTES. DIEU A UN PLAN DANS CE MONDE ET CE PLAN EST BIENTÔT TERMINé ET DIEU EST
    VAINQUEUR.

    La vision que j’ai eu auparavant de cette voix qui a parlé mais n’était pas Dieu :
    J’ai vu comme un film passer devant mes yeux,( Je n’ai vu qu’une partie du tout, c’était comme une morceau de gâteau, très large au début et pointu à la fin), toutes les générations de l’histoire d’Israel, depuis le début du monde jusqu’à la fin de ce monde. Une voix commentait la conséquence des actes
    de ce peuple dans l’histoire, et l’histoire était fonction de l’obéissance et de la désobéissance du peuple.
    Quand ils obéissaient à Dieu, l’histoire partait dans un sens et quand ils désobeissaient l’histoire partait
    dans l’autre sens !

    Je n’avais jamais lu la bible, ni connaissais rien des juifs, j’ignorais même que jésus et ses disciples étaient juifs et que cette bible est l’histoire d’israel. J’étais même allergique de la lire et je la comprenais
    à l’envers jusquà ma nouvelle naissance cf Jean chap. 3. où j’ai lu cette parole,comme si je n’avais rien mangé pendant 40 ans,( spirituellement Jésus dit de lui-même : JE SUIS LE PAIN DE VIE), et j’ai compris pourquoi la voix disait  » Dieu est vainqueur » plus tard, puisqu’au moment de ma conversion, je
    ne croyais pas l’existence de Satan. Dieu a eu compassion de moi car j’ai fait beaucoup de choses contraires à sa loi et il m’a révélé son existence et son amour malgré tout ce que j’ai fait.

    Ma foi vient d’une révélation divine et depuis ma vie a tellement changé pour le bien.

  2. Salam…

    « La Plume des Grandes Terres »…, « … d’Elle, si l’on peut dire d’une période, bien mal écrite, d’un lieu, bien mal acquis, des êtres, si peu humain, en Elles, n’a pu observer, et donc a du ignorer, autant les raisons et la foi qui lui ont fait croire, sans frontières aux espaces ni lumières aux ailleurs, que l’existence un jour se quitte le sens d’une réalité, la réalité d’un sens… »

    « …Aujourd’hui encore, comme tout au fil de Leur temps, combien d’Elle s’envole en tout air sans joie et comment d’Elles succombent en lumières sans choix, alors que tout air de la terre se promet nuit et jour des branches d’un nid des arbres, de la vie… »

    « …Qui sont ces êtres, et peut être ces hommes, sans plumes, qui viennent et vont, au delà d’un esprit, en deçà de la vie, aussi longtemps qu’Elles suivent et aussi fondamentalement qu’Elle vit à leurs faits, à leurs droits, à leurs lois, ce que pour demain jamais hier ne rendit des montagnes des rivières en manne de lumière… »

    « …Elle se réveilla comme Elles se réveillèrent, du bon sens, comme pour entendre l’air entre les blancs du ciel, ou comme pour surprendre l’eau entre les fleurs du miel, et vint à l’ouïe le soupçon comme vint à l’âme un frisson, l’histoire d’un ou deux murs qui, au loin, eurent été bâtis solidement, indélicatement, entre deux camps, stupidement aussi, entre 1 seul Peuple… »

    « …Elle se questionna comme Elles se questionnèrent, du même air, sans pour autant ne pas, ne plus savoir, hier, avant hier, avant avant…au beau milieu d’une existence, l’évidence de Leur air, libre, de Leur vie, douce, et de Leurs venues, encore toutes et toujours longtemps, fragiles… »

    « …Pourtant Toutes unies réunies accomplies, quel qu’en soit la nature* et l’issue* d’une raison sans prix, le mystère, ou le sacré, en conscience des accords qu’elles* invoquent évoquent et provoquent en Elles, Toutes, pour la cause d’une conséquence et contre la conséquence d’une cause qui jamais ne valent ni plus haut ni plus profond qu’un autre et même ciel dans le seul et même univers… »

    « …Que sais-je, mais n’est-il ainsi, sans tout propos pourtant pensable en altitude, et/ou pensif en gratitude, d’un meilleur, ou d’un pire, chaque fois à venir, disons, purement, simplement, naturellement, qu’au cœur de la vie battent aussi des ailes aux rangs de la terre, des sages aux mers de l’oubli, des secondes aux fils de l’Instant,… »

    …KHassan…Salam…merci…

  3. La foi est faible quand la oumma est divisée , pourquoi diviser la oumma ?
     » Les femmes bonnes avec les hommes bons te les femmes mauvaises avec les hommes mauvais  » c est appliqua le pour moi et pour mon frère …

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