Mediapart – Débat Tariq Ramadan et Massimo D’Alema [13/12/2015]

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Université Catholique de Louvain, Belgique, grand amphi, l’Alma, débat entre une figure de la gauche européenne, Massimo D’Alema, ancien Président du Conseil, ex ministre des Affaires étrangères, cabinet Prodi, et le théologien musulman, Tariq Ramadan.

La salle est comble, je n’ai pas compté, trois quatre cents personnes, des étudiants pour la plupart, quelques jeunes femmes voilées, un quart, mi-élégance, mi-discrétion, plutôt de la soie, couleur assortie à l’écharpe, aux chaussures, pas d’escarpins façon Rachida Dati, néanmoins du fin, du léger, musulmane et séduisante, c’est ce genre-là, aucune abaya, pas de burqa, personne ne hurle, ni ne vocifère, nul ne se livre à d’ostensibles démonstrations de prières.

Ramadan entre de façon discrète, entouré de costauds, eux aussi discrets, l’homme a des ennemis, les excités FN, pour qui l’église doit être au milieu du village, qu’importe s’ils n’y mettent les pieds qu’à leur mariage ou leurs funérailles, et les radicaux salafistes dont leur lecture du Coran est la seule bonne, toute divergence valant preuve d’apostasie, à n’expier que dans la mort.

Le thème, ce sont les réfugiés syriens. On en parlera si peu. Après le Bataclan, comment faire autrement ? D’emblée, une organisatrice (European Muslim Network) dit sa condamnation du terrorisme, et de toute forme de violence ailleurs dans le monde.

Massimo D’Alema parle des contradictions qui traversent l’Europe, d’un côté la claire conscience que la crise des réfugiés ne peut être gérée que dans l’union, de l’autre le repli sur soi, attisé par la haine, les attentats renforçant cette tendance, ce qui implique le rejet sur les plus pauvres de l’accueil aux frontières. Il déplore l’absence de stratégie européenne. François Hollande veut bombarder Daesh, oui, pourquoi pas, il n’y est pas opposé par principe, mais pour faire quoi après ? Quel projet ? A son avis, la communauté musulmane est la première victime des attentats.

Tariq Ramadan. On l’accuse de double discours, j’ai cherché quelques preuves sur internet, n’ai rien trouvé. Des critiques, oui, des injures, des procès d’intention, mais rien de concret. Au demeurant, ses livres sont vendus dans le monde arabe, par exemple à Casablanca, dans une grande librairie du centre, ouvertement, ils sont posés sur une table de lecture, accessibles à tous, et grâce aux antennes paraboliques, on peut écouter ses conférences des deux côtés de la Méditerranée, sans schizophrénie.

Il s’oppose à la vision de D’Alema. Il affirme que les musulmans d’Europe sont des citoyens comme les autres, pas plus, ni moins victimes du terrorisme, nous, c’est vous, et vous, c’est nous. Il insiste très fort là-dessus. Regrette l’absence de courage politique en Europe, les politiciens reconnaissant en privé qu’il faut envisager la gestion de l’islam sur le long terme, vingt ans, les mêmes tenant des propos démagogiques parce que les élections, c’est maintenant. Quadrature du cercle.

Dans le débat qui suit, Massimo D’Alema dira qu’une des clés du problème, c’est l’absence d’interlocuteur officiel représentant l’islam. En Italie, on a l’Eglise catholique, dont le poids est énorme, et les intentions pas toujours progressistes, mais c’est un interlocuteur.

Ramadan rappelle que dans l’inconscient collectif, l’islam n’est pas considéré comme européen, et donc qu’on en demande systématiquement plus aux musulmans. On exige des musulmans qu’ils condamnent le terrorisme comme préalable à l’acceptation, éventuelle, de leur qualité d’Européens. Pourtant, cela fait 50 ans qu’on trouve d’importantes communautés musulmanes en Europe, avec des musulmans nés en Europe, qui y vivent, y ont étudié, y travaillent, se sentent européens, le sont. Qu’on regarde comme des Algériens…

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