Pour les femmes et les hommes d’Occident, l’Islam paraît réfractaire à toute idée de modernité. On a pu lire en première page de certains magazines américains, anglais ou français –parlant de la montée de l’islamisme – des titres du type : L’islam ou la modernité, L’islam ou la démocratie … quand les formulations n’étaient pas plus exclusivistes ou sentencieuses. Ce qui se dessine en toile de fond, c’est l’expression d’une sorte de face à face entre l’Islam et l’Occident dans lequel ce dernier se voit attribuer la qualité positive, le principe d’ouverture et de respect des valeurs humanistes et démocratiques. L’islam apparaît, à l’inverse, comme marqué négative-ment par l’archaïsme et la tradition, l’enfermement dans les anciennes catégories dogmatiques, la discrimination des femmes, la barbarie du code pénal (traduit par la sharî’a), et l’impossible liberté des peuples. Au seuil du troisième millénaire de l’ère chrétienne, les termes de l’alternative sont clairs.
À considérer l’état des sociétés musulmanes, il est impossible d’annuler d’un trait de plume la portée des critiques qui nous sont faites. Elles sont fondées quand elles mettent en évidence un certain nombre de ré-flexions ou de comportements des plus sidérants et que l’on justifie au nom de l’islam : le privilège des rois et des présidents, la justice expéditive, l’analphabétisme des femmes avec un éventail de discriminations plus douloureuses les unes que les autres, le traditionalisme étroit de certains oulémas (savants) qui décident et qui tranchent hors de toute réalité humaine, dans un absolu que Dieu sait et connaît. Les faits sont là, il faut les reconnaître et en rendre compte.
Il faut pourtant demander à ce que le débat sur l’islam soit lancé sur des bases méthodologiques saines et claires. Considérer et prendre en compte les seuls événements choquants du quotidien ou, plus largement, l’état des sociétés musulmanes pour conclure de façon définitive que l’islam ne peut répondre aux problèmes contemporains est, en terme d’analyse, erroné et réducteur. C’est limiter les études islamiques (l’islamologie) aux sciences sociales, c’est faire des spécialistes de ces dernières, des spécialistes de l’Islam contemporain. Plus clairement, cela revient à faire l’économie d’une étude approfondie des fondements de l’islam (dont on ignore souvent tout, mais qui apparaissent si évidents tellement on en parle… sans rien en dire pourtant) qui nous permettrait de mesurer s’il existe vraiment une incompatibilité entre l’Islam et l’acceptation des principes de la modernité tels qu’ils se sont actualisés en Occident. Cette étude, pourtant, serait seule à même de nous donner les moyens de comprendre la richesse et le foisonnement des idées qui mobilisent aujourd’hui les esprits dans les sociétés musulmanes afin de donner le jour à une société qui, sur les quatre plans économique, politique, social et culturel, puisse vivre avec son temps sans renier ni trahir ses références.
L’étude de ces références s’impose donc pour pouvoir s’engager dans une discussion sérieuse sur le sujet qui nous occupe.
Merci pour cet article.
C’est une bonne chose de lutter contre l’oubli de nos références, contre la désinformation et la remise en question de nos principes humanistes.
Au travers de votre longue action, vous vous tournez à la fois vers la communauté musulmane, pour l’instruire mais aussi pour lui donner confiance et approfondir sa foi.
Vous vous tournez également vers les autres communautés pour les rassurer que les concitoyens de cette confession religieuse ne représente pas une menace généralisée.
Que le Seigneur vous agrée et vous apporte Son soutien.
…
Bien évidemment, comme des noms et du nombre qui parfois les attribuent /qualifient /différencient /accompagnent, les saisons ne dépendent ni du jour ni de la nuit, autant, les temps pluriels et passants, comme plus récemment, mais toujours fondamentalement, quel adn ne saurait être, à tout un(e) chacun(e), tout aussi invisible substantiel et personnel que singulier différend et universel…
La complexité d’une société la difficulté d’une entité et la nécessité d’une polarité dépendent beaucoup plus de l’identité que de l’humanité…; sans plus de facilité, sans trop de culpabilité, la complémentarité et l’égalité ne peuvent être ni la différence des intérêts d’une moitié et/ou ni la divergence des équilibres d’une relativité…
Comment, et, combien, (car nombre de pourquoiS ni n’arrivent ni n’attestent d’ailleurs…), « circonférenciellement », « existentiellement », périodiquement, d’un monde à l’autre, la connaissance des réalités d’une faculté ne peut-elle intégrer la tolérance des composé(e)s d’une diversité, quelle lutte ne cherche « la » liberté depuis l’antiquité, quel regard n’est limité d’espace dans « la » vérité, quelle communauté n’estime « la » responsabilité devant la cruauté, …
La BioDiVerSiTé est un blasphème pour qui n’y croit, l’HuMaNiTé est un emblème pour qui LeS pansent…
…merci…
Monsieur Tariq Ramadan Assalam. Je suis tout à fait d’accords avec ce texte. Par ailleurs ma question (bien que un peu naïve) est la suivante: Est il possible de vaincre l’ignorance et l’analphabetisme et de manière générale le peu d’education dont souffre des millions de musulman en Asie, en Afrique et dans de nombreux pays arabo-muslmans. Un manque qui se traduit par une lecture littérale et superficielle de l’islam et qui par conséquent par des comportements, discours et attitudes qui ne font qu’alimenter la diabolisation de cette religion qui est la notre. Quelles perspectives pour en sortir et doter de moyens educatifs toutes ces populations défavorisées opressées revoltées…pour « qu’un jour » elle puisse aller en profondeur dans la compréhension des textes et renouer de la sorte avec la tradition de la pensée positive de l’islam… une pensée d’ouverture, de dialogues plutôt que celle de l’obscenturisme aveugle et de la fragilité identitaire… Dans la configuration du monde actuel y t-il un espoir pour y arriver?
Cordialement.
H.Berrada