« Ce matin à l’aube j’ai eu mille ans » par Samira Lakfif

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« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

Ce matin à l’aube j’ai eu mille ans

Mon cœur en lambeaux a refusé mes cataplasmes, et dans un long voyage est entré dans l’éternité…
Ma sœur, mon âme vive est revenue me hanter, et le voile de l’oubli s’est de nouveau déchiré !
Dans un soubresaut ultime je tente de me raccorder à l’univers, d’entrer dans ses particules et de m’y désintégrer
Oublier… ne plus me souvenir, j’ai voulu effacer ses traits, elle m’est réapparu dans la splendeur de sa douceur habillé d’ocre, son dernier vêtement terrestre arraché par les flots déchainés
J’ai pleuré…
Effacer à jamais cette douleur, j’ai voulu prier, ma voix m’a abandonné, et j’ai compris que j’avais trop oublié.
L’oubli ce frère bien aimé m’a aussi délaissé, livrée à la mémoire vive et au scalpel de mes souffrances je me sens ravagée
Dieu m’est témoin : j’ai essayé !
Voilà maintenant six ans… et d’année en année, en toute saison et à chacune de mes prières je tente d’effacer, de ne plus me rappeler ton visage rayonnant, ton sourire de partage et ton innocente incompréhension… j’avais effacé tes traits et te revoilà plus belle que jamais !
Elle réclame sa place dans un cœur qu’elle n’a jamais quitté, qu’elle a « seulement » brisé…
J’ai tant et tant pleuré et j’ai demandé à Dieu de me pardonner mes larmes, j’avais si peur de ne pas accepter Sa Volonté… comment ne pas accepter Sa Volonté ?
Mes larmes ont séché et j’ai continué d’avancer ; j’ai tenté de t’oublier… pardonne à ta sœur cette faiblesse et demande à Dieu de me pardonner.
O ! Combien je t’ai aimé et combien je t’ai effacé, la gomme puissante de l’oubli a si bien travaillé !
J’avais si peur de mourir de chagrin, mon cœur a résisté mais s’était refermé et j’ai vécu sans âme
A l’aube… j’ai eu mille ans
Une éternité depuis ce jour où tu t’en es allée lovée dans les vagues de l’océan amer.
Je n’ai pas voulu revoir ton visage impassible et je ne t’ai pas contemplé une dernière fois revêtue de ton linceul d’éternité….j’ai refusé, j’ai eu si peur de ne pas le supporter !
O ! Faiblesse immonde, qu’as-tu fait de moi !
Je me suis recueillie sur ta tombe blanche, inconnue parmi l’humanité et tu ne fus plus rien qu’une page de mon histoire chimérique…tu es sortie de ma réalité…
J’ai ri, j’ai vécu, j’ai vieilli mais sans jamais rire ni vivre… une fracture m’en a empêché et aujourd’hui je réapprends à marcher.
Dans ce silence de l’aube je tente de retrouver le goût des larmes apaisantes je demande à Dieu de m’aider non à t’oublier mais à te ré apprivoiser, à accepter la présence de ton absence.
Petite sœur je t’ai tant aimée, tu es la meilleure partie de moi et avec toi elle s’en est allée, aide-moi à la retrouver.
Reviens partager mes joies et mes peines, que ton souvenir soit une caresse et apaise mon cœur submergé. Que les images de ta noyade ne reviennent plus me hanter que seul le sourire de ton visage apaisé m’aide à continuer.

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

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