Interview de « Jeune afrique »

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L’intellectuel et universitaire suisse d’origine égyptienne revient sur l’affaire des minarets en Suisse. Dernière parution : Mon intime conviction, Presses du Châtelet, 2009.Jeune Afrique : Comment réagissez-vous au référendum interdisant les minarets ?

TARIQ RAMADAN : Comme toute la classe politique suisse, les médias et même les initiateurs du projet de loi, j’ai été étonné. Mais j’ai surtout vu dans le résultat du référendum le signal d’une peur installée et instrumentalisée par un parti d’extrême droite qui, après s’en être pris à l’abattage rituel – puis y avoir renoncé parce que d’autres religions sont concernées –, est passé aux minarets. Ce vote suisse nous force, avant de réagir, à admettre qu’il y a un jeu politique qui consiste désormais à entretenir la peur par des images choquantes, des slogans extrémistes mettant en scène le stéréotype d’une Suisse qui courrait le risque d’être colonisée par les musulmans.

Et les musulmans de Suisse ?

Pendant la campagne référendaire, on leur a demandé de faire profil bas et d’éviter le clash, ce qu’ils ont fait. Ils ont donc été les premiers surpris par le résultat. Pour le moment, ils sont ébranlés et ne savent pas comment rebondir. Mais nous sommes nombreux à dire qu’il faut en premier lieu entendre le message de la peur et comprendre que la nouvelle visibilité de l’islam ébranle les anciennes certitudes et les affirmations identitaires européennes. Ensuite, qu’il importe d’éviter les réactions émotionnelles et les surenchères qui ne pourraient qu’accréditer le préjugé du « musulman violent ». Il faut être pondéré quant à la réaction, mais ferme quant au droit. On ne répond pas aux peurs qui stigmatisent par des boycotts qui punissent. Cela dit, certaines organisations songent à saisir la Cour européenne de justice.

Doivent-ils, autant que possible, se faire oublier ?

Il faut prendre acte du vote. Et le considérer comme une sonnette d’alarme pour toutes les consciences démocrates d’Europe. Mais il ne s’agit pas pour les musulmans de devenir invisibles – même si la Suisse vient de confirmer qu’un bon musulman est un musulman qu’on ne voit pas –, mais de croire en la normalisation de leur présence en terre européenne, comme citoyens engagés dans la vie sociale, politique, culturelle et écologique. Certes, nous sommes dans un processus très long : deux générations au moins. Mais il ne faut pas s’enfermer dans ce qui nous pousse à l’hypertrophie de la référence islamique. Ni se dérober devant la normalisation de la référence citoyenne.

SOURCE : Jeune Afrique

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