Vous n’avez pas pu évoquer les solutions à la montée du radicalisme. D’après vous, quelles sont-elles ?

Tout d’abord, pour les musulmans, il faut dépasser le stade du déni, il faut regarder les choses en face. Ensuite nos Etats européens doivent comprendre que leur meilleur partenaire, c’est nous ! Nous devons être impliqués et il faut revaloriser l’islam dans nos sociétés, ne pas lui donner qu’une valeur négative dans les discours. Troisième chose : il s’agit de travailler avec les pays d’origine, pour les accompagner dans la transition démocratique. Tout cela, c’est du travail en amont. Il y a aussi la problématique des jeunes qui reviennent, en aval donc. Or, beaucoup de jeunes qui partent sont des victimes : victimes de lavage de cerveau, de leur non-connaissance, de leur frustration. Et que fait-on quand ils rentrent ? On les met en prison ! Ils ne peuvent pas être deux fois victimes. Au Danemark, en Suède, il y a un vrai accompagnement de ces jeunes. Il s’agit notamment d’utiliser ceux qui reviennent pour en empêcher d’autres de partir. Un Etat doit aussi protéger les citoyens contre eux-mêmes.

Lors de votre conférence, vous avez évoqué les « laissés-pour-compte de l’indignation », la responsabilité des Etats, etc. Ce type de discours ne nourrit-il pas une forme de victimisation et donc les frustrations dont on parle ?

Non, j’ai dit qu’il fallait reconnaître, ne pas nier que le radicalisme existe et le condamner. Mais il faut aller plus loin. Si vous ne faites que condamner, les musulmans, et les jeunes notamment, ne vous entendent pas ! Je ne suis pas du tout dans un discours victimaire : j’appelle les musulmans à se prendre en charge ! Mais je ne peux pas admettre un discours politique simpliste qui condamne sans essayer de comprendre.

Mais n’y a-t-il pas chez les jeunes un risque de confusion face à un tel discours, notamment quand vous parlez du Hamas comme d’une résistance légitime ?

J’ai toujours dit que la résistance à l’armée israélienne était légitime, ça relève de la dignité du peuple palestinien. Par contre, les moyens utilisés sont condamnables : on ne peut tuer des innocents au nom de cette résistance. Mais il n’y a pas de risques de confusion chez les jeunes car ils ne viennent pas m’écouter comme vous le faites, vous les journalistes. Vous venez avec l’idée que « Tariq Ramadan est controversé » et vous construisez une interprétation qui n’est pas la mienne. Les jeunes, eux, m’écoutent sans ce biais.

Source: LeSoir.be