Les révolutions arabes vues
par Tariq Ramadan

0
2976

INTERVIEW | L’universitaire est à Genève pour livrer son analyse des événements.Par Alain Jourdan Tariq Ramadan est venu à Genève pour faire la promotion de son dernier ouvrage, L’islam et le réveil arabe, publié aux presses du Châtelet. Un emploi du temps chargé attendait l’universitaire qui était mardi soir sur le plateau de l’émission Infrarouge. Lui ne parle pas de révolutions arabes mais de soulèvements et restitue les événements dans leur contexte géostratégique.

Que dites-vous aux occidentaux qui craignent de voir les révolutions arabes faire le lit de régimes islamistes radicaux?

D’abord, je dis dans les deux premiers chapitres du livre qu’il faut éviter la lecture romantique de ces révolutions qui seraient le fait de jeunes advenus de rien. Il faut vraiment faire une analyse des sociétés arabes contemporaines pour percevoir qu’il y a de grands enjeux, des courants politiques contradictoires et que dans les oppositions, il n’y a pas un bloc monolithique, il y a une diversité de laïcs et une diversité de courants islamistes. Cessons de regarder le monde arabe comme il fut regardé pendant pratiquement un demi-siècle, la région où il ne se passe rien, si ce n’est l’oppression, la dictature et puis des courants islamistes qui s’opposent aux dictatures. Ensuite, il faut absolument que l’on sorte de la binarité islamistes contre laïcs parce que tous les laïcs ne sont pas démocrates et tous les islamistes ne sont pas radicaux. Chez les laïcs, il y a eu des gens qui ont soutenu Ben Ali et Saddam Hussein. Des gens qui au nom de la laïcité ont justifié la répression. Et puis, on a des mouvements islamistes dont certains ont énormément évolués sur ces trente dernières années. Ils ont été influencés par le modèle turc. Il y a dix ans de cela, on disait d’Erdogan que c’était un islamiste. On voit comment il a évolué. Plutôt que de justifier la dictature par la crainte de ce qui pourrait advenir, écoutons les gens, regardons et gardons un regard critique sur ce qui se fait. Aujourd’hui, les courants dominants de l’islam politique sont en train de parler d’un Etat civil et pas d’un Etat islamique. Cela veut dire qu’ils sont en train de se poser la question de savoir quelles sont les modalités de leur prise de pouvoir s’il advenait qu’ils viennent au pouvoir.

Quel sera le principal écueil que devront éviter les jeunes démocraties arabes demain?

Moi, je suis plus prudent. Je ne parle pas de révoltes mais de soulèvements. D’abord, par ce qui se passe en amont. Quand on dit que ce sont des mouvements endogènes, je dis attention. Il y a aujourd’hui des intérêts contradictoires dans ces régions. Les Etats-Unis et les Européens savaient qu’ils ne pouvaient plus s’appuyer sur les régimes de Moubarak et de Ben Ali. Ensuite, il y a un autre paramètre. Ce sont les intérêts économiques. Il faut compter maintenant avec la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, la Turquie et le Brésil. Eux se moquent pas mal de tout le discours sur les droits de l’homme. Ce qui les intéresse, c’est le caractère géostratégique de la région. Aujourd’hui, il faut s’ouvrir à une diversité mais pas l’idéaliser. La Chine, ce n’est pas un modèle de démocratie. L’Inde c’est une démocratie mais avec énormément de corruption et de pauvreté. Il y a à tirer des leçons mais sans tomber dans une espèce d’idéalisation des nouvelles relations avec l’Occident. Sur le plan interne, l’enjeu chiites-sunnites est capital. Et puis, le Moyen-Orient doit régler la question israëlo-palestinienne. On ne peut pas aujourd’hui supposer qu’il y ait des processus démocratiques strictement nationaux. Celui qui penserait qu’on aura une démocratie en Egypte, en Tunisie et qui ne voit pas l’enjeu régional, à mon sens, se trompe dans l’analyse des faits.

Comment voyez-vous évoluer la situation en Syrie?

La Syrie c’était différent. Personne ne souhaitait voir le régime tomber. Parce que ce pays est un élément stabilisateur de la région dans la relation entre sunnites et chiites et dans le rapport à Israël. On craignait aussi que les islamistes soient moins contrôlables qu’ailleurs. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne s’attendait pas à une résistance pareille de la population.

Dans votre livre, vous vos montrez critique à l’égard des médias occidentaux…

Je ne fais pas seulement une critique des médias occidentaux. Je fais aussi une critique d’Al-Jazeera et des médias arabes. Je pense qu’il faut faire attention à ne pas sur-dimensionner le rôle des médias et à ne pas le minimiser aussi. Il est évident que dans les deux premiers soulèvements en Tunisie et en Egypte, Al-Jazeera a joué un rôle déterminant. Il y a eu aussi un traitement différencié. Ce qu’on a pu dire sur la Libye dans les médias occidentaux… Même Amnesty International est intervenu pour dire qu’on avait exagéré les exactions du clan Kadhafi et minimisé celles commises par les opposants. Le fond de la question, pour moi, est d’analyser le jeu médiatique sans tomber dans une espèce de paranoïa. Et là, pour le coup, dans mon analyse je ne fais pas de différence entre les médias occidentaux et les médias arabes.

Vous pointez du doigt le rôle joué par Al-Jazeera, c’est aussi le rôle joué par le Qatar qui est intéressant, non ?

Il y a un rôle tout à fait majeur du Qatar dans la région. C’est vrai que le pays alimente, à travers les débats d’Al-Jazzera, une espèce d’aspiration démocratique. Mais son positionnement est à géométrie variable. Il a appuyé les révolutions égyptiennes et tunisiennes, l’opposition à Kadhafi avec l’OTAN mais a soutenu, en revanche, le gouvernement du Bahrein. Le Qatar est un allié des Etats-Unis et de la France, mais il joue sur plusieurs fronts. Quand les Etats-Unis ont annoncé qu’ils arrêtaient de financer l’UNESCO après la reconnaissance de l’Etat palestinien, le Qatar a été le premier pays à dire qu’il élargirait sa contribution. Le Qatar est une puissance financière phénoménale régionalement et qui a une intuition politique beaucoup plus affinée que l’Arabie saoudite.

1 COMMENTAIRE

  1. L’islamisme radical en régime politique c’est du passé ; tous les intellctuels musulmans ,je pense ,qu’ils ont dépassé toute radicalité par le confortement de soi-meme comme musulmans ayant dorénavant droit au chapitre , sortis ainsi de l’incompréhention, la marginalité et l’exclusion vers la participation à la modernité cotemporaine avec leur identité toute islamique ,
    Les musulmans ont pris connaissance des lacunes manifestes qui les alourdissent et les figent dans la conception meme d’une gouvernance à référentiel musulman . Ils ont beaucoup de travail à faire sur eux- memes d’abord avant de proposer des modèles politiques. Meme en Tunisie, en Lybie et en Egypte on restera très en deçà du modèle séoudien tout hermétiquement conservateur qu’il est .
    Et Dieu merci les musulmans ont ouverts leurs yeux sur les autres et en déduisent que la convivialité socio -politique est un pillier fondamental de la démocratie , pillier qui s’embranche et s’articule sur le connsensus et la collégialité des débats de principes et des idées.
    Et tout discours ou slogan qui avancerait encore ces thèses n’aurait d’autre but caractérisé que de saboter par discrédit les bons musulmans de bonne foi qui aspirent à etre eux-memes ,avec le respect total des autres ,et aller de l’avant pour construire des modèles mieux appropriés à leurs réalités sociales politiques économiques et culturelles en se réhabilitant ,à fur et à mesure, d’un niveau digne des nations développées économiquement .
    Et merci encore une fois Sir Tariq de nous ouvrir ces pages de participation au renouveau de cette identité qu’est l’Islam .

  2. Salam aleykoum

    Tariq vous dites qu’il faut éviter la lecture “romantique” de ces révolutions qui seraient le fait de jeunes advenus de rien; entre nous l’adjectif romantique n’est pas très approprié par rapport aux médias. Je ne pense pas comme vous, ce sont les nouvelles générations qui ont commencé à dialoguer via les réseaux sociaux dès 2007-2008. Concernant la politique d’Erdogan vous dites qu’on voit comment il a évolué en dix ans, vous oubliez le sort des Kurdes. Depuis quelques mois Erdogan est un rapace assoiffé de pouvoir, se mettant du côté des malsains de ce monde. A propos de la Syrie, vous dites que ce qui est sûr c’est qu’on ne s’attendait pas à une résistance pareille de la population. Là aussi je ne suis pas de votre avis du tout, la fausse propagande et ce qui suit actuellement avec cette perfide ligue arabe vis à vis de ce pays est pourtant tellement évidente. Quant au Qatar je trouve vos dires trop édulcorés et ambigus.

  3. je suis d’accord avec vous le point qu’une syrie dominé par des islamistes sera un danger pour israel . parce qu’ils sont incontrolable mais ne pensez vous que cette donne est révolu car maintenant un hizbullah armé est plus dangereux pour israel que tout les islamistes réunis donc le régime syrien est plus dangereux et plus fort que l’egypte et pour moi israel est préte a accepter une hamasisation de la syrie au lieu d’un axe militaire

  4. Mr Ramadan,

    Je vous respecte énormément et votre parole sensée est écoutée par des millions de musulmans ici à l’occident.

    Je voudrai savoir quelles sources avez-vous utilisé pour avancer que le gourvenement syrien massacre son peuple? Il y a deux versions :
    1- Le gouvernement massacre la population (Médias occidentaux, turques, pays du golfe, Al jazeera, al arabiya, al hura…etc)
    2- Des groupes armés sèment la terreur ce qui oblige l’État syrien à riposter. Ces groupes sont financés et armés de l’étranger pour déstabiliser l’État. (Télé syrienne, Al manar, Al alam, réseau voltaire, agoravox.fr, mondialisation.ca…etc)

    Puis-je savoir exactement comment vous faites pour reconnaitre la bonne version?

    Finalement, dans le doute, Dieu nous a demandé de nous référer à Dieu et à son prophète.

    1- Obéïr ceux qui gouvernent (dans le coran).
    2- Ne pas prendre les armes contre le gouverneur.
    3- La fitna est endormie. Malédiction à celui qui la réveille.

    Le gouvernement syrien a promis des réformes importantes en commençant par une nouvelle constitution.
    Le gouvernement syrien est entrain de préparer des élections locales pour le mois de Décembre.
    Le gouvernement syrien a appelé à maintes reprises l’opposition à l’étranger pour des négociations pour une sortie de crise sans détruire l’État syrien avec toutes les garanties pour leur sécurité.

    Je me demande : Pourquoi cette opposition ne va pas en Syrie négocier pour réformer ce qui n’est pas bon?

    Je vous prie de bien vouloir vous intéresser à cette crise de plus près et de nous éclairer si vous avez un peu de temps.

    • salem,
      d’abord moi je vivais dans le monde arabe, et apparemment vous viviez à l’occident, je vous répond Mr par deux question:
      1- ces références du coran et de la traditions sont mal interpérté de votre part, et ce sont exécutables sauf dans certain circonstances mais pas dans l’absolu.(donc si on se réfère à ça comme vous avez écrit tout court = c’est la dictature même et de la tyrannie que vous faite appel)???
      2- j’aurais aimé que vous référiez au coran et à la tradition musulmane et ces principes: (mata ista3batom annas w waladthoum oumahatouhom ahrar – comment seront les gens opprimé et il sont nés libres – omar ibn khatab-, ( jean- jaques rousseau l’a dit également).
      et des centaines de paroles du prophète et verses……..ne prenez pas ce qui vous convient de la religion et fermez l’oeuil sur ce qui ne vous convient pas Mr.

    • Bonjour et Salam à tous .

      Pourquoi ne pas tout simplement regarder dans les paroles du prophètes Muhammad (paix et bénédictions de Dieu sur lui ) en ce qui concerne les révolutions arabes ?

      Bonne lecture :

      AwfIbn Mâlik (qu’Allah soit satisfait de lui) a rapporté :
      «Le jour de la bataille de Tabûk, j’allai trouver le Prophète -sur lui la grâce et la paix- qui se trouvait dans une tente en peaux et me dit : Avant l’échéance de l’Heure, il te faudra attendre ces six événements : ma mort, puis la prise de Jérusalem ; puis une épidémie qui s’abattra sur vous, semblable à l’épizootie qui frappe les moutons ; puis la profusion des richesses, au point que l’homme qui aura reçu cent dinars demeurera insatisfait ; puis une sédition qui pénétrera chez tous les Arabes sans exception ; puis un pacte qui vous liera aux «fils des jaunes» (Bânî al-Asfar)() qui vous trahiront et viendront vous affronter avec une armée de quatre-vingts étendards, chaque étendard ralliant douze mille hommes.» (Boukhari)

      Ibn ‘umar rapporte que le Prophète sallalahu alayhi wasalam a dit à un groupes de compagnons : » Cinq malheurs vous toucheront ,j’implore Dieu que vous ne les atteignez pas ! :
      – Lorsque la débauche se propagera au point que les gens la commettent ouvertement (voir qu’ils en fassent sa propagande) alors ils seront touché d’épidémies et de douleurs que leurs ancêtres n’auront pas connu.
      – Lorsqu’ils tricheront dans la balance et la mesure alors ils seront punis par la sécheresse,la disette ainsi que par l’oppression du pouvoir à leur égard.
      -Lorsqu’ils se priveront de payer leur Zakât(Aumône)alors Dieu les privera de pluie et si ce n’étaient pas les bêtes des pâturages,aucune goutte ne leur parviendrait plus du ciel.
      -Lorsqu’ils romperont leur pacte avec Dieu et Son Prophète,alors Dieu les fera coloniser par leurs ennemis qui s’empareront de certaines de leurs richesses.
      -Et lorsque leur gouvernants refuseront d’appliquer les commandements du Coran et refuseront de rechercher les solutions à partir de la révélation divine,alors Dieu enclenchera la tuerie entre eux.
      Rapporté par Ibn Mâja.

      Le Califat Bien-Guidé reviendra par la Permission de Dieu. Le Prophète Véridique – paix et bénédiction sur lui – nous en a informé, comme cela est attesté par le hadith authentique suivant : « La prophétie demeurera parmi vous aussi longtemps que Dieu le voudra. Puis Dieu la reprendra lorsqu’Il voudra et elle sera remplacée par un califat qui suivra le chemin tracé par la prophétie, et qui demeurera aussi longtemps que Dieu le voudra. Puis Dieu le reprendra lorsqu’Il voudra et il sera remplacé par un pouvoir absolu qui demeurera aussi longtemps que Dieu le voudra. Puis Dieu le reprendra lorsqu’Il voudra et il sera remplacé par un califat qui suivra le chemin tracé par la prophétie ». Et le Prophète se tut .
      Hadith rapporté par Ahmad ibn Hanbal, Al-Bazzâr et At-Tabarânî

      Abû Bakra rapporte ces paroles du Prophète – sur lui la grâce et la paix – : « Certes, il y aura des troubles ! Il vaudra mieux [en ce jour] être couché qu’assis ! Il vaudra mieux être assis que marcher ! Il vaudra mieux marcher que courir !
      – O Envoyé de Dieu, que m’ordonnes-tu ?
      – Que celui qui a des chameaux s’occupe de ses chameaux ! Que celui qui a des moutons s’occupe de ses moutons ! Que celui qui a une terre s’occupe de sa terre ! Et que celui qui ne possède rien de cela prenne son sabre et qu’il en émousse le tranchant sur une pierre, puis qu’il se sauve s’il le peut ! » (Mouslim)

      CE HADITH NOUS RENSEIGNE T-IL SUR BASHAR AL ASSAD ?

      Le meilleur hadith Prophétique au sujet des Sufyani est d’Abu Hurayra (r) et est traduit ainsi :

      < < un homme apparaîtra des profondeurs de Damas. Il sera appelé Sufyani. La plupart d'entre ceux qui le suivent seront de la tribu de Kalb. Il tuera en déchirant les estomacs de femmes et tuera même les enfants. Un homme de ma famille apparaîtra dans le Haram, les nouvelles de son apparition atteindront le Sufyani et il lui enverra une de ses armées. Il (Le Mahdi) les battra. Ils voyageront alors avec ceux qui restent jusqu'à ce qu'ils viennent à un désert et on les avalera. Personne ne sera sauvé sauf celui qui avait été informé à propos d'eux>>
      (Mustadrak Al-Hakim 4:520, Kitab al-Fitan wal-Malahim)

      Abou Moussa al-Ashari raconte : « Le Prophète (saaws) nous contait souvent « qu’avant que n’ait lieu la fin du monde les massacres deviendront nombreux. » lorsqu’un des compagnons lui dit : « Ô Messager de Dieu ! Serions-nous en proie aux tueries plus qu’aujourd’hui ? » Le Prophète lui répondit : « Je ne parle pas des combats contre les incroyants. Ce dont je parle, ce sont les tueries qui jailliront entre vous et qui seront telles que l’homme tuera son voisin, qu’il tuera son frère, son oncle, son cousin. » Certains s’écrièrent : « Ô Messager de Dieu ! Aurons-nous alors perdu la raison en ces temps-là ? » Le Prophète (saaws) leur répondit : « Non, cependant la plupart des gens à cette époque n’auront plus leur raison. Des générations stupides leur succèderont, la plupart penserons être dans le vrai alors qu’ils ne le seront point. » »[Rapporté par Ahmad ]

      Ceci est un échantillon.
      A méditer.

  5. monsieur tariq ramadan je vous felicite pour tt vos ouvrages
    je suis tunisien ca sera pour quand votre visite chez nous ???
    et puis j’aimerai poser une question
    que pensez vous de la confrontation naissante entre le courant salafite naissant en tunisie et puis le partie politique musulmans ennahda qui se dis moderer ?????

  6. Par Badr’Eddine Mili (*)
    Comme le disait Jean-Luc Godard, je savais deux ou trois choses de vous et cela ne m’indisposait pas, outre mesure, car je préférais limiter ma science de vous à ce minima, par respect à ma profession de foi écologique. Je vous savais procureur haineux et propagandiste pro-sioniste, le propos excessif, volontairement provocateur, soigneux de votre image médiatique jusqu’aux extrêmes limites de la stagflation narcissique. Jusqu’ici, rien qui ne soit coutumier de vos coquetteries de star de l’idéologie à deux vitesses, vous faisiez du théâtre à qui voulait bien le suivre. Mais là, avec les déclarations insultantes dont vous avez accompagné vos prestations sur les plateaux des chaînes de télévision françaises en présentant, la semaine dernière, votre dernier ouvrage La guerre … sans l’aimer, vous avez franchi toutes les frontières et toutes les bornes de l’indécence et de la flagornerie.
    Excusez-moi, alors, de ne pouvoir demeurer impassible, en tant qu’intellectuel algérien porteur de valeurs nationales et universelles, profondément humaines, face à ce déluge de contrevérités, de contradictions et d’affirmations péremptoires et de m’indigner, avec force, contre le bellicisme arrogant dont vous vous faites le heraut, en troquant votre costume de philosophe de salon contre celui de philosophe guerrier, «embedded» volontaire. Dès le départ, vous prenez la précaution – en l’occurrence bien peu courageuse – d’invoquer l’aura morale de Malaparte qui fut d’abord fasciste, puis anti-allemand, enfin communiste et de Malraux, en rappelant que vous aviez quémandé la caution de l’auteur de La condition humaine, en lui écrivant, avant de partir, il y a quarante ans, au Bengladesh, votre première mission commandée en terre d’Islam. Toutefois, vous feignez d’ignorer qu’André Malraux a été rejoindre le combat d’autres clercs, comme lui, celui de Pablo Picasso et de Féderico Garcia Lorca contre le fascisme franquiste, non pas à bord de porte-avions d’armées régulières, mais dans des «Brigades internationales», sommairement équipées, seulement soucieux de ne pas trahir leur credo de liberté et de progrès, dans la même posture que celle qu’emprunteront plus tard «les justes», les anti-colonialistes, les philosophes engagés qui avaient pour nom Jean Paul Sartre, Jean-Pierre Vidal Naquet, Merleau Ponty, Curiel, Georges Montaron, Hubert Beuve Mery, André Mandouze, «les 121» et plus près de nous, Régis Debray, le compagnon de Ché Guevara, parti soutenir les «Focos» révolutionnaires de l’Amérique latine brimée. Il est, du reste, bizarre que les champs de vos batailles de prédilection soient, par un curieux hasard du destin et de la géographie, situés uniquement en terre d’Islam, Bengladesh, Bosnie-Herzégovine, Afghanistan, Irak, Libye, et Dieu sait quelle autre prochaine destination. En faisant mine d’emboîter le pas à ces grandes consciences vous peinez à chausser des pointures bien plus grandes que la vôtre. Eux n’avaient jamais mesuré leur engagement à deux aunes, ne s’étaient jamais réclamés de deux nationalités, n’avaient jamais téléphoné, au préalable, à Netanyahou, Lieberman et Barack pour obtenir leur verbatim, le feu vert qui vous permettait – à vous – d’embarquer, à l’aise, sur les bâtiments en partance pour «la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan» ; là où vous dites avoir été rattrapé par les fantômes de vos aïeuls «l’un, berger aux racines algériennes », mort quelque part dans le désert, dans des circonstances que vous vous gardez bien d’élucider, et l’autre – votre père – qui «s’était distingué à Monte Cassino» et qui se serait retrouvé à Tobrouk – dans quelle armée ? celle de l’Anglais Montgomery, la seule à avoir bouté hors de Libye la Wehrmacht de Rommel, «le renard du désert» ? et sur les traces desquels vous cherchez à jouer les «héros», dans une guerre que vous faites par procuration, avec – vantez-vous – pour seul uniforme votre complet noir et votre chemise blanche entouré, quelque part entre le Djebel Nafoussa et Misrata, sur les photos que vous exhibez comme butin, par des gens fâchés avec le rasoir. Dans le large éventail des sensibilités intellectuelles françaises qui va de Péguy à d’Ormesson et d’Aragon à Onfray auxquels la France de l’honneur, de la Résistance et des libertés doit beaucoup, vous occupez avec Finkelkrault, Gluksman, Houelbecq et Zemmour, la peu reluisante place des aigris qui défendent bec et ongles «la grandeur» de la France, non pas la vraie, celle conquise dans les batailles pour la science et le progrès, mais la fausse, celle arrachée, sans gloire, dans les guerres injustes imposées aux peuples colonisés et achevées dans la déconfiture et la débâcle de Diên Biên Phu et de l’Algérie. Des défaites historiques que vous entendez faire oublier en les dissolvant dans les aventures auxquelles vous vous associez, ici et là, dans le monde musulman, à la suite d’un Bernard Kouchner et d’un Wolfowitz, les égéries intégristes de George W. Bush et de Dick Cheney, responsables de la mort d’un million six cent mille Irakiens depuis dix ans. Des défaites sur lesquelles vous voulez prendre une revanche en applaudissant au transfert des cendres de Bigeard au Panthéon et à la commémoration de toutes les guerres, le 11 novembre, promise par les plus hautes autorités de l’Etat français. Que n’eussiez-vous pas montré autant d’entrain, comme Avraham «Abie» Nathan, naguère, en montant à bord des bateaux de la solidarité et de la paix partant au secours d’une Ghaza mortellement blessée, et de dire, en toute justice, que le peuple palestinien est un peuple en danger de perdition et de désagrégation à cause des voies de fait du blocus et de la famine décrétés par l’Etat israélien. Au lieu et place de ce que tout homme intègre eût pu espérer d’un philosophe qui se réclame de la sagesse des Anciens Grecs, vous vous employez à enrichir le droit international en parrainant deux notions hallucinantes :
    – Premièrement, les opprimés et les victimes, dites-vous, n’ont pas tous les droits, lisez : pas le droit de se défendre ou de résister, les armes à la main.
    – Deuxièmement «l’espace n’est plus le terme de l’espèce», autrement dit le droit n’est plus défini par les frontières puisque, selon votre logique, seul le sujet, l’individu et ses libertés comptent et l’espace et les frontières ne sont plus une fatalité, les classes de Marx, les races de Gobineau et les structures de Lévi-Strauss ont été condamnées par l’Histoire, et pourquoi pas prochainement les Nations aussi ; une nouvelle théorie qui ouvre les portes à toutes sortes de prédations. Nous, on veut bien, à la limite, pour «suivre le menteur jusqu’au pas de sa porte», comme dit l’adage algérien, à la condition que cette doctrine «mondialiste » soit valable aussi pour Israël.
    Pourquoi alors, toute honte bue, vous fabriquez, de toutes pièces, une exception à votre règle absurde : Israël doit être reconnu dans des frontières sûres et garanties en tant qu’Etat théocratique, avec pour capitale Jérusalem ? Vérité en deçà, mensonge au-delà ? Qui pourrait, après cela, porter un quelconque crédit à des élucubrations dont il ne faut, cependant, pas se gausser, naïvement, car elles vous sont soufflées par vos sponsors qui vous chargent de leur apprêter un habillage philosophique qui fasse moderne et de les couler dans une morale la vôtre – celle du plus fort – qui sauverait les apparences et servirait désormais de socle à un droit d’ingérence et d’intervention politiquement et doctrinalement consacré. En professant de telles outrances : fin sélective des frontières et de la souveraineté des Etats (comme ce fut le cas, en avril dernier, en Côte d’Ivoire), transformation du vieux «droit d’ingérence» de votre ami Bernard Kouchner (un autre pro sioniste) en «droit international non écrit», vous devenez un homme de confrontation, un homme dangereux, dangereux pour l’indépendance des peuples, dangereux pour la paix, dangereux pour le dialogue entre les cultures et les civilisations que vous conservez, malgré tout, par devers vous, comme le grain à moudre dont vous avez besoin pour nourrir la supercherie de la Méditerranée plurielle dont vous continuez à brandir l’étendard – pas de la même façon, malheureusement, qu’Edgar Morin – au nom de la suprématie des valeurs gréco-romaines et judéo-chrétiennes, une autre contradiction dont, vous seul, détenez le secret. Vous n’en êtes d’ailleurs pas à une seule près. Vous vous félicitez, ainsi, du mariage de la carpe et du lapin, cette curieuse alliance entre les islamistes et les partis du centre-gauche nouée ces dernières semaines dans certains pays arabes. De là à ce qu’on vous voie prochainement discourir autour d’une tasse de thé avec Tariq Ramadhan sur un de ces plateaux que vous fréquentez assidûment, il n’y a qu’un pas, déjà franchi par votre alter ego, Finkielkrault qui a montré, il y a un mois, comment lui et le petit-fils de Hassan El-Banna pouvaient, finalement, unir les extrêmes dans de joyeuses épousailles. Au grand dam des peuples qui voient, ahuris, les fruits de leur combat confisqué par une imposture et une conspiration dramatiques. Le plus désespérant est que vous promenez votre cynisme dans tous les médias contrôlés par vos amis sans que les journalistes très complaisants qui vous interrogent ne sursautent et ne vous contredisent. C’est à peine s’ils vous rappellent timidement que Roland Gori vient de faire paraître La dignité de penser et que les artistes américains opposés à la guerre d’Irak ont publié Art and War. Si quand même ! Il y en avait une qui vous avait rappelé que «le bien ne fait pas de bruit et que le bruit ne fait pas de bien» allusion faite à vos gesticulations, remarque que vous avez repoussée d’un revers de la main avec la suffisance du dédain, preuve de la gêne que vous ressentez, quant au bien-fondé des thèses que vous défendez. Allez, Bernard-Henri Lévy trêve de vaines cavalcades à la recherche de la gloriole. Laissez les peuples s’occuper librement de régler leurs comptes à leurs «nazillons» sans interférer dans leur choix ni fixer de calendrier à la chute de leurs potentats. Ils sont seuls maîtres de leur destin et de leur agenda. Et pour bien comprendre le sens du véritable engagement relisez Malraux, Hemingway, Chomsky et Sartre, visionnez Oliver Stone et Michaël Moore et allez prendre des leçons d’humilité chez Gabriel Garcia Marquez qui disait : «Un homme n’a le droit d’en regarder un autre en bas que quand il faut l’aider à se relever.» Allez, Bernard-Henri Lévy, après avoir «triomphé» sans péril, allez regagner, pour votre repos de guerrier de poche, la superbe villa que vous partagez avec Arielle Dombasle sur les côtes de Tanger, encore une terre d’Islam, sur laquelle l’architecte japonais des milliardaires a dessiné pour satisfaire votre gros ego, en mêlant l’eau de sa piscine aux vagues de l’Océan et méditez sur le cuisant échec de votre engagement travesti que vous avez bâti sur la misère des gens et du monde. Si toutefois vous avez encore une conscience, ce dont je doute fort. Quant à moi, je reste bien éveillé, vigilant et plein d’espérance, comme le personnage de mon dernier roman : «incurable parce qu’il n’avait pas l’habitude de tenir quoi que ce soit pour définitif, il se rappelle qu’il ne faut jamais insulter l’avenir quand on veut le construire, rêve après rêve, avec les morceaux de peau arrachés à la chair du temps». Au Café du Bosphore, Faïrouz chantait : «Sa narjioû yawmen ila hayina ; Nous reviendrons, un jour, dans notre rue.»
    B. M.
    (*) Ecrivain Auteur de La Brèche et le Rempart et Les Miroirs aux Alouettes

  7. salam

    J habite au canada(Montréal). Uu jour, alors que j étais a la mosquée(pour une conférence), un jeune garçons qui était présent avait soulve une question qui me s semble très importante, il a dis que la lapidation te permettez de te faire pardonner(pour l adultère). Mais y a t-il un autre acte qui garantirait le pardon de dieu? peut être faire le pèlerinage ou simplement le repentir sincère?

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici