Au Cœur de la Présence

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L’actualité occulte la dimension spirituelle, pourtant essentielle, de l’islam. Dans un monde où il est de plus en plus difficile d’être, les religions doivent ensemble relever le défi du cœur et du sens. Cela ne semble plus être l’essentiel… Les préoccupations – les craintes – qu’inspire aujourd’hui l’islam font oublier, quand elles ne l’occultent pas définitivement, sa dimension proprement spirituelle et l’horizon essentiel de la foi. À tel point que l’on en est venu à distinguer « deux islam » : celui qui a la faveur d’un large public occidental, « l’islam des mystiques », porté vers l’intériorité, la méditation… et « l’autre islam » qui, dans sa visibilité, nourrit toutes les crispations. L’amour du premier justifierait le rejet du second.

C’est oublier pourtant que les musulmans étanchent leur soif à la même source et que le premier des mystiques de l’histoire musulmane est bien le Prophète Muhammad (BSL). Son attitude, ses fréquents recueillements, ses nuits de prière nous rappellent que la foi est, d’abord, une disposition du cœur qui est, au fond, la vraie conscience du croyant. Selon la tradition musulmane, il existe un pacte originel entre le Créateur et les hommes : dans le cœur de chacun, il est une étincelle qui est tout à la fois le témoignage et l’expression de la Transcendance. Et c’est en cela que la spiritualité est, en notre cœur, au cœur de la vie.

On trouve dans le Coran cet appel : « Ô vous les porteurs de la foi, répondez à l’appel de Dieu et de l’Envoyé quand ils vous appellent à ce qui vous donne la vie et sachez que Dieu se place entre l’homme et son cœur. » L’appel de la foi, de la spiritualité, donne la vie, une nouvelle vie forte d’une disposition intime : il s’agit proprement d’une conversion. Le cœur conscient sent, sait, la proximité de Dieu. Alors, tous les éléments, l’univers, les êtres humains, les animaux et les plantes deviennent, au-delà de leur matérialité, des « signes » qui rappellent la Présence. « Il n’est pas un élément qui ne célèbre les louanges de Dieu mais vous ne comprenez pas leurs louanges. » Coran 17/44

C’est le cœur qui voit et qui comprend les signes et les louanges… l’élément qui est signe devient sacré : il y a une écologie fondamentale qui est d’une autre nature, et qui précède l’écologie politique née de la conscience des limites.

Cette spiritualité traduit une façon d’être au monde. Il y a la prière, cette solitude pensée de notre destin : le jeûne également, dont Ghazalî disait qu’il trouvait son accomplissement dans « le jeûne du cœur » : il y a le pèlerinage que les musulmans viennent vivre au Centre, nourris par l’unité d’une foi portée par des millions d’êtres… Il y a surtout la recherche de l’équilibre d’une harmonie, dont le défi est de ne rien vouloir nier de ce que l’être humain est : corps et esprit, pour ici-bas, espérant l’au-delà. Comment trouver la voie d’un engagement dans la méditation, d’une action sociale dans le recueillement ? Combien se sont perdus, combien se sont noyés, combien se sont isolés ? La spiritualité est cette épreuve.

Muhammad (BSL) avait recommandé de s’engager à lutter contre les injustices de tout son être, par une dénonciation déterminée : dans le même temps, il appelait à être sur cette terre « comme un étranger ou un passant ». Il traçait la voie de l’équilibre, du « juste milieu » qui est le propre d’une spiritualité à visage humain. Être de ce monde, ne jamais accepter l’inacceptable mais, dans le même temps, ne pas oublier le sens et la finalité. Savoir être dans ce que l’on fait… et, pour ne pas se perdre, prendre le chemin des sources, protéger sa mémoire, son cœur et sa conscience au chevet d’une intimité et d’une solitude d’où naissent la dignité et la force du Rappel.

Le message de l’islam est porteur, d’abord, de cette spiritualité. Éveillé, conscient, le cœur a les moyens d’éviter les pièges d’une consommation sans finalité, d’un individualisme sans chaleur ni fraternité, de la défense d’intérêts sans justices… bref, les pièges d’une vie sans vie. On a tôt fait, et vite fait, de faire de nous des consommateurs, habilement égoïstes. Sur ce point au moins, sur ce point surtout, les traditions juive, chrétienne et musulmane ont à faire ensemble :à toutes, il est rappelé que le corps ne saurait être sans l’esprit… et l’esprit se perd, s’il perd le cœur.

8 Commentaires

  1. « Savoir être dans ce que l’on fait… et, pour ne pas se perdre, prendre le chemin des sources, protéger sa mémoire, son cœur et sa conscience au chevet d’une intimité et d’une solitude d’où naissent la dignité et la force du Rappel. »
    C’est un chemin que nous observons, de loin. Nous ressentons de la tristesse même en prière car nous voyons ces visages d’hommes blessés, humiliés, vides…notre impuissance nous déstabilise..mais les petites attentions divines apaisent, réchauffent..
    Et pourtant nous observons, uniquement. On n’est pas cap de cheminer. Cela effraie, même de loin.

  2. Le coeur comme direction à suivre, voilà la véritable et la seule direction à prendre, et si les difficultés intérieures ou extérieures nous conduisent rarement vers cette voie, il est essentiel pour l’avenir de l’humanité d’élever sa conscience vers cet unique but qu’il ne faut pas perdre de vue. Merci M. Ramadan pour ce rappel essentiel.

  3. Habituellement et généralement, chacun)e peut facilement traverser les pièces de sa maison, de son appartement, de même pour les routes les rues les allées et les chemins de son environnement, avec ou sans tracé, depuis et chaque fois que nécessaire, et utile, salutaire, et facile…il est alors certain que le cœur ne puisse être sans raison ni sens à cette idée, à cette image, à ce dessein,…, rappelons l’origine car celle où celui qui comprend de s’étendre avant de s’entendre peut prétendre encore, toujours longtemps, de l’attendre…

    Le premier point de la vie sème plus qu’il n’en dit, ici ou là de chaque histoire, de chaque espoir, et des quelques victoires inquiétant les « records » des milles et une autres, bonnes ou moins, disciplines humaines…voyez vous, croire ne peut s’asseoir comme ces histoires un peu trop sombre, beaucoup trop « noire », heureusement, et chaque jour, une nuit d’étoile efface les vues d’un seul regard et elle se suffit alors à poursuivre les sens de chaque mémoire, la raison de tout hasard…

    Autant, et pour être bref car le cœur ne s’arrête jamais dans le temps des uns des unes et du reste, comme sa nature existe dès son arrivée, le cœur bat comme nulle part ailleurs, même les « rêves » sont souvent, pour lui, de sa faveur, et les plus tendres, pour tou)te)s, de son honneur…

    Salam, merci…

  4. qui peut m’expliquer le verset « Ô vous les porteurs de la foi, répondez à l’appel de Dieu et de l’Envoyé quand ils vous appellent à ce qui vous donne la vie et sachez que Dieu se place entre l’homme et son cœur. »?

    sachant que le verset parle de mar’a plutôt que d’homme ; mar’a dérive de raa et roya : phénoménologie et essence de l’être (cœur) de l’être

  5. soyez un exemple sur la terre ! a dit le prophète.
    l’effort sur soit est pour ses semblables est un devoir,la spiritualité n’est qu’amour le coeur est sa raison chacun de nous a sa mission qu’elle soit infime elle compte .
    allah yarda 3alaykoum (dieu soit satisfait de vous)

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