Il a bon dos le frère Tariq !

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Cela fait maintenant un an, depuis qu’il a eu le malheur (ou le courage ?) d’écrire son fameux texte intitulé « les (nouveaux) intellectuels communautaires » que Tariq Ramadan fait l’objet d’une diabolisation hors du commun.
Depuis la publication de ce texte, il n’existe pratiquement aucun média national ou régional qui n’ait ajouté son petit grain de sel pour participer à la caricature du personnage.
La politique du sensationnel a fait succès autour de « l’intégriste », du « communautariste », de « l’antisémite », de « l’islamo-gauchiste », de « l’islamo-islamiste », du « manipulateur », du « prêcheur des banlieues », du « très lapidateur », de « l’insulte pour les femmes », du « danger pour l’Europe », du « maître du double discours », du « chef de guerre » bref de « L’homme qui veut instaurer l’islamisme en France ».
Vous en fantasmez, Tariq Ramadan l’est. Le nouveau défouloir à la mode porte désormais un nom. Qu’on se le dise !
Si l’on veut écarter un élu aux dernières régionales, on l’accuse d’avoir serré la main de Tariq Ramadan. Le Ramadanisme est une maladie contagieuse et incurable.
On veut décrire un collectif, on décrète qu’il est très proche de Tariq Ramadan pour que le ton soit donné et qu’il soit décrédibilisé.
On veut interdire un débat public, il n’y a qu’à dire que Tariq Ramadan y participe et que l’on craint le trouble à l’ordre public. 
Tariq Ramadan est derrière tout, il contrôle tout, il décide tout. Big Brother a du souci à se faire depuis que « frère Tariq » lui vole la vedette.
En plus d’être le diable en personne, un nouveau paramètre s’ajoute à la liste ces derniers temps. Claire Chartier dans L’express du 18 octobre est heureusement là pour nous livrer son analyse : « Surprenant Tariq Ramadan. En quelques années, cet intellectuel musulman beau comme un prince du désert est devenu la coqueluche des médias, la star des cités ».
L’express déclare la guerre à Voici, c’est officiel.
Changeons de ton et soyons un peu sérieux. Il n’y a rien de drôle à tout cela mais comment prendre au sérieux des gens qui ne le sont pas ?
Essayons tout de même.
Une « Une » attrape-nigaud où l’on peut voir Tariq Ramadan en gros plan, le visage triste, inspirant une certaine innocence avec en titre ce « scoop »: « l’homme qui veut instaurer l’islamisme en France » et en sous-titre : « le livre choc sur Tariq Ramadan ». Jackpot pour L’Express de cette semaine, on va doubler les ventes.
Car, l’intellectuel, en plus d’être un défouloir chronique est également un très bon produit marketing et L’Express comme tant d’autres l’a bien compris. Alors moi, lectrice occasionnelle de magazines sensationnels dans la monotonie du métro parisien, j’achète. Je veux savoir qui c’est celui-là qui veut islamiser ma douce France.


L’article s’ouvre sur la brillante phrase d’introduction sus-citée. Qu’apprend-t-on sur le sujet de « l’enquête » ? hormis les goûts personnels de la « journaliste » (sic !) en matière de beauté masculine et l’exposition de ses fantasmes orientalistes lorsqu’elle parle de « prince du désert » (y a t-il des princes dans le désert ailleurs que dans son imagination de lectrice des Mille et une nuits ?). Rien, nous ne sommes pas très avancés pour pouvoir répondre à notre inquiétude inspirée par le titre de l’article.
Si Tariq Ramadan était « la coqueluche des médias » comme Claire Chartier l’affirme, cela se saurait. Lorsque l’on cherche le mot « coqueluche » dans le dictionnaire Larousse, on trouve, outre la maladie contagieuse très connue (sic !) qu’il s’agirait d’une « personne qui est l’objet d’un engouement passager » et lorsque l’on cherche dans le même dictionnaire, le sens du mot engouement, on apprend que c’est une « admiration exagérée ». Elle nous explique donc que contrairement à tous ses confrères réunis qui vouent une « admiration exagérée » à ce « beau parleur », L’Express va nous montrer un autre visage de Tariq Ramadan que l’on ne connaît pas.
Nous aurions bien voulu lire ce genre de choses, or il se trouve que mot après mot, ligne après ligne, le contenu de cet article n’est qu’une série de paraphrases pure et simple de tout ce que l’on a pu entendre, voir et lire partout sur Tariq Ramadan depuis un an. Il suffit pour cela d’aller consulter les archives de tous les « grands » médias pour en avoir la preuve.
Après cela, troisième affirmation : Tariq Ramadan est « la star des cités ». Outre le mot star qui ne veut rien dire, « cités » par contre inspire sans aucune relativité, ces « territoires perdus de la République », ces lieux sombres impénétrables dans lesquels sont concentrés ces populations d’origine « pas de chez nous », qui « prient dans des caves », « violent collectivement des jeunes filles »,  « touchent nos prestations sociales ». Bref  des populations « obscures » et « obscurantistes » qu’on ne se donnera pas la peine de définir vu qu’elles sont obscures par définition.
Dans cette même perspective, on apprend que « ce professeur de philosophie sait mieux que personne captiver les jeunes musulmans avides d’idoles identitaires ». Il ne captive pas des jeunes musulmans, il captive « les jeunes musulmans » car il est bien connu que tous les musulmans sont « avides d’idoles identitaires » et surtout qu’ils sont tous « jeunes ». Pour paraphraser « l’enquêté », on peut dire qu’ « on les appelle toujours jeunes pour mieux les infantiliser » et aussi pour donner le sentiment que c’est toute une génération qui est en train de verser dans le ramadanisme.
Puis vient le paragraphe suivant et là nous entrons dans de la concurrence déloyale envers Voici : « Tariq Ramadan, marié à une française convertie et voilée, suggère un « moratoire » sur la lapidation des femmes ». Eh oui, la vie est très simple mes amis, lisez L’Express, vous verrez. Une journaliste qui prétend défendre la dignité des femmes vient d’en caricaturer une avec le mépris le plus total pour sa qualité d’être humain et de femme. La question de savoir qui est madame Ramadan, n’intéresse aucunement Claire Chartier, ce qui importe c’est qu’elle soit « convertie et voilée ». L’idée sous-entendue est d’ailleurs « comment pourrait-il en être autrement, vu que c’est sa femme ? » puis la seconde idée sous-entendue, c’est qu’il est tellement fort ce Ramadan qu’il a réussi à convaincre une « française » qu’il est normal de souhaiter un « moratoire » sur la lapidation des femmes.
Belle analyse, quel talent et quelle finesse, c’est remarquable !
Après tout cela, on arrive enfin à l’objet de « l’enquête » annoncé en Une et qui est « le livre choc sur Tariq Ramadan ». De quel choc s’agit-il ? qui ce livre va-t-il choquer ? que n’a-t-on pas encore dit sur cet homme? Vous l’avez compris, il n’y a rien de choc là dedans mais il faut bien faire de la promo pour sa copine Caroline.
En matière de promotion, il aurait été difficile de faire mieux. De l’objectivité et de la critique, les deux qualités sensées définir le métier de journaliste, en veux-tu ? en Voici : «…parution, le 19 octobre, du livre explosif Frère Tariq (Grasset), de la journaliste d’investigation Caroline Fourest. Une analyse à l’argumentation implacable dans laquelle cette spécialiste de l’intégrisme révèle, sources écrites à l’appui, que Tariq Ramadan est bien l’islamiste que certains redoutaient ». Aux abris citoyens ! Et à elle de poursuivre : « Caroline Fourest a épluché chaque ouvrage du prédicateur -une vingtaine- ainsi que la majorité de ses conférences enregistrées. Le résultat de ce travail de fourmi est impressionnant, comme le montrent les extraits que publie L’Express, en exclusivité ».
Et quel est donc ce « résultat impressionnant du travail de Caroline » la fourmi ? Qu’apprend-t-on de « choc » sur Tariq Ramadan ?
1) Qu’il appelle à « ne pas respecter la Constitution » ?
2) Qu’il veut que le voile « soit de plus en plus répandu et accepté » ?
3) Qu’il est « indulgent envers les intégristes » ?
4) Qu’il est pour le « maintien de la lapidation » ?
5) Qu’il est « le maître du double discours » ?
C’est cela que Caroline la fourmi prétend nous apprendre ? Vous auriez mieux fait de faire la cigale chère amie, cela vous aurait évité quelques cheveux blancs et à nous quelques pertes de temps.
Meriem Laribi.


 

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