Ce qui vient d’être dit est de première importance pour la question qui nous occupe. En effet, il est fondamental de tenter de sérier et de distinguer ce qui est proprement du domaine des sources islamiques – révélé par Dieu ou/et stipulé par le Prophète (PBSL) – de ce qui relève de la contribution humaine permettant l’applicabilité du projet selon le lieu et l’époque.
Dans le domaine politique, comme c’est le cas pour la sphère sociale ou économique, il existe aussi un cadre de référence islamique défini par le Coran et la Sunna qui correspond à peu de choses près au statut de la loi fondamentale – la Constitution – (en ce qu’elle va permettre sa formulation) vis-à-vis des législations nationales. On y trouve les orientations générales, les principes et les droits fondamentaux que devront respecter les instances législatives des diverses communautés. Ce respect ne veut pas dire que les législations nationales seront partout identiques ; nous verrons que les principes sont suffisamment généraux pour permettre de formuler des lois très diversifiées. Pour les musulmans, ce cadre est d’origine divine et les directives qui y sont liées sont intangibles : c’est le sens bien compris – ici dans les affaires publiques – d’ar-rabbâniya, qui consiste à situer l’action en lien permanent avec le souvenir des recommandations divines. Sur un plan ethnologique, nous pourrions dire que les sources sous-tendent une conception de l’univers, de l’homme et de l’organisation de la cité qui fonctionne comme un système de valeurs, comme une culture, qui, par la force des choses, enfante un mode de structuration qui lui est propre. Rien, au demeurant, n’est plus légitime que d’affirmer que l’islam, dans les pays à majorité musulmane, est une donnée dont il faut tenir compte et qu’il y a quelques vieux parfums de colonialisme à penser que seules les législations françaises ou anglaises sont bonnes et ce, quelles que soient les populations auxquelles elles s’adressent. C’est ce que disent un grand nombre d’intellectuels musulmans aujourd’hui : l’islam est notre référence, il participe de notre histoire et de notre identité ; le nier c’est vouloir nous amputer d’une partie de notre être en imposant l’idée que les normes occidentales sont les seules universelles (on notera que cette formulation dévoile le contre-sens de sa conclusion).
Que cette référence soit religieuse ne peut suffire à la disqualifier sous prétexte qu’elle nous ferait revenir aux périodes les plus obscures de l’histoire humaine. À quoi l’on ajoutera que l’islam, c’est l’évidence, est porteur d’une législation qui codifie la barbarie et les châtiments les plus humiliants : on conclura qu’on ne peut, sous prétexte de respecter les religions et les cultures, ad-mettre l’inadmissible. Il convient ici de rappeler que la référence à la tradition religieuse est présente dans un grand nombre de constitutions de pays occidentaux qui mentionnent clairement la religion (dont elles se reconnaissent) et qui vont jusqu’à limiter l’accès au trône ou à la présidence à qui ne serait pas catholique ou protestant, selon le pays. En ce qui concerne la deuxième objection, on se bornera à relever, comme nous l’avons fait plus haut en parlant de la sharî’a, que les principes généraux de l’islam sont à la fois exigeants et ouverts et qu’ils orientent les êtres humains vers un respect de la justice et de la dignité de chacun. Louis Gardet, en rappelant la place centrale du Coran, précise à juste titre :
Mais en fait, le Coran est le sceau de la prophétie, il opère pour les hommes, et jusqu’au Jugement de la fin du monde, la « séparation du bien et du mal ». Or, ce que Dieu a ainsi décrété « bon » dans le Coran se trouve reprendre nombre de principes qui sont, objectivement, de morale et de droits naturels : observer la justice, garder la parole donnée, respecter « les droits de Dieu et des hommes », etc… Il a prescrit l’obéissance à l’égard de ceux qui détiennent le commandement, mais a ordonné aussi aux croyants de se « consulter » les uns les autres. Sur des bases volontaristes et uniquement positives, on se trouve rejoindre en fait un certain nombre de données susceptibles de fonder une notion démocratique d’autorité.
La réflexion est intéressante car elle va chercher, au-delà du simple fait de la référence au Coran, quelle est la teneur du message prescrit. Louis Gardet relève qu’il existe bel et bien des similitudes entre certains principes fondamentaux édictés par les sources islamiques et les fondements du droit naturel et ce même si leurs formulations sont différentes. Notre auteur mentionne ci-dessus la notion islamique de shûra qui est au cœur de la réflexion des ulémas (savants) et des intellectuels dans le domaine politique. C’est le premier grand principe qu’il nous faut étudier.
Une piste de réflexion à exploiter Professeur.
L’Association ARCHITECTE DU BIEN serait heureux de vous accueillir à Dakar pour aborder les perspectives africaines et les articulations entre l’économique et religieux comme que la politique s’est rangée dans l’économie.
Salem,
Oui les references islamiques pour faire de la politique loin des pratiques politiques,car ces dernieres sont devenues -aux yeux du peuple- l’exercice de la politique.
J’ajouterais que si l’Islam nous ouvre le champs pour élaborer de bonnes politiques qui ne trahissent point ses references,il nous annonce que la réussite de chacun -ici bas et surtout dans l’au delà- est dans l’application de ces bonnes politiques dans le domaine privé et public.
Salem