Doha – L’islamologue suisse Tariq Ramadan appelle les musulmans en France à tenir « un discours extrêmement clair sur l’islam » après les attentats de Paris, mais craint que l’état d’urgence ne renforce leur stigmatisation au sein de la société.
« Les musulmans ont la responsabilité d’avoir un discours extrêmement clair sur l’islam: la condamnation de ces attaques terroristes, de cet extrémisme violent, (…) sur ce qui est acceptable en islam et ce qui ne l’est pas« , a déclaré M. Ramadan dans un entretien avec l’AFP à Doha où il donne périodiquement des cours.
Mais, dans le même temps, « la société doit leur parler de justice sociale, de scolarisation, d’opportunités sur le marché de l’emploi, d’égalité« , a-t-il précisé.
Pour lui, les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence instauré après les attentats du 13 novembre à Paris risquent d’isoler davantage la communauté musulmane et de nuire à la société française tout entière, comme cela a été le cas aux Etats-Unis au lendemain du 11 septembre 2001.
« C’est toute une psychologie aujourd’hui qu’on est en train d’installer, basée sur la peur, sur le soupçon. On n’est pas sur la bonne route« , estime cet intellectuel qui fait parfois l’objet de controverses, notamment en France.
« Le principal ennemi des musulmans que ce soit en France ou à travers le monde, c’est l’ignorance. L’ignorance de soi, et l’ignorance par et à travers autrui« , a poursuivi Tariq Ramadan qui a récemment publié une « Introduction à l’éthique islamique« .
« J’en suis arrivé là après trente ans de travail (…) simplement pour qu’on dise ce que c’est au lieu de passer son temps à dire ce que ça n’est pas« .
Tariq Ramadan est le petit-fils de Hassan el-Banna, instituteur égyptien qui a fondé les Frères musulmans. Il enseigne à l’université d’Oxford et est depuis 2010 professeur invité au Centre d’études islamiques à Doha.
Même si son enseignement sur la réforme de l’islam est parfois critiqué, il juge que le Qatar est plus ouvert au dialogue que l’Arabie saoudite et que des « courants contradictoires » de l’islam y cohabitent.
Mais, selon lui, si le Qatar possède « une certaine élite » composée « d’intellectuels et de savants qui sont des réformistes« , le « socle » dans « les mosquées » est majoritairement composé de salafistes.
Tariq Ramadan est persona non grata en Arabie Saoudite parce que, affirme-t-il, « je suis un critique extrêmement clair du plus haut de la tête de l’Etat jusqu’à l’idéologie du salafisme littéraliste » promue dans le royaume.