Il y a quelques jours, le théologien musulman a surpris en annonçant qu’il allait demander la nationalité française. Figure charismatique parmi les jeunes générations musulmanes, il est régulièrement au centre de polémiques à cause de ses liens supposés avec la mouvance de l’islamisme politique.
Votre volonté de devenir français est-elle votre réponse à Hollande et à Valls dans le débat sur la déchéance de nationalité ?
C’est ma réponse à toute la classe politique qui est sourde à des propos qui sont tenus depuis vingt-cinq ans sur le terrain. Le débat sur la déchéance de la nationalité a, de fait, accéléré ma réflexion. Mais on me dit depuis longtemps qu’il faut que je prenne la nationalité française, que je m’engage. Entendons-nous bien, je ne veux pas être le représentant de qui que ce soit. Mais je parcours ce pays de long en large depuis un quart de siècle et je le connais extrêmement bien. Je tiens un discours qui insiste sur la citoyenneté, sur le respect de la République et de ses valeurs.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous êtes antirépublicain ?
Franchement, c’est une farce ! Qu’ils lisent ce que j’écris ! Dans ces discours, il y a d’autres intentions. Je ne suis pas sûr qu’on veuille réellement en France d’un islam autonome, tant du point de vue intellectuel que financier. Pour ma part, je ne veux plus que l’on parle avec les ambassades marocaine, saoudienne ou algérienne. Je veux que l’on parle avec les citoyens de ce pays.
Allez-vous vous installer en France ?
J’y suis déjà installé. J’ai un bureau, un petit appartement. Toutes mes activités européennes se font à partir de Paris. Toute ma culture est francophone et je suis français de cœur. Ma femme est française et mes quatre enfants sont tous français. En Grande-Bretagne, j’ai voulu que ma fille étudie dans une école française. En demandant la nationalité française, je veux envoyer un message, qu’il ne faut plus traiter l’islam comme quelque chose d’étranger car l’islam fait partie de la France. Je crois que la manière dont je suis traité en France, c’est malheureusement la manière dont on y traite la question musulmane.
Vous plaidez pour une plus grande institutionnalisation de l’islam de France. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Que toutes les formations des imams, par exemple, aient lieu en France, en langue française.
C’est un domaine sur lequel vous pourriez vous investir ?
J’ai déjà travaillé à la formation. Pendant presque dix ans de ma vie, j’ai assuré une université populaire dans plusieurs villes de France.
Bernadette Sauvaget
Ce serait « symbolique » aussi, tout comme la déchéance de nationalité est dite « symbolique »?
Bon vent au pays des « symboles ».
Depuis quand utilise-t-on les mêmes armes ennemies pour arriver à contrer l’ennemi? Ne peut-on pas avoir un brin (plus) d’honneur et agir selon ses convictions, sans employer le langage hypocrite de gens sans conviction autre que celle que dictent pouvoir et oppression. Attention aux jeux des « symboles ». Attention au langage.
Et bon vent.
Tariq Ramadan : « Que toutes les formations des imams, par exemple, aient lieu en France, en langue française. »
Ce qui pose la question « quelle version du Coran lire ? ». J’ai lu celle de Chouraqui qui est fort controversée par les musulmans, mais que j’aime beaucoup. J’ai lu celle de D. Masson, et une 3ème que j’ai trouvé sur le net. On appelle ces Corans des essais de traductions et effectivement, comment ne pas s’interroger sur la « partialité » du traducteur. Tariq Ramadan envisage-t-il de proposer lui-même un essai de traduction ?
Tariq Ramadan : « Pour ma part, je ne veux plus que l’on parle avec les ambassades marocaine, saoudienne ou algérienne. Je veux que l’on parle avec les citoyens de ce pays. »
La première partie de la phrase souligne qu’il ne faut pas converser avec les institutions officielles de ces pays qui ne sont pas représentatives du peuple. Mais qui est le « on », si ce n’est l’État français ? Est-il plus respectable que ceux à qui il s’adresse ? Ce n’est pas une question piège, mais je me dis que n’importe quel lecteur attentif (bien intentionné ou malveillant) peut se la poser. Tariq Ramadan est d’habitude plus précis dans ses paroles. Il devrait éviter le « on » pour ne pas prêter le flan à la critique.
Il est une question que je voudrais poser à Tariq Ramadan. L’ANTISÉMISTISME NE CIBLE-T-IL QUE LES JUIFS OU AUSSI CEUX QUI PARLE DES LANGUES SÉMITIQUES (L’ARABE EST UNE LANGUE SÉMITIQUE) ?
Si à l’origine l’antisémitisme ne visait que les juifs, on pourrait élargir la compréhension de ce terme également aux « arabes » qui sont certainement les juifs d’aujourd’hui. D’ailleurs je pense que le terme « islamophobie » a été inventé pour pouvoir critiquer légalement (le racisme est interdit, mais on peut critiquer la religion) le peuple arabe. Les racistes d’aujourd’hui se disent islamophobes, mais ne nous trompons pas, le racisme est leur seule motivation de la même manière que l’antisémitisme, en son temps, ne visait pas la langue mais le peuple.
Parler d’antisémitisme pour qualifier les actes « islamophobes » permettrait aussi de couper l’herbe sous le pieds des juifs israéliens (ou pro-israéliens) islamophobes qui hurlent si vite à l’antisémitisme tout en se se revendiquant islamophobes. Si le racisme est sans frontière, la lutte contre le racisme doit l’être aussi.
Les mots ont une signification ou ils sont utilisés pour nous mystifier.