Ne pas se tromper d’ennemi

11
5985

Il ne s’agit pas d’avoir les mêmes idées, les mêmes idéaux, les mêmes espoirs. Dieu a voulu la diversité ; pluralisme et respect mutuel, il doit donc y avoir. Il est urgent d’exprimer ce que l’on refuse, de circonscrire ce qu’est pour nous l’inacceptable en nous engageant à tout faire pour qu’il ne soit, effectivement, accepté, normalisé, banalisé.

Dans un monde où l’économique a pris le pas sur le politique, où l’intérêt financier et commercial fait la raison d’État, où les valeurs ne sont convoquées que si elles ne portent pas préjudice aux plus obscures tractations ou contrats. Il ne faut pas se tromper d’ennemi et faire alliance avec tous ceux pour qui la vie d’un homme a un sens et une valeur. Ceux qui refuseront la folie meurtrière pour défendre la foi, le respect, la dignité, la fraternité et l’amour. Ceux enfin qui, portés par leurs convictions, sont décidés à y engager leur vie entière en acceptant de faire face à tous les écueils, à toutes les souffrances, à toutes les trahisons.

Tant au Nord qu’au Sud, jamais l’urgence d’un engagement total, organisé, unifié, n’a été aussi patente. Chaque «communauté» humaine de religion, de spiritualité ou de conscience, doit trouver les moyens de vivifier l’énergie de ses références pour donner force et vigueur à l’impératif de l’action de bien et de justice. Dans la diversité des croyances, le témoignage de sincérité est dans l’acte: «[…] Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour, à tous, se fera vers Dieu ; il vous éclairera, alors, au sujet de vos différends.»

Avant que ne vienne le jour où nous serons tous éclairés sur nos différends, il n’est qu’une seule action possible : faire le bien et lutter contre ce qui s’y oppose.

À un compagnon qui lui demandait ce qu’était le bien, le Prophète (PBSL) répondit : «Tu es venu t’informer sur le bien? – Oui, répondit Wâsiba. – Consulte ton cœur, dit le Prophète, car le bien est ce qui apaise ton âme et calme ton cœur. Le péché est ce qui te trouble intérieurement et suscite dans ton cœur de l’embarras, de la gêne et ce, même si les gens te livrent toutes les justifications juridiques possibles.»

La tension morale participe de la nature humaine. La paix du cœur ou son agitation témoigne des chemins empruntés, mais le choix reste toujours le propre des hommes. De la liberté naît la responsabilité: il faudra rendre compte de notre attachement à la morale. Pour nous-mêmes, en notre cœur, dans le silence et la solitude de notre intimité, comme dans nos relations avec nos parents, nos frères, nos amis, nos ennemis, l’étranger, le collègue, l’employé, le vieux, l’handicapé, le pauvre ou l’exilé ; comme encore avec la nature, les arbres, les forêts, l’air, la mer et tous les éléments ; comme enfin la totalité du règne animal. La tradition rapporte que le paradis fut promis à une prostituée qui avait donné à boire à un chien assoiffé: un geste simple porteur de l’essentiel de la morale qu’on enseigne aujourd’hui, en référence au message de l’islam, du Maroc à l’Indonésie… «réformer son caractère et faire le bien.»

Être musulman, c’est d’abord vivre l’expérience de piété: «Le meilleur d’entre vous (entre les gens) auprès de Dieu est le plus pieux […] »

Le témoignage de cette piété est essentiellement, sur les plans social, politique et économique, de nature morale: «Ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la terre appartient à Dieu. Toute chose revient à Lui! Vous formez la meilleure communauté suscitée pour les hommes: vous ordonnez ce qui est convenable, et vous interdisez ce qui est blâmable et vous croyez en Dieu.»

Dans le miroir de la nature et de son ordre, et dont tous les éléments appartiennent à Dieu et retourneront à Lui, la meilleure des communautés est celle qui respecte l’harmonie par son engagement pour le bien et sa lutte contre le mal. Le passage commence et finit par la référence divine : l’acte moral est témoignage de la foi, il est à l’homme ce que voler est à l’oiseau. Aussi, une communauté, quelque majoritairement musulmane qu’elle puisse être, qui alimente l’injustice, la laisse se propager et détruire ainsi le tissu social, n’est en rien «élue»: au contraire, elle prouve chaque jour son manquement à l’exigence du message auquel elle dit se référer. Le Prophète (PBSL) avait pourtant recommandé la vigilance: «Soutiens ton frère qu’il soit juste ou injuste!» Des compagnons s’étonnèrent: «Lorsqu’il est juste cela est compréhensible, mais comment cela peut-il être quand il est injuste?» – Le Prophète répondit: «En mettant un terme à son injustice!»

11 Commentaires

  1. Bonjour,

    Comme tous frappée par l’horreur des derniers attentats, je me pose une question : n’est-il pas temps que les différentes communités religieuses musulmanes se retrouvent pour reformuler, au delà de leurs différences, ce qui est le fondement de l’Islam et pouvoir en faire une déclaration forte, audible et repère pour l´ensemble de la communauté musulmane et non musulmane ?
    Je suis française, convertie depuis quelques mois, vivant en temps partagé entre la France et le Maroc. En France, je n’ai pas osé dire à ma famille, mes amis mon choix de conversion effectué après le drame de Charlie. Je sais que pour beaucoup, ce serait une incompréhension. Je suis en ce moment au Maroc, durant cette période de tragédies. Ce que me répètent les personnes que je rencontre : Daech, ce n’est pas l’Islam. Bien sur que Daech n’est pas l’Islam mais je sens ici comme en France ce besoin de justification, ce sentiment d’usurpation de leur foi au service de la folie meurtrière. Et au delà de ce sentiment, je ressens de la tristesse, de la peur, des interrogations …
    C’est pourquoi je me demande s’il ne pourrait être envisagé une rencontre de tous les acteurs spirituels musulmans qui portent la voix de cette religion, pour rappeler haut et fort, ensembles, les fondements communs, universels et généreux de la foi musulmane. Je sais qu’au delà des divergences entre les différentes communautés, c’est un même socle qui unit tous les musulmans du monde. Mais, peut-être est il temps de le marquer noir sur blanc, afin d’aider les croyants à trouver une réponse à leurs interrogations et à leurs craintes. Cela permettait également aux non musulmans d’éviter les amalgames et les dérives islamophobes.
    Bien sur, de nombreuses voix se sont élevées pour condamner ces actes barbares, mais il manque une unité, un message commun qui permettrait d’exclure les terroristes qui agissent soit disant au non de l’Islam. Un peu comme une excommunication chez les chrétiens !

    • La jeunesse musulmane d’Europe et d’Amérique devrait mieux connaitre cet ennemi, et pour connaitre cet ennemi il faut combattre l’ignorance dominante sur l’Islam.
      L’horreur nous frappe, nos émotions s’ébranlent nos pensées se bousculent… première réaction chercher à savoir… Savoir mieux, connaitre mieux. C’est la meilleure arme contre l’ignorance. Car, après la pauvreté et la détresse qu’elle implique, c’est l’ignorance qui représente le fertilisant de base de Daech. Il n’est pas étonnant que sa stratégie d’embrigadement trouve un écho dans les communautés musulmanes d’Europe et d’Amérique du nord et même en Afrique. Car, la majorité écrasante des musulmans des ces aires géographiques soufre d’une sorte de « non connaissance de la religion » par le processus de sociabilité, la connaissance qui, avant le processus de raison ou de connaissance par la raison, est acquise par les rituels, la symbolique verbale et gestuelle, tous ces petits détails dans le contexte familiale et sociétal qui constituent une identité religieuse construite pendant le processus de sociabilité. C’est le manque de cette construction chez l’individu « musulman en dehors d’une société musulmane » qui représente la faille exploitée par les agents recruteurs prosélytistes de Daech.
      La jeunesse musulmane d’Europe non seulement ignore l’Islam, mais elle ingurgite une énorme quantité de connaissances erronées sur l’Islam.
      Dans le cadre de mon expérience professionnelle, enseignement dans des établissements scolaires dont la population est majoritairement d’origine maghrébine, les élèves (adolescents pour la plus part) me sortent souvent des aberrations sous forme de connaissance de l’Islam, en citant le coran et ce que les parents leur expliquent concernant le coran. J’ai entendu comme citation de coran des énormités de bêtises… Et comme dans un établissement scolaire publique laïque il n’est pas du tout envisageable de leur corriger ces erreur directement en utilisant le texte même du coran, les discutions avec les élèves restent souvent des débats suspendus.
      Je ne suis ni croyante ni pratiquante, je suis seulement musulmane de naissance et d’éducation (je ne suis pas athée parce que je n’ai rien contre aucune religion, et je ne peux pas me considérer comme agnostique puisque je n’attends rien à voire pour croire). Mais mon rêve a toujours été de prendre ces jeunes dans un contexte parascolaire, leur lire le coran sourate par sourate, en Arabe puis dans la traduction de leur langue du pays d’accueil. Leur donner des références de hadiths d’Albukhari et autres explications plus modernes (ce n’est pas ce qui manque dans la littérature arabe), pour leur offrir une connaissance qui leur permet de faire des choix libres et serins.
      Si les sociétés Européennes veulent combattre à long terme ce fléau d’embrigadement de sa jeunesse, c’est à ce niveau qu’il faudrait agir : lutter contre l’ignorance.
      Je considère les écrits de Tariq Ramadan comme une bonne référence pour apporter des petites lumières dans la connaissance de ces jeunes, mais malheureusement, ce sont des lectures qui ne leur sont pas accessibles facilement de façon autonome. Pour lire ces textes il faut avoir déjà une connaissance de base sur l’Islam. Pour des collégiens par exemple, même les plus curieux et les plus studieux parmi eux, la lecture et la compréhension de ces textes seront difficiles.

  2. De plus, dans un discours très connu, le fidèle et premier successeur du Prophète, Abou Baqr donna l’ordre aux soldats musulmans « de ne pas trahir, de ne pas tromper et de ne pas battre ni blesser, de ne pas tuer un enfant, ni une femme, ni un vieillard; de ne pas incendier, de ne pas abattre un arbre…et s’il traverse une communauté qui se consacre (à l’église), de la laisser tranquille… » Ces actes ne relèvent donc pas de l’islam.

  3. Monsieur Ramadan j’aime beaucoup ce que vous venez d’écrire….surtout en vous référant au livre sacré (le coran). Effectivement, avant d’être vraiment pratiquante (je ne faisait que le ramadan) j’avais un esprit torturé, un coeur pas apaisé, une vie tourmentée. Après avoir fait des recherches sur l’islam et lu le coran, étudié « Sira nabawiya » et suivi les précepts de l’Islam, hamdoulileh, j’ai ressentie enfin une paix intérieure et qui se reflétait sur mon visage. Faire le bien autour se soi est très important , ça vous donne une certaine sérénité et un bien-être que je ne saurai expliquer….le prophète (saws) n’a-t-il pas dit : sourire à son voisin est une « sadaka ». Car faire la sadaka matérielle ou immatérielle à autrui procure à celui qui la fait beaucoup de bonheur et de bien-être. Et j’ai ressentie chez vous Monsieur Ramadan cette bonté non seulement envers l’être humain, mais aussi pour l’environnement, la nature, les animaux et pour toutes les créations de Dieu. Et comme vous dégagez de la bonté et une belle « aura » vous suscitez la jalousie chez les personnes ignares et ignorantes qui ne cessent de vous critiquez quoi que vous fassiez, car ce sont des gens jaloux de votre savoir, de votre personne, de vos origines nobles, vote famille (votre grand-père).
    Alors je répéte ce que je vous ai déjà écrit : les chiens aboient, la caravane passe….

  4. salut , j aime bien ce que vous écrivez en ce partage les même point de vues , sur tout les angles j ai vues les vidéo que vous avez fait , la France et entrain de commettre la plus grave erreurs , combattre le terrorisme , c est combattre un fantôme , et ont ne peut pas faire la guerre contre un fantôme , c est terroriste ils peuvent ce déguiser , en homme d affaire , clochards , étudiant ……., ils sont imprévisibles avec des petits moyens ils peuvent faire des ravages , alors la solution ce n est pas la guerre , la haine attises la haine et la guerre engendre la guerre , est personnes n est gagnant dans cette équation , ils faut une paix mondiale , une mobilisation mondiale une concertation dans le sens de trouver un consensus entre les religions de ce respecter mutuellement , arrêter d appeler c est terroriste ÉTAT ISLAMIQUE , ce nom en lui même c est une atteinte a la foi musulmanes

  5. Bonjour Mr. Ramadan,

    Je trouve que tout ce que vous dites et préconisez est vrai. Pour ma part, après avoir subi un destin très atypique, inédit, ce qui m’apparait aujourd’hui inacceptable voire insupportable et donc urgent, pour assurer mon bien-être physique et moral et apaiser, comme l’a suggéré le prophète (BSL), mon âme et calmer mon coeur, c’est de pouvoir communiquer et « faire alliance », avec les bonnes personnes , aptes en l’occurrence ,de reconnaissance, de respect, d’entendement et de soutien car j’en éprouve le besoin. Et, j’entrevoie aussi avec quelque clairvoyance… que l’heure a probablement sonné pour réagir , et rentrer dans l’imperatif de l’action, comme vous le soulignez Mr.Ramadan. En s’engageant de manière solidaire pour faire le bien et dénoncer le mal et l’ignorance flagrante et déconcertante des musulmans et des non musulmans , en clamant par dessus-tout les valeurs ,voire les vertus auxquelles l’islam appelle et se caractérise. D’autant plus que la violence et les horreurs des crimes se propagent de plus en plus en France aujourd’hui ainsi que dans le monde oriental au nom d’Allah !!. Dieu – exalté soit -il- a effectivement éprouvé certains de ses serviteurs dévoués par un don qu’Il leur a accordé. Personnellement, pour certaines raisons, je n’ai pas encore trouvé les moyens pour m’engager de manière effective dans la lutte contre le mal et l’ignorance, pour' » donner force et vigueur à l’impératif de l’action de bien et de justice », comme vous le dites si bien. Aussi, j’en appelle à votre aide et orientation, car je n’ai pas eu d’experience quelle quel soit au sein de la société Française, et ne suis affiliée à aucune association. Tout en appréhendant quelque engagement, je pense qu’avec votre soutien j’arriverai peut-etre à franchir les premiers pas qui ,comme on dit sont toujours les plus difficiles.
    Avec tout le respect que je vous dois.

    Q’Allah nous soutienne tous et nous protège.

  6. il est temps de rappeler haut et fort les fondements communs, universels et généreux de la foi musulmane pour éviter les amalgames et les dérives islamophobes. Etre musulman c’est être pieux, généreux et tolérant. Alors, ne pas se tromper d’ennemi!

  7. Il n’y a donc pas de mesures principalement et généralement fausses ou défaillantes, inégales ou différenciées, secrètes ou dominantes, concernant toutes celles biologiques et relatives de la nature humaine, dès lors il est tout à fait visible et compréhensible que tout environnement régénérateur et possiblement cultivable, demeure propice en s’ajoutant à ces mesures « nutritives » et bienfaitrices…

    Mais, sans vraiment diviser l’intégralité des réalités temporelles et reconduites d’une nature, la conscience, pour sa formidable parité commune et pour sa conséquente infinité évolutive, génère-t-elle alors et malgré tout, depuis des apprentissages et des reconnaissances, ordinaires et culturel)le)s, diverses et débattu)e)s, multiples et civil)e)s, des adversaires plutôt axés dans l’extrême démesure des contextes et convoitant partialement des formules très en dehors du tout commun, quel qu’il soit, fut-il toujours et simplement important que toute entité se devine et se décide, comme se déclare et se dessine, de près ou de loin, à cet ensemble, justement et/ou parfaitement indivisible…

    Les maux de la vie ne sont pas les mots de la vie, tout comme la pensée unique ne peut être la pensée unie…n’est-il en ce fait, ce que le partage des consciences peut déterminer, ou étudier, sans dénigrement évolutif et selon des critères universels pacifiques et correspondants à toute raison et à tout sens humain, et terrestre, faisant disant donnant que la guerre ne peut être ni un mal du bien ni un bien du mal, fut-il chaque fois naturel authentique et conceptuel, les réponses nouvelles ou entendues mais toujours primordiales et différentes, portées au gré des dialogues concevables et pertinents à toutes mesures réelles reliées et convenues de la paix…

    L’humanité est un mot des valeurs unies de la Vie ET la vie est une valeur des biens unis de l’Humanité…

    Salam, merci…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici