QUAND LES MUSULMANS SE RÉVEILLERONT (4/100)

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4. Contre l’injustice, pour la justice

La lutte contre l’injustice ce n’est pas encore la promotion de la justice. Il y a loin entre les dispositions intellectuelles, spirituelles et émotionnelles de celle-là et les exigences de celle-ci.

Dans toutes les sociétés, en Afrique, en Amérique, en Asie ou en Europe, on voit des citoyens musulmans se mobiliser, avec leurs concitoyens, contre l’injustice, l’oppression, le racisme, l’islamophobie, l’exploitation, la destruction de la planète, etc. Ils se font entendre, créent des alliances, descendent dans la rue… ils crient leur refus, leur exaspération, leur colère. Dans l’opposition, ils ne sont pas seuls : des hindous, des bouddhistes, des juifs, des chrétiens, des athées, des écologistes, des féministes, des organisations anti-racistes, des mouvements LGBT sont présents et partagent certaines revendications, générales ou particulières. Les luttes « contre » rendent les collaborations plus aisées, plus immédiatement évidentes : on se sent « unis », forts… en mouvement.

Pourtant, la lutte contre l’injustice (la nécessaire réaction) doit être intégrée à une conception – construite, pensée, élaborée et claire – des objectifs de l’engagement, des finalités supérieures de l’action. Dans le cas contraire, l’agitation de la réaction n’est qu’une illusion quant aux résultats de l’action, et à la capacité de véritablement changer les choses. On se croit forts à dénoncer, alors que l’on est bien faibles à proposer.

Souvenons-vous. Quand le message de l’islam se déploie dans l’histoire, au gré des révélations, il est un appel de la conscience, l’approfondissement d’une foi, l’élaboration d’une conception de l’Homme et du monde. Le chemin de la réforme de soi et des sociétés est limpide et lumineux, et les cinq piliers de l’islam (les fondations, qui rendent solide et équilibré celle ou celui qui suit le chemin, la Voie) sont nourris par l’engagement « pour », et non la réaction « contre ». On atteste de la vérité de l’Unique et de Son envoyé pour Dieu, sa conscience et son coeur; on prie pour Dieu et le rappel; on donne la zakat pour Dieu et les pauvres; on jeûne pour Dieu, pour s’élever proches des plus vulnérables; on effectue le pèlerinage pour Dieu et l’expérience de l’union égalitaire des croyantes et des croyants.

Sur le chemin, il y aura forcément des obstacles : notre ego, l’oubli, l’arrogance, l’injustice, le rejet, le racisme, l’islamophobie, etc. Ces écueils, ces oppositions, ont trois fonctions : connaitre le mal pour l’identifier et ne pas s’y perdre; résister aux dérives des Hommes et réformer les sociétés; renouveler sa foi et ses intentions au gré de notre engagement quotidien. Le pire serait pourtant de finir par prendre cette résistance aux obstacles comme représentant l’objectif de notre engagement, de confondre la réaction et l’action, le moyen et la fin, l’opposition et la promotion. Spirituellement, cette confusion est proche du « shirk », de l’associationnisme : oublier la fin ultime qui est Dieu, Son amour, la paix, l’égalité entre tous les Hommes et leur liberté non négociable, et se perdre dans l’exaltation des oppositions et du culte des moyens. Comme quelqu’un qui finit par adorer le savoir et la prière alors que l’adoration n’est due qu’à l’Unique, dans la quête d’un savoir utile et d’une prière sincère.

Souvenons-nous encore. Quand il arrive à Médine, le Prophète (PBDL) rappelle à tous, au moment même où il est accueilli dans cette nouvelle société : « Répandez la paix, établissez les liens de parenté, donnez de la nourriture aux pauvres, priez pendant la nuit, vous entrerez au paradis dans la paix. » L’objectif ultime est dessiné (la paix à la lumière de la Paix qui est Dieu), et les moyens sont clairs (la prière pour la conscience et le coeur, la fraternité et la solidarité entre soi et pour l’humanité). Le chemin est tracé. Alors il réforme les règles du commerce inéquitable qui sévissent sur le marché de Médine; il résiste au tribalisme et au racisme en établissant le pacte de la fraternité des croyants; il intègre toutes les communautés (juive, chrétienne, etc.) à la oummah plurielle et égalitaire de la cité. Et tout à l’avenant. La foi et la conscience des fins ordonnent les moyens. Jamais le contraire.

Sa force n’était pas l’agitation bruyante de son opposition et de sa résistance, mais la conscience sereine, confiante et courageuse de ses objectifs. La force du Message et du Prophète (PBDL) étaient dans la proposition créatrice, non dans l’ opposition revendicatrice.

Au-delà de nos résistances, au-delà de nos mobilisations bruyantes ou des réponses simplistes qui nous invitent à simplifier la vie et le monde, ou à les fuir, avec la « suffisance des élus », mais sans le courage de la foi ni l’humilité de la conscience… « au-delà, donc, qu’avons-nous à proposer, à offrir, à donner, à partager ? Une Voie, un projet, une espérance, à l’opposé de la plainte, des condamnations et des rejets?

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