« Le terrorisme de la dette » par Ricarson DORCE

2
4782

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

La dette, n’est-ce pas la pire pratique terroriste ?
Des attentats se produisent souvent dans le monde. De plus en plus de groupes organisés mènent de telles attaques. Beaucoup de personnes ont subi les conséquences désastreuses de ce choc. Pourquoi les gens recourent-ils à la violence ou à des actes terroristes ? Qui sont les terroristes ?

Les questions sous-tendant les terroristes réunissent plusieurs éléments différents. L’emploi du terme est fréquemment associé à des considérations politiques. On qualifiera un acte terroriste en fonction de sa vision du monde. Le même acte peut être jugé terroriste ou considéré comme légitime en fonction du contexte sociopolitique. Ainsi, de nombreux groupes se disent combattants de la liberté, luttant pour l’indépendance et leurs droits, pas terroristes. Ils sont donc révoltés par les mauvais traitements subis à cause de leur nationalité et de leur religion.

Par ailleurs, la dette devient un mécanisme universel entrainant l’aliénation de l’humanité. Elle crée un nouveau système politique totalitaire qui s’exerce dans les pays pauvres afin de renforcer la dépendance de ces derniers vis-à-vis des super-puissances. Comment réfléchir sur la situation des Etats étouffés par la dette, héritiers d’une colonisation (ici, nous pensons spécialement à la situation de l’Etat haïtien) ? La dette, n’est ce pas la pire pratique terroriste dont on ne parle pas ? Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, nous allons nous inspirer du discours sur la dette de Thomas Sankara présenté par Jean Ziegler en février 2014 dans la collection dirigée par Frédéric Dufourg pour le compte des éditions ELYTIS.
D’entrée de jeu, nous rappelons que Thomas Sankara est mort assassiné l’après-midi du 15 octobre 1987 au cours d’un coup d’Etat par des militaires autochtones téléguidés par l’étranger. Il est né le 21 décembre 1949. Son discours sur la dette tenu le 29 juillet 1987 devant les chefs d’Etat africains dans l’immense Africa Hall d’Addis-Abeba sapait les bases du système international fragilisant l’Afrique et les peuples du tiers-monde. Moins de trois mois plus tard, il a payé de sa vie ce discours en compagnie de onze de ses camarades exécutés à la mitraillette dans une maison de l’Entente à Ouagadougou. Son entretien était marqué par un mélange de pédagogie populaire, d’analyse conceptuelle, de courage et d’intuitions très vives. Il a cerné concrètement les désirs de libération communs aux peuples du tiers-monde. C’était un jeune cultivé, intelligent et libre d’esprit. Il exprimait les valeurs de justice sociale, de tolérance, de réciprocité, de complémentarité, de dignité et d’intégrité. En qualité de véritable leader veilleur, il a dénoncé la tyrannie de la dette dont les conséquences directes sont la sous-alimentation, la misère, l’analphabétisme, le chômage chronique et persistant, les maladies endémiques, la destruction familiale etc. La prospérité de l’Occident en dépend en grande partie.

Comment refuser cet ordre du monde et revendiquer un espace de vivre ensemble ? Comment vivre libre et digne ? Que pouvons-nous faire de ce qu’on a fait de nous ?

Aujourd’hui, c’est au titre du service de la dette que les peuples des pays appauvris compromettent leur santé économique pour financer le développement des pays riches. Les flux des capitaux Sud-Nord sont en excédent par rapport aux flux Nord-Sud. La dette est l’expression la plus achevée de la violence qui structure l’actuel ordre des choses existant. À la place des mitrailleuses, elle se met à réduire à un état de grande dépendance les peuples du Sud vis-à-vis des oligarchies du capital financier globalisé. Elle empêche les pays appauvris de réaliser les investissements minima dont leur agriculture a soif. Elle est donc la pire pratique terroriste.
Pourquoi le Fond Monétaire International ne procède-t-il pas à l’annulation de la dette des pays appauvris de la planète ? N’est-ce pas pour tenir les peuples par cet outil terroriste ? Evidemment, la dette permet de maintenir l’Etat appauvri en adoration devant l’Occident. Contre l’octroi de nouveaux crédits, un « programme d’ajustement structurel » est imposé au peuple débiteur. Ce programme vise, autant que faire se peut, à privatiser les services publics et à donner aux grandes entreprises transcontinentales privées l’accès à l’économie locale. C’est un gros mensonge que si les pays du Sud ne paient plus aux pays du Nord les intérêts de la dette, l’effondrement du système bancaire mondial sera provoqué.
Nous partageons l’avis de Thomas Sankara que les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui ont prêté de l’argent aux pays appauvris, ce sont ceux-là qui les ont colonisés, qui géraient leurs économies et qui, du coup, les endettaient auprès des bailleurs de fonds. La dette est le symbole du néo-colonialisme. Elle est contrôlée par l’impérialisme et elle soumet le développement des pays du Sud à des normes qui leur sont totalement étrangères. Quand un pays déjà appauvri est endetté pour cinquante ans et plus, il est en même temps amené à compromettre plusieurs de ses générations pendant cinquante ans et plus.
Les pays du Sud doivent-ils toujours rembourser la dette ? S’ils ne paient pas, les bailleurs de fond vont-ils mourir ? S’ils paient, vont-ils eux-mêmes pouvoir survivre ?
Les chefs d’Etat du tiers-monde ne doivent pas chercher individuellement des solutions au problème de la dette. Il faut la révolte de l’opinion publique du tiers-monde contre la dette. Les peuples du tiers-monde doivent s’unir et s’organiser contre cette arme de destruction massive. Cette organisation doit également prendre en compte les revendications des masses populaires des pays du Nord. Avec le soutien de tous les pays du tiers-monde et des masses populaires des pays du Nord, la dette peut être éliminée et la course aux armements entre pays faibles, limitée. Ainsi, les masses populaires peuvent utiliser leurs immenses potentialités pour se développer, pour produire ce dont elles ont besoin et pour consommer ce qu’elles produisent au lieu d’importer.
« Les pays du tiers-monde ne doivent payer aucune dette parce que, au contraire, les colons leur doivent ce que les plus grandes richesses du monde ne pourront jamais payer, à savoir le sang de leurs ancêtres versé pendant toute la période esclavagiste ». Les peuples du Sud doivent de plus en plus conscients de leur droit face aux exploiteurs. Ces derniers parlent souvent de crise, alors que les richesses du monde sont concentrées entre les mains de quelques individus possédant dans des banques internationales des sommes colossales capables de développer le tiers-monde.

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

2 Commentaires

  1. Arrêtons de payer les dettes ainsi les préteurs vont se crever, les pauvres citoyens sont dans un train à haut vitesse vers un mur! un lavage de cerveau se fait chaque jour pour rejoindre le troupeau qui suit les arnaqueurs réglementés qui portent des cravates et discours déguisé en paroles sur le développement et le combat de la pauvreté qu’ils ont crée par des méthodes qui ne servent plus à rien.

  2. Frère Ricarson, paix, miséricorde et bénédiction de Dieu sur toi,
    Ce texte bien éclairé par l’histoire et l’exemple de T. Sankara est à méditer par tout Africain soucieux de sa dignité, de la préservation des valeurs ancestrales, et du bien-être de sa communauté.
    L’interventionnisme occidental dans les affaires politiques et économiques (impactant le social) doit cesser. Cela ne s’obtiendra pas en l’espérant, en attendant que l’Occident fasse « un geste » de « clémence » envers les peuples d’Afrique, qu’il leur offre des traitements de faveur, qu’il ait pitié de l’état de misère dont souffrent des millions d’Africains… Ce n’est pas de cela dont il s’agit. Les Africains doivent réclamer leur droit à la dignité. C’est un droit, ce n’est pas une prérogative.
    Cependant, comme c’est toujours le plus fort qui dicte sa loi, le plus faible n’a d’autre alternative que de se mettre hors de cette loi-là pour rétablir la balance des pouvoirs. La dette est un esclavagisme moderne, elle doit être abolie également, que ce soit par une loi du plus fort, ou par celle du plus faible.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici