Communiqué de Tariq Ramadan »Menton : Penser notre temps » Le monde musulman : dialogue des cultures ou guerre des religions ?Il y a quelques mois, lorsque les organisateurs m’ont invité au colloque de Menton sur le monde musulman, j’ai immédiatement accepté parce que j’ai toujours pensé que seuls le dialogue et le débat pouvaient nous mener à briser les préjugés et à construire ensemble un avenir meilleur.
Le dialogue et le débat exigent néanmoins le respect de certaines règles fondamentales et un minimum de déontologie. Cela fait dix ans que j’ai engagé la discussion avec Gilles Kepel mais je me vois aujourd’hui dans l’obligation de mettre un terme à ce qui n’est au fond qu’une mise en scène de sa part et une véritable mascarade.
Jamais « frontal » dans les débats, M. Kepel aime à se présenter comme un observateur « objectif » des dynamiques islamiques à travers le monde. Dans les faits, il en est tout autre : ses interventions autant que ses écrits sont traversés par les analyses et les remarques sournoises, pleines de fiel, quand elles ne sont pas tout simplement mensongères. Son dernier ouvrage (dans l’ensemble suffisant, simpliste et mauvais), nous offrent des pages aux allusions irrespectueuses, honteuses, mensongères et proprement inadmissibles.
Je considère que je n’ai plus à débattre avec un homme qui oublie de citer ses sources intellectuelles : il y a quelques années déjà, il avait omis de citer Olivier Roy alors qu’il lui avait emprunté l’idée de la « fin de l’islamisme ». Aujourd’hui, il affirme que c’est en Europe que se jouera en priorité l’avenir de l’Islam au niveau mondial. C’est exactement la thèse que j’ai élaborée dans l’ouvrage Etre musulman européen (1997). L’universitaire Gilles Kepel vole les idées, ment sur les faits et oublie d’indiquer ses sources (il vaut mieux les calomnier que les citer).
Chéri des médias, Gilles Kepel est très peu respecté des milieux académiques qui connaissent sa suffisance et ses méthodes. Quant à moi, j’aurais essayé de débattre, mais force est de constater qu’aujourd’hui cela est impossible. Je ne peux cautionner l’attitude intellectuel d’une homme qui cherche à entretenir la peur et n’hésite pas à diffuser des contrevérités en faisant fi de la moindre déontologie académique.
J’ai donc décidé d’annuler ma participation au colloque de Menton. Je n’ai subi ni pression ni menace : c’est un choix libre et mûrement réfléchi. Je tiens à présenter mes excuses aux organisateurs autant qu’au public mais ce choix s’imposait après la lecture du dernier livre de Gilles Kepel et ses déclarations publiques.
A Genève, le 8 octobre 2004
Ce courrier confirme l’opinion que j’ai eue à la suite de la diffusion de l’émission télévisé « Culture et dépendances » d’ il y a quelques semaines traitant du sujet de l’islamisme et à laquelle vous avez participé. J’avais pourtant un préjugé favorable vis à vis de monsieur Kepel mais son intervention m’a déçu. J’ai eu l’impression qu’il s’attachait durant le débat à discréditer sournoisment tous ceux qui écrivent au sujet de l’islam en essayant de faire comprendre au téléspectateur que ces derniers passent trop souvent à la télé pour être sérieux. La remarque est peut être valable pour Mr Lelouch qui confond les plateaux télés avec le PMU du quartier, mais pas pour tous. Il souhaite ainsi se présenter comme le seul interlocuteur raisonnable et sérieux en matière d’islam et d’islamisme. En bref, il défend sa boutique, son fond de commerce. Il voit certainement en vous un redoutable concurrent dans ce domaine, d’où les quelques pics malhonnêtes à votre encontre.
Je pense que vous faites bien Monsieur Ramadan de prendre vos distances avec ceux qui ne cherchent pas à entrer en dialogue mais à montrer que leur grille de lecture est la bonne.
Je me suis déjà rendu compte du revirement de position de M. Kepel lorsque son livre annonçant la fin de l’islam politique s’est vu littéralement contredit voire « à côté de la plaque » par les attentats du 11 septembre. Parler l’arabe reste nécessaire mais pas suffisant pour aborder la complexité des dynamiques sociales dans le monde arabe ou encore en Europe ou aux USA.
Il faut être en droit de demander un minimum de respect quand on s’engage dans la dialogue et la critique ouverte.
Loin de vouloir diaboliser M. Kepel, j’espère qu’il sera capable d’autocritique et qu’il se rendra compte que l’on ne peut renfermer des gens dans des rôles pour lesquels on pense être le seul à les avoir cerné et compris.
» Certes vous serez éprouvés dans vos biens et vos personnes; et certes vous entendrez de la part de ceux à qui le Livre a été donné avant vous, et de la part des Associateurs, beaucoup de propos désagréables. Mais si vous êtes endurants et pieux… voilà bien la meilleure résolution à prendre. »
Verset 186 sourate Ali Imrân
salam à toi, frère Tarik, et à tous ceux qui liront ce message.
Ta réaction face au comportement de Monsieur Kepel me rassure quelque peu, frère Tarik, car en l’écoutant et en l’observant sur les plateaux télévisés je me demandais parfois si c’était moi qui devenait paranoiaque, ou si c’était bien lui qui tenait un discours caricatural, simpliste et dangereux.
Ce monsieur qui est présenté abusivement comme un « spécialiste de l’Islam », ce monsieur qui est enseigne à Sciences-Po (rappelons-le), ce monsieur qui prend un malin plaisir à prononcer le mot « Al Quaida » avec l’accent arabe (comme si c’était un marque de compétence), ce monsieur qui semble imbu de lui-même me sort par les yeux et m’irrite au plus haut point.
J’avoue que je n’ai jamais lu un seul de ses ouvrages…car il ne me paraissait pas crédible, il surfe sur la vague, il hurle avec les loups…
Penser qu’il enseigne dans une des écoles formant (ou formatant) les futures élites françaises me fait froid dans le dos.
Salam alikoum,
Mr Kepel (comme d’autres intellectuels « orientalistes ») m’irrite aussi parce qu’il se prétend spécialiste de l’islam et du monde musulman qu’il ne connaît qu’à travers le prisme d’oeillères anti-islam. Les titres flash de ses ouvrages (« Les banlieues de l’islam; « Djihad »…) prouvent son manque de sérieux scientifique et font davantage écho à la paronaïa médiatique anti-islam qui se développe depuis plusieurs années en France. Ce qui demeure incompréhensible, c’est qu’il passe pour être un spécialiste, une référence pour les non-spécialistes, un professeur à l’IEP de Paris…!!
D’autres prétendus experts (comme Sfeir par exemple) développe des préjugés et un racisme anti-islam qui s’inscrit dans la lignée de leur histoire personnelle, notamment la guerre civile au Liban. Il semble évident que Sfeir ne souhaite pas
voir se développer un discours constructif et positif sur l’islam en France, parce que foncièrement il éprouve un mépris hypocrite pour les musulmans qu’il essaie de masquer derrière son titre d’expert du monde arabe…Comme de nombreux islamophobes, il est habité par de vieux démons rappelant les différents intercommunautaires au sein du monde arabe.
Pour finir, je trouve que vous avez très bien fait de ne pas participer à cette conférence avec Mr Kepel car il n’en vaut pas la peine.
Merci pour votre article. Salam, frère Tariq.