Tariq ramadan cite Léo Ferré « la gauche n’est que l’antichambre de là où siège la droite »

Tant pis pour vous Numéro 6 Mai/Juin 2005

    Grégory : D’un point de vue religieux, que vous inspire votre vedettariat auprès de tant de gens ?


    Mon vedettariat…Il y a 15 ans que je suis sur le terrain, dans toutes mes interventions, y compris les cassettes et les écrits, j’alerte les gens par rapport à ça. Pour qu’ils ne confondent pas la personne et le discours. J’ai droit à mes faiblesses.


 


    G : Depuis votre apparition sur la scène médiatique, est-ce que certains arguments employés contre vous vous ont  ébranlé, affectivement, intellectuellement ?


    Ce qu’on a pu dire sur mon père, oui. J’entends des choses depuis très longtemps. Rien de très nouveau. Je me suis demandé comment on avait pu en arriver à projeter sur moi des tentations racistes et antisémites, alors que ce sont des choses que je ne connais pas.  Je m’attendais à ce que le texte (les nouveaux intellectuels communautaires,ndrl) soit considéré comme « antisémite », ça bien sûr. Mais le passage du texte à l’espèce de diabolisation de son auteur…Je m’attendais à des remous. A cette intensité, cette densité, non.


 


    Karim : Vous avez une idée du pourquoi ?


    Oui (rires) Parce que je touche juste. Parce que ce que je disais dans ce texte est confirmé tous les jours. Dans ce pays, il y a un certain nombre d’intellectuels, juifs et non-juifs, qui entretiennent, jouent et produisent du communautarisme. Sur le plan national. Il y a une vraie stratégie, sur la question de l’antisémitisme, qui consiste à cibler le communauté musulmane. Depuis l’Europe, depuis les Etats-Unis. Pour la bonne et simple raison de la présence de millions de citoyens européens, d’origine arabe, de confession musulmane, qui sont en train de changer l’opinion publique sur le conflit israélo-palestinien.


 


    G : Vous pensez qu’ils ont gagné ?


    Si la victoire se mesure à la charge de l’attaque, ils ont déjà perdu ! Sur la plan international, les Kouchner, les BHL ou Adler, avec ses théories approximatives et peu scientifiques, veulent produire un discours de repositionnement de la France par rapport aux pays arabes. Avant la guerre, BHL a eu une position bien moins claire que celle qu’il a tenue par la suite…Je lis l’anglais : je sais ce qu’il dit dans le Washingon Post . Donc, deux niveaux : national et international. La gestion des communautarismes et leur promotion : l’obsession des musulmans « communautaires », pour cacher son propre communautarisme…


 


    G : Ca ne vous semble pas logique, cet « accouchement » douloureux de millions de citoyens nouveaux, avec les pays d’origine desquels tous les contentieux ne sont pas réglés…?


    La transition crispée et tendue est totalement normale. L’émergence de nouveaux citoyens, ça remet en cause l’homogénéité culturelle, ils posent des questions, sortent de leur ghetto…L’accession à une plus grande visibilité rend de fait la tension normale.  On pouvait prévoir la dureté. Pas la perfidie. On joue sur la symbolique du foulard, pour éviter la question sociale. Islamiser les questions pour ne pas faire face à la politique. Ou au caractère politique de ces questions. Vous me demandiez s’ILS ont gagné…La tranche des 18-24 ans, majoritairement, est contre la loi sur le foulard. Cette tranche connaît bien meiux ces populations, elle en a moins peur, elle est beaucoup plus en contact avec. Cette tranche va normaliser ce que les aînés veulent crisper. Pour ça, d’abord, il ne faut pas postuler que les aînés ne peuvent pas évoluer. Quand tout dans la société se joue dans le registre des peurs et des craintes, qui rendent le débat impossible, établir des « espaces de confiances ». Se donner, à l’intérieur, les moyens d’un débat contradictoires, de deux angles différents, mais dans la confiance. Personne mieux que les enfants ne peuvent réussir cela. Ils peuvent échouer dans l’alliance des idées. Mais réussir la confiance, et la création de cet espace. C’est un conseil que je donne à beaucoup de musulmans. La confrontation avec les parents n’est pas malsaine.


 


    G : Vous lisez ce qui s’écrit sur vous ? Le livre de Caroline Fourest ?


    En diagonale


 


    K : Si vous rencontrez un jeune, vous lui parlez d’islam pour qu’il s’intéresse ou pour qu’il devienne musulman ?


    Je n’apporte pas de réponse avant qu’on ne me pose de question. En 20 ans de travail, à aucun moment, je n’ai présenté l’islam comme ce qui nous définissait, ou comme l’once d’une solution.


 


    K : Vous avez eu l’impression d’être pris par les jeunes de quartiers pour un représentant ? Parce que, moi, j’ai l’impression que ces jeunes vous comprennent pas…


    C’est la perception fantasmatique d’une petite élite de bourgeaois parisiens. Mon « public », ce ne sont pas ces jeunes de banlieue. Les seuls qui accèdent à ces jeunes, ce sont les rappeurs…là aussi, il y a un gros travail à faire, pour savoir qui touche les jeunes de banlieue. Selon moi, beaucoup plus les productions du système, de culture et de symboles, que moi. Ceux que je touche, ce sont ceux qui peuvent sortir des banlieues. Qui ont accès à l’éducation, à l’université. Eux font l’interface de vulgarisation.   


 


    K : Vous n’avez pas l’impression que dans les quartiers, tout le monde est à l’ouest par rapport à l’islam ? On leur dit vous êtes musulmans. Ils font avec. Mais ça part dans tous les sens.


    On est dans ces quartiers en face  d’une vraie tension, quand à la construction de la personnalité. C’est lié à l’univers symbolique de la culture d’origine, toujours présente, à la pression très forte de la culture dominante. A l’espèce de synthèse de ces deux cultures par des expressions de musiques alternatives, de vêtements. Et des aspirations : : voir des jeunes revenir à la pratique. Une sorte de chaos référentiel. Dans une même journée, ils passent de l’une à l’autre de ces références. Je peux essayer de leur donner des armes de questionnement : « Je suis chez moi. Je suis un citoyen. Je suis sujet de mon histoire. » Le vocabulaire est essentiel : ils ne sont pas issus de l’immigration : ils sont héritiers de l’immigration.


 


    K : Ca vous dérangerait qu’il y ait une vague d’athéisme dans la génération des 25-26 zns « musulmans » ?


    La seule chose qui me dérangerait, ce serait qu’on fasse une génération d’aliénés. Quelqu’un qui choisit qu’il n’y a pas de Dieu…à partir du moment où il l’a choisi en toute liberté, non seulement il n’y a pas de problème, mais je peux discuter avec lui, me battre avec lui sur un certain nombre de valeurs. La seule chose sur laquelle je me battrai toute ma vie, c’est de laisser confondre la liberté et l’ignorance.


 


    K : Vous vous faites aussi cette réflexion à l’envers ? c’est-à-dire à propos de quelqu’un qui aurait choisi l’islam plus pour trouver une identité…


    Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’écouter ce que je dis sur les façons d’arriver à l’islam, mais c’est toujours d’éviter le formalisme, l’effet de mode…Car, ça aussi, c’est de l’aliénation. Certains ont l’illusion que l’islam va leur donner une forme de protection. Il s’agit là d’un thème central dans ma démarche. C’est l’aliénation qui me rend triste. Quand on me présente des leaders du rap comme l’expression d’un vrai discours de liberté, de libération…ça fait peur ! (rires)


 


        K : Hé, Wallid, t’attends quoi ? T’avais 40 000 questions ! (rires)


    Wallid : On m’a dit que vous aviez dit que la condition de la femme en pays arabes ou musulmans a plus évolué en Iran qu’aileurs…


    Oui…(rires).


 


    W : Tous les pays n’ont pas la même situation. Les Iraniens, forcément partent de plus loin…


    Je ne l’ai pas dit comme ça, mais bon. Dans les vingt dernières années, la femme, sa condition, son évolution, a, si je puis dire, et tout en le critiquant, plus « évolué » en Iran que dans d’autres pays arabes. Maintenant, que je dise des choses sujettes à interprétations, ça ne me dérange pas.


 


    W : Peut-être qu’on vous comprend mal…


    Aborder les questions, c’est une chose. Les niveaux d’intervention, en termes de langage, de conceptualisation, c’est autre chose. J’essaie d’adapter mon niveau de langue. Maintenant. JE N’AI PAS LE DISCOURS QUI TOUCHENT CES JEUNES.


 


    W : Vous ne vous adressez pas à eux ?


    Je ne dirais pas cela. Je dis qu’à un moment donné, il faut reconnaître les limites de son histoire. Et de sa façon de parler.


 


    W : Vous pouvez expliquer ça ?


    Attendez ! Justement ! (rires) Ceux qui sortent des banlieues sont les plus à même de faire l’interface, de vulgariser.


 


    W : Vous n’arrivez pas à baisser votre niveau de lange ?


    Si…Mais jusqu’à un certain point. A un moment donné, il faut avoir le vécu, la proximité. Je viens d’un milieu politique petit-bourgeaois. J’ai conscience que j’ai grandi dans un appartement où on ne voyait pas de murs, mais des livres. Un univers qui n’a jamais vécu de complexe culturel ou colonial.


 


    W : Donc, vous êtes un intellectuel qui s’adresse à des intellectuels ?


    Non. Qui s’adresse à tous, jusqu’à un certain point. Les livres et les cassettes sont relativement accessibles. Ca peut « toucher ». Mais être touché ne construit pas une identité. Ce que je dis, c’est que vous avez une responsabilité : celle de devenir sujet de votre histoire.


 


    W : Vous ne seriez pas plus utile, en tant qu’intellectuel musulman, à dédiaboliser l’islam ?


    J’essaie. Mais c’est difficile, lorsque vous êtes vous-même diabolisé.


 


    W : Pourquoi on vous diabolise ?


    Parce que mon discours ne permet pas à mon interlocuteur de me mettre dans l’altérité. Vous voyez ce que je veux dire ? On voudrait pouvoir me dire, « ah, t’est musulman, t’est dans l’altérité du musulman. «  Alors que moi je me bats pour des valeurs communes, le partage, le partenariat, sortir des ghettos et trouver des espaces communs…Ceux qui me diabolisent le font pour pouvoir justifier leur propre binarité. Moi, je cherche plus à briser les murs qu’à les construire. Ce travail d’explication, de dédiabolisation, je le fais quand même depuis 20 ans.


 


    W : Oui, mais les choses sont parties en empirant ?


    Oui et non. Aujourd’hui, on n’a pas d’idéologie politique.  On a des idéologies émotionnelles. Aujourd’hui, c’est l’idéologie de la peur. Au nom de la guerre contre le terrorisme, au nom de notre identité, on produit des peurs, on détermine des politiques. Sécuritaire, de discrimination, de représentatation de la société, en dsant « attention, il y a ces gens qui posent problème. »  La mondialisation rend cette peur mondiale, et ces fractures internationales : les attentas aux Etats-Unis, la peur généralisée du terrorisme…


 


    W : Mais vous condamnez ceux qui prennent l’islam comme alibi pour faire des attentats ?


    Je n’arrête pas.


 


    W : En fait, on dirait pas…C’est peut-être votre façon de parler.


    Qu’est-ce que vous avez entendu de moi , ou lu ?


 


    W : J’ai lu, entendu…dans les journaux.


    Attendez….90% de ce qu’on trouve sur internet me concernant vient de la France. La France n’a pas un problème avec Tariq Ramadan. Elle a un problème avec ces populations. Il y a un vrai débat symbolique autour de l’islam.


 


    W : Oui, mais vous pouvez agir dans ce sens…


    Attendez, c’est un travail que je fais depuis 20 ans ! On dit à mon sujet, « double discours ».    Je dis, moi, que la France souffre d’une double audition. Il y a des choses qu’on ne veut pas entendre. En septembre 2001, j’ai été invité à New-York, par le Times. Et j’y ai condamné, de façon claire, les attentats. je l’ai dit et répété. Mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Si vous le dites 10 fois, et que dans les médias on persiste que ce n’est pas clair…Je répète ce que j’ai écrit dans trois livres, dans combien de cassettes, en interview…Je condamne les attentats suicides, un enfant israéliens de 8 ans est un innocent. Je dis que la situation des Palestiniens rend les choses « explicables ». Juste après les accords d’Oslo, il y a les massacres d’Hébron. Et, le terrorisme, ce n’est pas uniquement le fait de Musulmans. Expliquer n’est pas justifier. Je condamne. J’explique. je ne justifie pas. OK ? Ce n’était que la centième fois que je le disais ! (rires). j’ai dit tout ça,  la semaine dernière à Mantes. Le lundi suivant dans la presse : « Ramadan joue sur les mots, ne condamne pas les attentas suicide, etc. » Le journaliste qui a écrit ça, si tu viens de banlieue, tu l’appelles, et tu lui envoies une droite ! (rires). Si, comme moi, tu es un intellectuel petit-bourgeois, tu te dis qu’il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Donc, lisez ce que j’écris et dis. pas ce qu’on dis  que je ne dis pas. Ok ? L’impression que vous avez que mon discours n’est pas clair est une preuve pour moi que la campagne médiatique contre moi porte ses fruits. Je vois deux responsables : la campagne et vous. Vous n’êtes pas allé vérifier.


 


    K : J’ai l’impression que les gens se méfient de vous parce que, en vous entendant parler…Bon, depuis le début de l’interview, vous avez parlé de façon très linéaire. Du coup, pas très humain. Et là, à l’instant, vous m’avez plus touché, je suis beaucoup plus réceptif, parce que vous avez laissé tomber un rideau. Ca devient, là, beaucoup plus incarné. Vous en devebez plus humain, et j’ai mmoins l’impression de quelqu’un qui tire les ficelles. C’est une question que vous vous posez ?


    Quand on est dans la distance critique, il est très important de « déshumainiser » le rapport à l’objet d’étude. Je vois trop que la passion nous emporte. Dans mes conférences,  jamais de ma vie, je n’ai eu comme retour que c’était « déshumainisé ». Il y aurait même une dimension humaine, chaleureuse ! Maintenant, sur le plan médiatique, j’ai eu des rapports critiques, mais à aucun moment on m’a parlé de cette dimension inhumaine ou « déshumainisé ».


 


    K : C’est la première fois que je vous vois souriant…


    W : Ca dépend peut-être des émissions…


    G : Chez Giesbert (Cultures & dépendances, ndrl), ça allait mieux ?


    Hum. Et encore, ils ont coupé beaucoup. En particulier les moments d’empathie et de rapprochement, avec, par exemple, le curée qui est en Inde, ils ont tout viré !


 


    K : Ce que je veux dire, c’est que le sourire pourrait être une stratégie…


    J’ai pas de stratégie, pas de conseiller en communication.


 


    G : Parlons des quartiers, d’où vous ne venez pas. Le trafic de shit, par exemple. Le fils qui rentre avec le produit du trafic ne dit pas à ses parents « voilà l’argent du shit. » Mais cet argent s’intègre dans la maison. Vous pensez que le jour où tout ça sera dit, ce sera un progrès ?


    Oui. Je le dis ça. Toute vérité n’est pas bonne à dire. Mais toute pédagogie de la vérité est bonne à tenir. Il faut dire ces choses-là. En termes de dénonciation, de levée des voiles sur la question des viols collectifs, de la prostitution.


 


    G : Donc, vous n’avez pas peur de « diviser la communauté », si communauté il y a ?


    Non. Je crois à la vertu de la lucidité. Ces 20 ans me l’ont prouvé.


 


    G : La question de l’islam, dans le cadre français, masque mal un problème racial, hstorique. Les Sénégalais, les Comoriens, personne ne leur pose de problème avec l’islam. Ce sont donc bien avec les Arabes qu’il y a problème…


    Double travail. D’abord, : « desessencialiser ». Ne pas tout mettre sur le dos de l’islam. Qu’est-ce qui tient de l’islam ? De l’histoire ? De la mémoire ? Du social ? Il faut tout déconstruire. La classe politique et intellectuelle française s’aveugle par rapport à ce racisme, issu du passé colonial, mais aussi de ses incompétences, par rapport à des politiques sociales alternatives. La gauche et la droite,c’est ce disait Léo Ferré : « La gauche n’est que l’antichambre de là où siège la droite. »


 


    G : Ca va être bien ça : tariq Ramadan citant Léo Ferré (rires) Comment expliquez-vous le revirement d’un Pierre-André Taguieff, qui a travaillé notamment sur la « désessencialisation » (voir les fins de l’antiracisme, éd. Michalon) ?


    Il y a une vraie crainte, par rapport à l’homogénéité…Il sent que la France change, et ça lui fait peur. « Emotivement ». Admettre qu’il y a des français arabes, c’est pas facile pour lui. Il avait un discours apaisant, quand son propre pouvoir symbolique n’était pas mis en jeu? Là, pour la première fois, il est en jeu. Les rapports objectifs deviennent subjectifs.


 


    G : Pour vous, cela repose uniquement sur la peur, le fait qu’une Christine Boutin, catholique dure, n’ait pas, à un moment, fait du pied aux musulmans , Ne serait-ce qu’aun nom d’un supposé conservatisme, ou même moraliste ?


    Certaines le font. Mais fondamentalement, la crainte de bien des catholiques conservateurs, c’est la déchristianisation et l’islamisation. C’est un enjeu de compétition, pas de collaboration. Les chrétiens sociaux ne sont pas dans cette logique. Les églises se vident ,  les mosquées se remplissent, c’est la crainte. Là aussi, le discours musulman ne doit  pas se construire en termes de compétition, mais de partenariat.


 


    G : N’aurait-il pas mieux valu, eu égard la situation ici, laisser de côté la question palestinienne, et accéder AVANT à la citoyenneté pleine et entière, la libération individuelle de l’aliénation, etc. ?


    Il est impossible qu’il en soit autrement. Le conflit israélo-palestinien est universel. On a un concentré de tous les grands enjeux de la mondialisation. Second point : qu’est-ce que ça veut dire, être sujet de son histoire ? Quand on vit dans un espace de liberté : ne pas oublier ceux qui ne l’ont pas. Etre ici la voix des sans-voix. Avoir un discours politique, construit, dans la distance critique, pas dans l’émotivité.


 


    K : Qu’est-ce que va nous coûter de vous avoir fait parler ? (rires)


    Ceux qui veulent me diaboliser vous verrons comme un média laternatif qui veut se faire de la pub. Ceux qui refusent la diabolisation vous reconnaîtront le courage. Dans les deux cas, c’est bon pour vous ! (rires).


 


 


Interview réalisée dans le cadre du numéro Mai/Juin de tant pis pour vous


    


    


 


    


 

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