Sur le plan individuel, familial ou associatif, notre avenir sera fonction de la pertinence de notre réflexion quant aux étapes prioritaires de notre action. Comment poser les premières pierres ? Nous avons exposé les cinq piliers d’une saine présence musulmane en Europe, nous avons mis l’accent sur les principes essentiels qui, dans l’approche des textes, doivent nous permettre une réelle compréhension et un véritable enracinement dans le contexte européen ; il est important, enfin, de proposer quelques réflexions sur l’action proprement dite. Auparavant, il paraît nécessaire de faire quelques remarques introductives pour nous permettre d’engager la réflexion de façon cohérente.
– Remarques introductives
Citoyens ou résidents européens, nous sommes attachés au respect des constitutions nationales auxquelles nous sommes liés par un contrat tout à la fois moral, social et politique. Dans ce cadre, il faut rappeler que tout ce qui, socialement, culturellement ou politiquement, ne s’oppose pas à un principe islamique édicté doit être considéré comme faisant partie de notre référence et de notre identité dans le pays où nous résidons : nous l’intégrons, de fait, au sens de notre Voie, de notre sharî’a en Occident. Par ailleurs, il est impératif de ne jamais oublier que nous sommes des êtres humains avant d’être des croyants : la foi et ses principes doivent orienter ce qui est humain en nous mais ils ne peuvent en aucune façon faire disparaître, étouffer ou nier notre humanité. Si un être humain sans foi se perd, une foi qui nierait les réalités très humaines de l’individu est vide, destructrice, voire meurtrière. Un être humain a des pensées, des sentiments, des besoins, des désirs, des attentes, des goûts, des habitudes, etc. : la foi et ses principes doivent leur donner sens, les orienter en réformant ce qui doit l’être pour rester dans la Voie mais jamais ils ne doivent les nier ou les tuer. C’est ce que certains musulmans comprennent très mal : ils aimeraient une communauté et une fraternité musulmanes basées sur une uniformité des règles qui serait sensé faire disparaître tout autre distinction : nous aurions une » fraternité de principes « , apparemment stimulante, mais humainement vide, superficielle, et verbalement très mécanique, voire jouée. Or, le secret de l’islam est ailleurs : il s’agit de vivre une fraternité du cœur qui s’appuie sur une confiance en Dieu et en ses prescriptions nous permettant d’accéder, sans crainte ni frilosité, à l’acceptation de la diversité des pensées, des goûts, des cultures et des habitudes dès lors que les règles générales sont respectées. L’islam est une Voie qui stimule spirituellement et positivement l’humain en moi mais qui jamais ne le nie : elle dit l’unicité du sens de l’être sans nier la diversité des façons d’être.
– Éduquer et instruire
Si nous avons compris ce qui précède, nous comprenons que l’ » éducation islamique » n’impose à aucun moment que je nie ce qu’il y a en moi d’instruction française, belge, anglaise, américaine, mauricienne ou suisse. C’est le contraire qui est vrai : en pédagogie, la bonne méthode consisterait à se demander quel type d’ » éducation islamique » il faut penser à partir, et en tenant compte, des systèmes scolaires et de la réalité quotidienne dans les sociétés occidentales. Non seulement l’éducation spirituelle, l’apprentissage des références et des principes doivent être réformés et adaptés à cet environnement, mais il est également nécessaire de considérer et de tirer profit de tous les acquis que l’on trouve dans l’encadrement éducatif en Europe par exemple. Il convient de penser des institutions et des réseaux complémentaires et non pas parallèles. Vouloir tout refaire est une folie qui mène irrémédiablement à un double échec : une éducation alternative bricolée et des jeunes en déphasage par rapport à leur quotidien. Sélectionner et compléter exigent une bonne connaissance des réalités du terrain, un partenariat effectif avec les acteurs en charge de l’instruction et de l’encadrement éducatif local (enseignants, animateurs, psychologues, etc.), une constante capacité de renouvellement et de créativité. Cela impose surtout une excellente gestion des ressources et des compétences humaines.
– Divertissements et loisirs
S’il est un domaine où nous peinons à promouvoir un projet alternatif, c’est bien celui des loisirs et des divertissements. A étudier les activités proposées ici et là nous constatons trois déficits majeurs : soit tout, ou presque, est » interdit » ; soit nous perpétuons les activités de » là-bas » pourtant inadaptées à notre réalité ; soit enfin nous proposons des activités le plus souvent enfantines, et parfois infantilisantes, sans considération pour l’âge de celles et de ceux à qui ces activités s’adressent. A prendre les adolescent(e)s pour de perpétuel(le)s enfants de huit ou dix ans, on finit par les pousser à aller chercher ailleurs la considération de leur âge et de leurs attentes. Il est nécessaire de distinguer les âges et les niveaux, de tenir compte des réalités respectives de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte, d’aborder l’univers du loisir par la sélection intelligente et le complément éthique, d’ancrer les êtres dans leur univers, de développer l’esprit critique et responsable, de penser des alternatives culturelles et artistiques valorisantes et stimulantes. Ici encore une connaissance de l’environnement est incontournable additionnée à la gestion de toutes les compétences disponibles.
– Mémoire
Savoir qui l’on est, c’est aussi savoir d’où l’on vient. En Occident, la mémoire s’est parfois choisi des origines bien sélectives, clairement sélectionnées. On le constate autant dans l’ordre de la mémoire longue que dans celui de l’histoire plus récente : si l’on insiste toujours pour affirmer les substrats gréco-romain et judéo-chrétien de la pensée occidentale, on continue encore à construire l’identité des populations en niant autant l’effet des colonisations que les conséquences réelles des immigrations qui, avec le temps, ont produit un nouveau type de citoyens occidentaux. Il est impératif de restituer la mémoire et de battre en brèche un certain nombre de » conclusions orientées » fondées sur des amnésies de nature idéologique. La mémoire de la civilisation islamique dans son ensemble, de son ancrage européen en Andalousie, des sources vives de la pensée en Afrique du Nord, des blessures de la colonisation, de l’infinie dignité des mémoires de l’exil… de tout cela, il faut parler, témoigner et débattre. Se rappeler, c’est se respecter et se faire respecter : des formations, des expositions, des conférences, des livres, des tables rondes, des voyages ne seront jamais de trop pour relever ce défi.
– Accompagnement
Nous avons un besoin prioritaire, et urgent, de structures d’accompagnement. Pour les jeunes, avec leurs multiples problèmes de personnalité et de comportement; pour les familles, où l’on trouve tellement de non-communication, de violence et parfois de la superstition ; pour nos sœurs et frères qui ne savent plus auprès de qui solliciter une écoute, un soutien, un éclaircissement. Les ressources humaines existent mais nous ne savons pas tirer parti des compétences qui se trouvent à l’intérieur de notre communauté comme chez certains de nos partenaires potentiels. Nous avons besoin de lieux d’accompagnement religieux, scolaire, social, psychologique, juridique, économique, etc. pour lesquels doivent être sollicités des spécialistes au fait des exigences de leur emploi respectif. Un imam ou une mosquée ne peuvent pas tout faire : il s’agit de développer une approche globale qui s’appuie sur des partenariats complémentaires et spécialisés. Sans cela, nous sommes condamnés à bricoler et bricoler encore… gravement, si l’on prend conscience que nous sacrifions au nom de nos négligences des êtres humains, des intelligences et des cœurs !
– Une éthique de la citoyenneté
Il ne s’agit pas aujourd’hui d’inviter les jeunes et les moins jeunes à répondre à la seule nécessité de réaliser leurs devoirs civiques. Dire » votez ! » ne veut rien dire. Tellement d’éléments doivent être pensés en amont ! Avant même de considérer l’histoire, le fonctionnement des institutions, les enjeux politiques… avant même tout cela (ce qui n’est pas rien), il faut enseigner, transmettre et insuffler ce que nous pourrions appeler » une éthique de la citoyenneté « . Celle-ci se fonde sur une spiritualité responsable, une conscience critique, un engagement à la réforme au nom de valeurs universelles et de la dignité humaine. L’éthique de la citoyenneté stimule la conscience d’être un acteur-témoin au cœur des sociétés, comme elle transforme chacun en acteur stimulateur de la conscience éthique de la collectivité. Elle intègre le sens de toutes les dignités au moment même où elle s’intègre en résistant aux dérives de l’indigne. Elle a pour mission de redonner sa noblesse à l’acte citoyen en s’inscrivant en rupture, et en résistance déterminée, par rapport aux pratiques politiciennes obscures.
La référence à l’islam est des plus exigeantes, elle interpelle nos cœurs, nos intelligences et nos engagements. Elle marie la pensée globale avec la compétence la plus spécialisée ; elle intègre le bien d’où qu’il vienne et résiste aux dérives éthiques quelle qu’en soit l’origine ; elle impose une mémoire résolument tournée vers l’avenir. En son nom doivent converger la méditation et l’action, le cœur qui prie et l’intelligence qui construit : c’est le sens profond du » chemin qui mène à la source « , ash-sharî’a, du sens de notre vie : » Nous sommes à Dieu et c’est à Lui que nous retournons « … Sur ce chemin, il faut se connaître et connaître autrui: » Nous vous avons constitué en nations et en tribus pour que vous vous entre-connaissiez » : connaître l’autre pour faire le choix du bien qu’a produit chaque civilisation et réformer… réformer encore, inlassablement réformer… avec sagesse et dignité. Avec exigence et humilité.
cher frère,
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’effort colossal que vous déployez dans votre désir d’apporter aux musulmans européens une connaissance éclairée de leur religion ainsi que dans votre travail laborieux pour la reconnaissance des musulmans sur le sol européen. je salue votre article qui, à mes yeux synthétise assez clairement l’ensemble de vos ouvrages (particulièrement « l’islam, l’occident et l’avenir de l’Islam »). L’ensemble des thèmes abordés méritent autant d’attention tant les enjeux qui en découlent sont importants. Cependant force est de constater qu’en matière de d’instruction (et non pas d’éducation) et de quête du savoir la notre communauté affiche un serieux déficit. Or il apparait que tous les domaines si ce n’est celui du culte sont directement liés voire assujétis à l’instruction, au savoir. Difficile en effet d’imaginer une culture islamique alternative digne de ce nom ou une culture islamique européenne sans faire appel à l’ensemble de la production humaine en matière de science et de littérature qui a façonné le continent européen. Or il n’existe, à ma connaissance aucune production islamique qui proposerait dans sa production des titres dont les auteurs bien que non musulmans développent une pensée allant dans le sens de l’éthique musulmane en matière d’histoire (histoire de la laïcité par exemple), de sociologie, de politique. En effet il me parait illusoire de penser une citoyenneté libre et éclairée sans que celle ci soit alimentée par un ensemble de savoirs universels… Je pense pour résumer qu’il est tant pour les musulmans de sortir de leur complexe les poussant à ne reconnaitre que les productions strictement islamiques (c’est à dire produites par des musulmans) pour se lancer dans la quête du savoir universel, chemin incontournable pour s’approcher du Très Haut. SAlam halikoum
Cher Monsieur,
Votre objectif de rendre nos enfants des citoyens européens responables est noble. En tant qu’enseignant et vivant dans un quartier populaire mon optimisme est mesuré.
La plupart de nos parents ne sont pas en mesure d’éduquer leurs enfants. Certains vivent encore le rêve du retour et investissent labà!
La majorité de nos jeunes sont parqués dans des écoles en « discrimination positive » et n’ont pas de projet intellectuel.
Les responsables politiques et surtout ceux issus de notre communauté sont préoccupés par leurs projets personnels.
Les responsables des mosquées et associations peaufinent leur bricolage. La plupart d’entre eux ignorent les fondement de l’Europe et leurs projets, souvent inspirés du pays d’origine, sont inadaptés aux jeunes européens.
Le cours d’arabe dipensé dans la majorité de nos institutions est le seul point positif pour nos enfants.
Quelques initiatives très timides tentent d’accompagner les plus jeunes à travers des activités sportives, ludiques, des excursions récréatives ou culturelles, des vraies écoles des devoirs…
Cher Monsieur, votre révolution intellectuelle est indispensable pour changer les mentalités.
Nous avons besoin de « réformateurs/moslihines » capables de cristalliser les dérapages des jeunes et les orienter dans le droit chemin. Et pour cela il faudrait aller vers eux, les ramener dans des lieux plus sereins comme leurs foyers familiaux. Certains « imams » critiquent l’oisivité des jeunes, mais je n’ai jamais entendu quelqu’un proposer une pédagogie réparative.
L’année scolaire reprend et Dieu sait que pratiquement rien de sérieux ne sera proposé à nos enfants ni sur le plan spirituel ni au niveau de l’aide scolaire ni un vrai accompagnement récréatif.
Par contre le retour des vacances relancera les querelles et les batailles pour les « présidences » de tel ou tel bâtiment…Sont-ils au courant du projet d’adoption d’enfants par les couples homosexuels. Ah oui ceci ce n’est pas pour nous!!!wa Allaho Aala wa Aalam.
Cher frére et soeur l’article de monsieur Tariq RAMADAN m’interpelle je pense que les musulmans d’Europe ne font pas assez de jihad sur eux méme et sur leurs résponsablités car notre prophète Muhammad nous a enseigné que tout musulman a une grande responsabilité sur son troupeau. De ce fait je pense que la communauté pourrait faire un éffort sur l’apprentissage du saint Coran ainsi que sur son code de conduite comme le dit (sourate az-zumar 9) « sont-ils égaux,ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? » seuls les doués d’intelligence se rappellent. Pour moi la première pierre se construit d’abord sur soit après avec les autres, c’est ça la clé de la réussite et inchallah si Dieu le veut l’islam d’Europe avancera à très grand pas, tout n’est pas encore au top mais ça viendra avec un peu de patience et persévérance.Assalam yalakoum
Assalam aleykoum wa rahmatoullah wa barakatou;
C’est avec un plaisir nouveau que je viens lire vos ecrits et je trouve comme d’habitude matière à reflexion.Vous parlez si bien des premières pierres et c’est un fait que l’on ne constate pas seulement en Europe mais meme en Afrique ou l’on a besoin de penser à nouveau l’education les divertissements et les outils que nous nous offrons en terme d’épanouissement et bien etre religieux.Il faut des efforts de part et d’autre cela s’entend ;refuser l’enfermement superstitieux les rancunes inutiles et construire ensemble s’il plait à Dieu des espaces ou nous pourrons cheminer.Les premières pierres;Bravo!!!
Assalam aleykoum wa rahamtoullah wa barakatou.Khadija.
Salam,
Je voudrais juste pointer du doight des notions évoquées dans votre texte:
humanité (principe que notre communauté oublie, ce qui nous pousse à tomber dans un Islam superficiel); loisirs (encore une fois, il s’agit d’un véritable malaise qui nous pousse à fuire la réalité: les besoins et attentes des jeunes en les infentilisant par des occupations « démodées »). Pourquoi vouloir coller une éthiquette « islamique » à tous nos intitulés (loisirs, associations, …)? Nous avons des principes, wal hamdoulillah, et soyons naturels dans les actions que nous menons. Ma communauté me semble si superficielle, elle manque de véracité, d’authenticité.
Wa Allahu Aalam..
salam aleykum
nous remarquons que ce que propose tariq ramadan est tres spirituelle tres logique et tres simple en verité je pense que c ‘est le bon cheminement a suivre d’un point de vue rationel et en accord avec nos valeurs Islamique
pour pouvoire evolué dans l’Europe
en verité les premiers responsable du freinage de l’Islam en europe c la plupart des musulans d’Europe
car en verité il n’y en pas beaucoup qui se bate reelement pour la bonne cause ,
nous avons tous des Objectifs divers
mais axé vers un égoisme considerable
sa prit 5 fois par jours sa porte la barbe mais sa s’arrette a une routine
excuser du mot « flémarde »
sa manque de rationalité , et sa croit tout savoire ( mais qu’est ce que vous avez vraiment fait pour la Oumma )
heureusement qu’il ya des gens comme le frere tarique .
la vie est un combat de tout les jours
sa s’arrette pas a la priere etc…
il faut se recadrer et trouver le meilleur cadre de vie en accord
avec notre belle religion en accord avec notre ame et trouver l’equilibre dont nous avons besoins .
merci beaucoup encore frere tariq pour ce beau combat que vous mener et je vous soutient
salam aleykum
Salam,
Les premières pierres d’une culture musicale nouvelle ont été posées et nous sommes à l’heure actuelle dans cette transition qui doit faire prendre conscience aux musulmans d’Europe que la musique doit être mise au service de textes qui parlent au coeur. C’est la spiritualité en mélodie qui va harmoniser notre foi avec les battements de notre coeur, comme des percussions qui répondent à des textes qui viennent éveiller notre responsabilité devant Dieu.
http://www.khalid-maktoub.com
Cher Tariq,
Permets à celui qui fut témoin de tes premières interrogations sur l’intégration de deux cultures de te souhaiter bonne chance dans ta route qui, à mes yeux et quoi qu’on en dise, va dans la bonne direction.
Bien cordialement
JM Bugnion
Aux administrateurs du site,
Assalamou alykoum wa Rahmatoullahi.
Je n’ai pu résister à la tentation de faire partager aux visiteurs du sites ces réflexions de Mr. Mohammed Talbi, qui selon moi abondent dans le sens du texte de Mr. Tariq Ramadan. J’ai essayé de résumer au mieux que j’ai pu. Le dernier mot vous revient quand à l’opportunité de publier ce message.
Respectueusement. Dr. KB.
– Remarques introductives
La notion de Oumma: Toute religion relève d’une conviction à la fois personnelle et communautaire, la communauté étant un groupe d’individus suivant la même voie au nom de la même conviction. Pour que la foi reste un choix personnel libre, elle doit procéder d’une conviction fruit de la réflexion, une conviction qui ne s’impose pas de façon automatique.
Quand la communauté n’est pas une communauté de conviction mais de conditionnement, l’autonomie du sujet peut être compromise : une telle communauté supprime alors l’individu, elle procède par un passage au laminoir qui fait que les gens obéissent à des règles ou à un chef. Ainsi, les intégristes ont des émirs. C’est alors la pire des communautés car l’individu devient un outil entre les mains d’un chef. Le fascisme illustre ce type de dérive.
La Umma est avant tout un concept coranique. Elle y est définie comme unique, indivisible, centrée sur la Seigneurie et le service de Dieu. La trame n’est ni raciale,ni culturelle, ni sociale, ni patriotique, ni politique, ni géographique. Sa trame est la prière continue, en rangs serrés orientés vers un centre unique, signe de notre unité spirituelle, la Kaaba érigée par Abraham.
– Éduquer et instruire
La tolérance :
Toute lecture est une interaction d’une opinion avec un texte. Or le texte est unique et les opinions variées,d’où la multiplicité des lectures, pas seulement pour les textes sacrés mais pour n’importe quel document. Cela nous conduit à évoquer le droit à la différence. Toutes les sectes anciennes, qui ont fait couler tant d’encre et de sang, et tous les mouvements modernes depuis le Wahhâbisme- qui s’est imposé en Arabie Saoudite par le sabre- et la Salifiyya jusqu’à l’islamisme militant ou les mouvements réformistes, ou même la laïcité, ne sont pas autre chose que les (des) lectures particulières du Coran et de la Sunna. Parmi ces lectures , et il faut le condamner avec force , certaines justifient l’agressivité inhérente à la nature humaine et lui confèrent une légitimité religieuse par le refus du pluralisme et du droit à la différence.
La solution consiste à dépasser la simple tolérance qui est le seuil minimal d’acceptation mutuelle si l’on veut vivre sous le même toit, pour s’élever jusqu’au respect réciproque fondé sur le droit d’autrui à la différence, en prenant en compte sa conviction à lui. Si la tolérance relève de la libéralité, de la générosité, de la bienveillance, le respect est un droit strict qui m’engage en justice. Autrui y a droit au même titre que moi, car je pourrais très bien être à sa place.
Une société ne peut être consciente s’il n’y a pas de débat en son sein. C’est pourquoi je veux rester ouvert aux autres tout en sentant de mon devoir de dire ce que je pense, pour qu’on puisse enfin sortir nos sociétés de cette situation conflictuelle qui fait que les gens se taisent ou se révoltent avec une bombe dans la main.
De nos jours, le musulman exerce la commanderie du bien, une prescription coranique, au moyen de sa carte d’électeur. Parmi les programmes qu’on lui propose, il choisit celui qui lui parait le plus proche de ses convictions. Rien ne l’empêche par ailleurs de faire le bien ni de militer pour le droit par la plume, la langue ou le bon exemple, et de rendre témoignage de la façon qui lui plait tout en respectant autrui. La liberté est la propriété de tous, sans distinction, et toute liberté s’arrête là ou commence celle d’autrui.
La vie en société requiert des concessions équitables et des ajustements permanents.
En tant qu’organisation de la société, la Chari’a n’a plus de pertinence. Mais elle n’a pas que cela. Elle est aussi une organisation éthique et spirituelle de la communauté musulmane et a, dans ce cas, un rôle à jouer pour cette communauté. Mais elle doit obéir à l’évolution. La Chari’a est la direction, le chemin qui mène à Dieu. Ce n’est pas une impasse.
Pour sortir de la crise juridico-sociale que vit le monde musulman, la voie unique pour y parvenir est la recherche, l’étude et le dialogue.
L’islam est universel et non ethnique.
L’occident a accédé à la modernité en assumant son histoire.
La modernité, c’est la force créatrice permanente, c’est l’énergie qui fait avancer vers quelque chose, c’est
l’esprit de conquête du savoir pour faire que l’homme soit chaque jour d’avantage
un homme. C’est la force de dépassement.
Nous devons participer à la construction d’une modernité aujourd’hui planétaire, puisque son placage a été un échec. Pour cela, il est vrai, il faudrait une totale liberté d’expression, une liberté de pensée sans tabous.