Quel humanisme pour l’islam ? (2/3)

 


Les qualités fondamentales de l’être humain


 


Après avoir dit cela, on peut discerner pour l’être humain trois qualités fondamentales que l’on retrouve affirmées chez tous les philosophes musulmans. Elles pourraient faire l’objet d’un débat que l’on peut mener – et qui a été mené – avec la tradition chrétienne (beaucoup moins avec la tradition juive qui est plus proche de la tradition musulmane sur ce point).


 


 


L’innocence de l’homme


 


 


Le premier état de l’homme, c’est son innocence. Dans la tradition musulmane, il n’y a pas de notion de péché originel. C’est un état d’innocence totale, à tel point que, même lors des luttes qui opposaient les polythéistes et les musulmans de son époque, dans un rêve, le Prophète Mohammed voit les enfants de ses adversaires au Paradis et se demande comment les enfants de ses persécuteurs peuvent aller au paradis. C’est que Dieu ne comptabilise pour chacun que ses propres actes. Les enfants ne paient pas pour leurs parents. Ils sont tous innocents et Dieu les considère comme tels.


 


Cela est très important pour la compréhension même de l’humanisme. Si on commence par l’innocence, on est dans un rapport à soi qui est un rapport de non-culpabilité première. On ne peut être coupable d’être et de réagir en tant qu’être humain, On ne peut être coupable de sentir en soi la colère, la violence ou la haine. En revanche, et c’est très important, on devient coupable si on les laisse se développer en soi,, si on en perd la maîtrise et si on se soumet à ce qui s’exprimera du fait de cette perte de maîtrise. Il y a une dimension naturelle : ma colère est naturelle, mais me laisser aller à la colère peut être de l’orgueil ; au contraire, maîtriser ma colère peut être l’humilité suprême. Donc un état d’innocence première, important dans la tradition musulmane, et sur lequel se greffe une deuxième notion, qui découle de tout ce que l’on vient de dire.


 


 


La responsabilité de l’homme


 


 


Tout de suite après l’innocence il y a la responsabilité. Un être responsable dans les faits, responsable en particulier de son innocence ; c’est le plus grand défi pour un être humain.


 


Il semblerait que l’on soit proche ici des positions de J.-P. Sartre, exprimées par lui dans L’Etre et le Néant et résumées – peut-être mal résumées – dans sa conférence de 1946 L’existentialisme est un humanisme. Nous sommes condamnés à être libres, dit J.P. Sartre, et cette dimension de liberté absolue nous donne une responsabilité qui est première. Or dans la tradition musulmane, il y a bien l’idée d’une responsabilité première de l’homme. Mais, pour l’Islam, il y a d’abord cette dimension originelle de la Transcendance, sur laquelle on vient d’insister longuement, et c’est sur elle que se fonde la responsabilité première de l’homme.


 


 


L’humilité de l’homme – Entre Dieu et l’homme, un double rapport d’exigence et de confiance


 


 


A la responsabilité s’ajoute un élément très important, également constitutif de l’homme du fait de cette « étincelle » qui précède la raison : nous voulons parler de l’humilité. C’est une notion un peu difficile qu’en Occident on placerait volontiers dans la mystique ou la spiritualité. Dans la tradition musulmane, c’est une notion fondamentale.


 


Quand l’innocence croise le chemin de la responsabilité, ce qui est demandé devant Dieu, au nom de l’innocence que Dieu offre et au nom de la responsabilité qu’Il demande, c’est l’humilité. Etre humble, c’est donc à la fois reconnaître que Dieu est, reconnaître ce qu’Il est, et en même temps savoir ce que l’on peut faire au nom de ce qu’Il est. D’où, entre Dieu et l’homme, un double rapport d’exigence et de confiance.


 


Dieu a confiance en l’homme, Il ne se méfie pas de l’homme. Mais en revanche il lui demande de se méfier de lui-même. Le rapport de confiance réciproque est total. Ce qui est inversé, c’est que l’homme doit avoir complètement confiance en Dieu mais qu’il doit savoir que les hommes, lui-même comme les autres, sont capables de tout. Il n’y a, par conséquent, dans la tradition musulmane, aucune pensée prométhéenne, au sens d’une attitude de révolte vis-à-vis de Dieu. On ne se plaint pas de celui en qui on a confiance. Par contre se plaindre de soi, se plaindre des êtres humains, être révolté contre ce que l’homme peut faire peut être légitime. Mais jamais on ne se révolte contre ce que Dieu exige.


 


Faisons un instant allusion à des événements survenus en Belgique, qui avaient choqué certains musulmans. Il s’agit de l’affaire Dutroux et de la « marche blanche« . Parmi les jeunes filles victimes il y avait une musulmane. Des musulmans avaient donc participé à cette marche. A un moment donné, le prêtre qui officie se tourne vers Dieu et le questionne. Dans la tradition chrétienne cela est pleinement compris ; c’est un acte de profonde piété. Mais les musulmans s’interrogeaient : comment peut-il parler à Dieu comme cela ? comment questionner Dieu ? Il y avait là une relation au Divin qui n’existe pas pour les musulmans. On ne questionne jamais Dieu sur ce qui s’est passé. On ne peut que se questionner soi-même sur ce que l’on aurait dû faire pour que cela ne se passe pas.


 


Dans la tradition musulmane cette attitude va revêtir deux aspects importants. Pour tout ce qui concerne le rapport à Dieu – ce que dans la tradition chrétienne on appelle le culte – c’est Dieu qui règle le culte, de façon extrêmement précise. Dans le culte, on n’intervient pas avec sa raison : les musulmans prient selon des textes très précis. Il n’y a pas, dans ce rapport à Dieu, le moindre choix possible. Les prescriptions relatives aux cinq prières par jour définissent une gestuelle très précise. Cela ne veut pas dire qu’entre les prières, on ne soit pas libre d’avoir un rapport à Dieu d’une autre sorte, un rapport de dialogue. Mais ici il s’agit de la prescription du culte. Dans la tradition musulmane, le culte est minutieusement réglé.


 


Par contre la vie en général, les affaires sociales, les comportements et les pratiques sont seulement orientés. On règle et on précise tout ce qui est de l’ordre du rapport à Dieu ; on oriente tout ce qui concerne le rapport entre les hommes. Par orientation il faut entendre un horizon éthique : il y a des limites. Dieu a confiance en vous, vous êtes libres d’aller dans tel ou tel sens, mais on ne fait pas n’importe quoi avec ses propres connaissances.


 


On comprend ainsi que, dans la tradition musulmane, il y a une double posture de l’humain. Par rapport au Transcendant, une exigence, une rigueur, une discipline personnelle face au divin : les cinq prières par jour, le jeûne, le pèlerinage, le fait de donner une taxe sociale purificatrice, en somme les « Cinq Piliers de l’Islam » sont prescrits dans toutes les communautés, dans toute l’histoire de la philosophie musulmane et ne se discutent pas. Le rapport à Dieu est du domaine du réglementé et donc de l’exigence.


 


A l’inverse, dans le rapport à l’homme, tout ce que l’on trouve dans les traditions et qui répond à l’innocence, à la responsabilité et à l’humilité, sont des orientations éthiques, des grands principes. Libérons la raison, mais posons des limites ; libérons l’autonomie rationnelle, mais prenons garde. Une autonomie rationnelle qui ne se référerait plus qu’à ses propres règles peut mener à l’excès, à l’orgueil, à un humanisme tendant vers le totalitarisme, en prenant l’homme comme centre de tout et finalité de toutes choses, ce qui peut être d’un danger extrême (pensons aux questions qui nous sont posées par les sciences aujourd’hui).


 


Donc autonomie de la raison quant à ses méthodes et ses pratiques(2) ; on a confiance dans cette faculté humaine. Mais toujours avec un souci venant de al-Fitra, cet horizon originel, qui met en évidence les limites et les principes éthiques. En définitive, une autonomie de la raison qui ne dise pas l’orgueil mais qui exprime l’humilité : tout est là. La raison peut-être l’expression du plus vivant orgueil mais peut être aussi, quand elle est nourrie par une lumière, l’expression d’un rapport très humble à l’Univers. Jamais, sauf quelques rares cas très contemporains, il n’y a eu de philosophe musulman qui ait séparé le savoir de l’éthique. Chez tous, à l’instar d’Averroès et d’Avicenne, ce souci d’unité est fondamental. Même quand ils parlent du rationnel et qu’ils veulent marier l’horizon religieux et l’horizon philosophique, ils n’oublient jamais cette double dimension d’une rationalité et d’une éthique.


 


Quel homme, donc, pour la pensée musulmane ? un homme avec une innocence, une responsabilité, une humilité ; un homme qui, dans son lien avec Dieu, se soumet à l’exigence d’une pratique cultuelle rigoureuse ; et qui, dans son rapport avec les autres hommes, dans sa pratique sociale, dans son rapport aux sciences, à l’organisation sociale et économique et à l’émergence d’une culture, peut être objet de confiance et jouit de sa liberté dans le cadre de principes qui orientent. Ces principes n’enferment pas, ils donnent des horizons essentiels, des horizons de respect de la dignité humaine, de respect des équilibres et de respect d’une certaine morale.


 


 


 


 


 


 


 


(2) On sait d’ailleurs que dans la tradition musulmane, et si l’on en revient au Moyen-Age, il y avait, en matière de mathématiques et de sciences expérimentales, des avancées considérables que connaît bien l’histoire des sciences et dont la transmission à l’Europe fut pour cette dernière quelque chose d’extrêmement important.


 


    

            

10 تعليقات

  1. Félicitations pour ce texte simple et plein d’enseignements.
    Quel humanisme pour l’Islam? Quel être humain comprend et concentre toutes ces qualités innées et sociales sus-citées? Le Prophète (saw) bien sûr, les sahabas ensuite et les tabi’hins enfin dans la voie de la justesse, de la justice, de la Vérité.
    Des qualités exceptionnelles de droiture, un savant mélange de raison et de sentiment sous l’hégide de la foi, une foi donnant cette clairvoyance, enfantant un comportement parfaitement…Droit tout comme la voie ouverte par Le Livre Ultime (le Co’ran).

  2. je ne sais pas comment vous remercier des réflexions que vous suscitez en moi !! M.tarik Ramadan vous etes une lumiere pour moi ! une lumiere qui m’éclaire dans ma marche vers allah !! dans la tolérance et l’amour de son prochain !! merci pour tout !! Avec pierre bourdieu vous m’apportez enormément !! notre place se trouve dans les millieux altermondialistes !!! N’en déplaise… à qui vous savez !!!

    salam

  3. Salam,

    [p 115 –> p120]: Reflexions sur le Coran Mohammed Talbi Maurice Bucaille. Ed Seghers, Paris 1989

    Niveau ontologique: l’homme projet en Dieu


    Alors, pourquoi l’homme? Pourquoi cet être antithétique, créé de boue et habité par l’Esprit? Un être qui porte le monde, plus qu’il n’est porté par le monde.

    Le Coran a une réponse à cette question qui perce le coeur de l’Etre. La voici:

    إِنَّا عَرَضْنَا الْأَمَانَةَ عَلَى السَّمَاوَاتِ وَالْأَرْضِ وَالْجِبَالِ

    فَأَبَيْنَ أَن يَحْمِلْنَهَا وَأَشْفَقْنَ مِنْهَا

    وَحَمَلَهَا الْإِنسَانُ إِنَّهُ كَانَ ظَلُومًا جَهُولًا

    « Nous avons proposé /al-Amâna// /aux Cieux, à la Terre et aux
    Montagnes. Ils refusèrent de la porter et en furent épouvantés. L’homme,
    par contre, accepta de la porter /(wa hamalahâ al-insânu). /Or combien
    l’homme est, par nature, porté à l’injustice et à l’ignorance! »
    /(Innahu kâna zalûman //jahûlann//, /XXXIII, 72).

    Ce verset, centré sur /al-Amâ na /- disons provisoirement- Le dépôt
    -, est incontestablement l’un des plus mystérieux sinon, le plus
    mystérieux
    du Coran. Il est généralement très mal traduit, avec
    quelquefois un contresens qui en dénature la signification et la portée.
    /L’Amâna, /pivot du verset, a aussi particulièrement intrigué les commentateurs qui, n’en saisissant pas clairement le sens, n’en donnent pas moins de vingt interprétations différentes, Autant dire qu’ils n’en donnent aucune. En tout cas aucun consensus.

    De quoi s’agit-il? Il nous faut d’abord rappeler que l’arabe , comme toutes les langues du champ sémitique, est une langue à racine. Les noms et les concepts qui dérivent d’une même racine mère ont entre eux des liens de parenté qui leur donnent un air de famille, une certaine coloration commune particulière qu’il ne faut jamais oublier en méditant leur sens. Ils communiquent. On ne peut jamais traduire intégralement un mot arabe, car toute traduction supprime les réseaux de communication qui lient entre eux les mots d’une même racine. Toute traduction est dès lors un appauvrissement et une distorsion. Ainsi /Amâna// /dérive
    cine /a.m.n.// /qui véhicule l’idée prégnante de sécurité et de confiance. Cette racine nous a donné en particulier:âmin, c’est-à-dire /amen, /terme commun aux liturgies juive, chrétienne et musulmane;/amn// /(sécurité); /amân// /(état de calme et d’apaisement); /amîn///(loyal, fidèle, digne de confiance, d’où l’expression coranique /ar-Rûh al-Amîn, / «l’Esprit Fidèle » *(XXVI, *193) qui joue un rôle d’intermédiaire sûr et de confiance entre le Créateur et ses Messagers); âmana (S’ouvrir à la foi); Îmân (foi); mu’min(habité par la foi, Croyant); ammana (mettre un dépôt précieux en sécurité, le Confier à un amîn dire âmin, = amen) ; ta’mîn (mise en sécurité, contracter une assurance). Pour saisir dans toute sa Plénitude le sens de l’Amâna, que l’homme se proposa de porter, il nous faut avoir présent à l’esprit en même temps tout ce réseau de communications sémantiques.

    Compte tenu de ce réseau, l’ Ấmana se présente à nous comme un dépôt précieux – Le Dépôt -, un dépôt peut- être unique (le terme, rappelons-le intervient une seule fois dans le Coran), un dépôt qui ne peut être confié qu’à un amîn sûr. II nécessite de la part du Déposant, et du dépositaire la confiance réciproque et des garanties de sécurité . Il comporte en effet un risque. Il exige donc du dépositaire, avec la loyauté et la fidélité, l’adhésion responsable, libre et volontaire. L’Amâna est Une Responsabilité suprême, et un Acte de Foi mutuel.

    Dans l’unique verset qui relate « l’événement », on voit Dieu proposer (‘arada) – notons bien proposer, et non pas confier ou encore moins imposer l’Amâna aux Cieux, à la Terre et aux Montagnes, qui tous la repoussent avec horreur et frayeur. L’homme, auquel on ne demandait rien, car il était apparemment jugé dérisoirement fragile eu égard aux Puissances qui étaient sollicitées et qui s’étaient récusées, se proposa de lui-même et accepta de la porter. En fin de verset, l’homme qui venait ainsi de donner son accord pour porter l’Amâna est qualifié de za1ûm et de jahûl. Le premier terme dérive de la racine z.l.m. qui véhicule une idée d’obscurité, d’opacité, de désordre et d’injustice parce que l’injustice ne peut être qu’une obscurité et une opacité empêchant la lumière de passer, et aboutissant ainsi au désordre. Le second terme dérive de la racine j.h.l. qui connote les idées de sottise, de rudesse, d’irascibilité de violence, de brutalité, d’orgueil excessif de présomption et d’impertinence. Et tout cela aboutit à l’ignorance et y culmine. Il s’agit, dans les deux cas, d’un participe actif à la forme intensive, ce qui implique une activité poussée à l’excès .

    Il est clair que nous sommes sur le plan ontologique. La création tout entière, y compris l’homme, était encore une virtualité: un Plan. Dieu avait une Amâna, quelque chose de précieux – apparemment pivot de tout l’édifice qui allait être impulsé par tout l’Acte Créateur – à confier en toute sécurité et confiance. Une sorte de mission périlleuse -en langage de science-fiction « une mission impossible» – dont dépend le succès du Plan. Aussi l’offre de porter l’Amana doit-elle être acceptée en toute liberté. Porter l’Amana, implique et nécessite la liberté. Dieu formule donc sa proposition, une proposition sans contrainte. Les Cieux – entendons les forces spirituelles – comme la Terre – c’est- à-dire les forces matérielles – avec ses Montagnes qui symbolisent la stabilité, la solidité et la puissance physique, refusent, et Dieu s’abstient de les contraindre. Il respecte leur refus.

    Coup de théâtre, stylistiquement marqué dans le Verset par la particule wa qui nous fait passer à un registre inattendu, en antithèse avec ce qui précède : l’homme s’offre de lui-même pour porter l’Amâna. Puis de nouveau un hiatus, un silence également stylistiquement marqué par le changement de ton et une certaine rupture du discours . L’expression qui suit se situe en discontinuité avec ce qui précède – et non, comme certains traducteurs ont compris, en rapport de causalité, ce qui donne un sens absurde au verset -; et l’attaque avec la particule inna pour l’introduire donne à l’énoncé un caractère solennel : l’homme, qui venait de s’offrir pour porter l’Amâna, est qualifié d’injuste (zalûm) et d’ignorant (jahûl).

    Apparemment en effet l’homme, qui n’était encore qu’une entité en puissance, en potentialité et en virtualité, un être hybride mi-matière mi-esprit, est la créature la plus fragile de toute la création. Qu’il se porte preneur de ce que les Cieux, la Terre et les Montagnes avaient refusé, quelle impertinence (c’est l’un des sens véhiculés par la racine j.h.l)? Il faut une bonne dose de suffisance, de légèreté, d’inconséquence et de témérité, ou d’ignorance (jahûl) des périls, pour s’engager dans une telle aventure. L’auxiliaire kâna qui introduit les deux participes actifs à la forme intensive, zalûm et jahûl, n’exprime pas ici le passé, comme c’est généralement le cas, mais nous situe plutôt,- comme cela arrive souvent dans des expressions coraniques telle wa kâna Allâhu ‘alîman hakîman (Dieu est Omniscient et Sage) – dans une durée a-temporelle, le a-temps du niveau ontologique qui est celui de tout le verset. L’expression Inna-hu kâna zalûman jahûlan se situe en relation de rupture et de contraste avec ce qui précède, d’où notre traduction.

    L’homme avait en somme surestimé ses forces et, faisant preuve de présomption excessive, avait cru qu’il pouvait porter l’Amâna. Ce faisant, il n’avait pas mesuré assez – par ignorance, ou par fougue et impétuosité? (les deux sens cohabitent dans jahûl) – le risque qu’il encourait, et de quelle injustice il allait se rendre coupable envers lui-même et ses semblables. Tout cela en raison de sa nature même qui le situe à mi-chemin entre l’esprit pur et la matière brute. On sait que l’homme a trébuché sous le fardeau dès les origines.

    De toute évidence l’Amâna désigne une sorte de Dépôt- Clef de Voûte dans l’ordre de la création, quelque chose comme une Mission décisive et grandiose, mais périlleuse et effrayante, dont l’homme avait accepté librement de s’acquitter avec courage et enthousiasme, tout en présumant cependant trop de ses forces. Le Coran ne nous en dévoile pas clairement et dans le détail la nature, le contenu et le but. Elle est le secret bien gardé de Dieu auquel fait allusion le «Je sais ce que vous ne savez pas» (II, 30) que le Seigneur avait donné pour toute réponse aux Anges scandalisés par la création de l’homme, un homme que le Créateur, contrairement à toute attente, avait investi de sa confiance.

    Procédons d’abord par élimination. Al-Amâna est-elle, comme on a souvent pensé, le dépôt de la foi? Si oui, pourquoi donc les Cieux, avec les Anges qui chantaient sans relâche et sans défaillance la gloire de Dieu, l’avaient- ils refusée, et s’en étaient effrayés? Ils ne manquaient pourtant pas de foi! Certes, al-Amâna implique nécessairement et suppose la foi – rappelons qu’elle dérive de la même racine qui nous a donné îmân (foi) – mais elle pas pour autant réductible à la foi. Elle est quelque chose de plus. Serait-elle le dépôt de la liberté, donc de responsabilité engageante et consciente? Oui, en ce sens que tout dépôt doit être librement accepté, et de toul évidence il engage, et en toute conscience il responsabilise. […]L’Amâna suppose la liberté, mais elle n’est pas réductible à la liberté. Qu’est- ce donc?

    L’homme se présente à nous comme le vecteur d’un Projet grandiose et périlleux que ni les Cieux, ni la Terre, ni les Montagnes ne pouvaient faire aboutir. Pourquoi l’homme? Parce qu’il est un Etre Médiatique, joignant en lui la Matière et l’Esprit. Porteur, par le souffle du Rûh et par le Mîthâq, de l’Absolu de Dieu – auquel il est indissolublement lié, à travers son «oui» ontologique, par un engagement transcendantal de fidélité et de témoignage – il a apparemment reçu comme Amâna, comme DépôtClef de Voûte de toute la Création, dont il est comme le levain, la mission de féconder l’Univers. Cette mission, qui s’explicite et se concrétise chaque jour davantage sous nos yeux à mesure que se développe, à travers toutes sortes de nuisances, le Plan de Dieu, est sa vocation primordiale, et le sens ultime de sa création. Tout se passe comme si l’homme avait reçu une préparation adéquate et très minutieuse, jusqu’au moindre détail, pour le disposer à réussir sa mission médiatique. Il était passé par toutes les phases de l’existence minérale, végétale et animale, et en avait fait l’expérience. Matière, il l’est pleinement. Il porte même beaucoup de boue en lui, Esprit, Dieu l’avait privilégié jusqu’à partager avec lui quelque chose de son propre Souffle (Rûh). Dans les plus ténébreuses ténèbres il en garde toujours la lumineuse étincelle. Enfin descendu, du niveau ontologique, sur Terre, Dieu demeure plus proche de lui que sa «veine jugulaire» (L, 16). Pour s’acquitter de l’Amâna, il n’est pas abandonné, au milieu des périls, à lui-même, à ses infirmités et à sa faiblesse. Dieu l’assiste de la guidance (hudâ) de Son Amour. Dieu aime ceux qui l’aiment (III, 31), et Il est «envers les hommes affectueux et miséricordieux » (II, 143; et XXII, 65).

    ***********

    Je m’excuse de la longueur du texte extrait, L’Amana est bien pénible à porter!
    K

  4. .

    Cher Monsieur Ramadan,

    .

    Qu’il est agréable de faire route avec vous.

    Vous êtes ma boussole.

    .

    OLLAG

    .

    .

    LA CONFIANCE

    .

    La confiance est le cadeau suprême que votre être

    peut offrir à un être, quel qu’il soit.

    Et elle est surtout la porte de sortie

    des systèmes qui vous emprisonnent.

    Lorsque vous la déposez à vos pieds,

    elle est la première marche vers vous même

    et tel un joyau inaccessible il vous faut tous,

    à un moment ou à un autre, travailler pour vous l’offrir.

    .

    .

    LA COLÈRE

    .

    La colère vous coûte une énergie folle, mais elle est nécessaire

    pour vous permettre de prendre conscience

    que quelque chose en vous n’est pas aligné avec la force de vie.

    Elle est comme un signal d’alarme et il faut l’utiliser comme tel.

    Il vous faut rapidement la reconnaître pour la stopper en vous,

    pour stopper surtout ses effets dévastateurs.

    Si vous lui laissez libre cours, elle vous anéantira sans pitié.

    Si vous la respectez pour ce qu’elle est,

    elle vous permettra d’avancer en bonds extraordinaires

    vers l’unité à vous-mêmes.

    .

    .

    LA DISCIPLINE

    .

    La discipline est pour vous l’abandon aux lois

    qui vous empêchent des débordements sur autrui,

    trop éloignés de votre nature profonde.

    Sans elle vous risqueriez de ne plus connaître

    de mesure dans vos démesures.

    Alors tant que vous ne vous sentez pas guidés par l’amour,

    il est nécessaire d’y avoir recours.

    .

    .

    L’HUMILITÉ

    .

    L’humilité est l’ultime sagesse de l’être confronté à lui même.

    Elle devient source de joie

    lorsque vous avez cessé d’écraser votre prochain

    par la supériorité imaginaire de vos pensées.

    Elle devient partage

    lorsque vous voyez votre propre reflet dans ses yeux,

    lorsque votre être démuni touche aux limites de la compassion

    et lorsqu’enfin votre coeur a compris qu’il était don.

    .

    .

    LA LIBERTÉ

    .

    La liberté c’est l’envol de votre âme

    lorsque vous avez compris le pourquoi de sa nature même.

    C’est lorsqu’enfin, après avoir quitté la cage de vos principes

    et de vos systèmes, vous lui offrez ce pour quoi elle existe,

    l’amour.

    .

    .

    LES LIMITES

    .

    Les limites sont pour vous les frontières nécessaires

    que vous devez accorder à vos êtres,

    Puisque précisément elles vous permettront

    l’échange en toute sérénité

    Et le premier pas vers l’échange consiste à les accepter pleinement.

    .

    .

    L’ORGUEIL

    .

    L’orgueil c’est la parure du pauvre.

    C’est la vertu déguisée de celui qui n’a pas compris

    que vous n’étiez qu’un.

    C’est en somme la détresse de la brebis égarée.

    Alors si vous croisez un orgueilleux,

    n’hésitez pas à lui tendre la main, à le ramener sur le chemin,

    car le sien est pavé de solitude.

    .

    .

    LA RESPONSABILITÉ

    .

    La responsabilité est pour vous la reconnaissance à vous même,

    puisque tout acte, toute décision,

    tout mouvement que vous donnez dans la matière

    ne peut vraiment vous porter en avant

    que dans la mesure où vous en acceptez la responsabilité.

    Sous ce mot se cache le fait que vous les revendiquez

    et de ce fait ils deviennent vôtres à part entière

    et vous permettent de grandir, quels qu’ils soient.

    .

    Sylviane Schaulin

    .

    • salam
      tu as fait de tres belles ecrits je t’encourage à partager tes idées avec tes freres et soeurs, ce que tu as dit sur la Liberté m’a personnellement marqué. Bonne continuation.
      Salam

  5. L’innocence, la responsabilité et l’humilité sont trois qualités rares chez les musulmans. Un intellectuel suisse souligne que les musulmans constituent un obstacle entre l’Islam et le reste de l’humanité. En occident, beaucoup de gens analysent le spectre du musulman pour découvrir l’Islam. Le résultat est un mélange de mépris, de haine…Aujourd’hui, nous n’avons aucun exemple d’école à donner à l’autre pour nous identifier. Au niveau des états, des gouvernements…il vaut mieux ne pas présenter ces copies. Seuls quelques individus peuvent être présentés comme des vrais musulmans (Dieu connaît leur intention). Notre relation à Dieu est saisonnière. Notre comportement avec les musulmans est entaché d’hypocrisie. Notre attitude avec les non musulmans laisse à désirer.
    L’acquisition des qualités que Monsieur Ramadan cite dans ce texte exige une bonne éducation dès le bas âge.

  6. Assalamou alaycoum.

    votre pensée est bien authentique(فكرك أصيل).
    Vous savez bien ce que veut dire un musulman et ce qu’il doit ètre.
    La plupart de nous passe sa vie sans mème pas savoire sa sens…

    On a besoin de vous et de chaque intellectuel sincère exactement comme on a besoin d’un medecin ou peut ètre plus..
    Vous voyez claire les choses grace au lumière que Dieu la met en votre coeur,et vous voulez qu’on voit claire comme vous.

    Qu’Allah vous garde pour nous et pour toute l’humanité.

  7. Salam,l’éclairage des qualités cité ic sont essentiellles,mais encore une fois elle s’incrive dans une reéaction au discours philosophique occidental,et donc ne disent pas complétement la conception de l’islam sur ce thème,mais plus important,cela ne donne pas des orientations clair pour chacun dans la réforme de sa personne.Il aurait été très utile concernant les qualités,ou plus précisement la façon dont l’tere humain est présenter en islam,d’insister sur la notion du façonnement du nafs cité dans sourate ach chams,sur al foujara,at taqwa pui sur at tazkya directement lier à la fitra.Cela surtout de la part de Tariq Ramadan(peut etre écrira-t-il rapidement, insha Allah, un commentaire de zouz an naba et de sourate al moulk,cela étant un e priorité aujourd’hui pour la communauté et mème pour l’humanité,tellement ces sourates possèdes des fondements centrale de l’islam ainsi une nouvelle lecture de celles-ci pour notre époques est indispensable),qui sur ce sujet à un discours qui est au centre des interrogations des gens,sur la question du naturel(bon ou mauvais)qui vient en l’etre,ce qui permet de discerner le bon du mauvais(le coeur qui reconnait,la révélation qui guide) et ce qui permet,orientent les volontés vers le bon choix(la fitra:aller vers le très haut),c’est une donnée essentielle aujourd’hui et qui dit après la fitra et avant la révélation ,la compréhension du lien entre les deux,et permet les répères(al houda) et l’action (at taqwa)nécessaire au rapprochement(wa qoutarib).On aurait aimé aussi un mot sur la psychanalyse à travers l’éclairage de la fitra,du façonnement du nafs,et de la révélation,Alahou Alam,Salam

  8. salam, pourquoi, dans le texte, le laisser aller à la colère, est définit, par l’acte morale, et non premièrement par l’état de conception, en d’autres terme, que dit le laisser aller à la colère, dans lordre de la conception de l’etre, dans la nation de vérité,avant d’etre considérer, dans l’ordre de la morale.
    l’aspect morale de l’acte est-il en islam lier par essence à la conception de l’etre, ou l’islam bien que diant ce lien normal, mentione t-il les deux de façon distinct,mème si il y a un lien.
    A quand la suite, sur l’humanisme, après ces trois articles

    Allahou Alam

    salam

  9. Salam

    cette notion d’humilité est revenue en moi, elle m’as posée des question, vous dites:
    C’est une notion un peu difficile qu’en Occident on placerait volontiers dans la mystique ou la spiritualité. Dans la tradition musulmane, c’est une notion fondamentale.

    pouvez vous expliquer cela, une ntion un peu difficile en occident, qu’est ce que cette humilité, qu’elle place dans la nature de l’etre humain, quel fruit pour la nourriture des coeurs et la liberté face à la création.
    Un profond merci, pour tout cce que vous faites, et transmetter comme soufle et savoir, outils et méthode.
    qu »allah nous fasse etre par ses qualités et qui nous protège du doute de ses qualités.
    qu’Il nous prtège de la disparition de ses bienfaits

    Salam

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