La relation de l’autorité religieuse et de l’Etat dans une démocratie

Le cas musulman

    


Dans son article traitant de la même question dans l’univers de référence chrétien, Gustavo de Aristegui relève à juste titre qu’il est difficile de traiter de la question sans tenir compte, d’abord, de la dimension historique des relations  de l’Eglise et de l’Etat en Occident et, ensuite de la diversité des modèles qui ont vu le jour au nom de la même référence chrétienne, voire même catholique (en Europe, comme aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud).

 

 

Ces mêmes précautions méthodologiques sont nécessaires quand on essaie de comprendre la nature des relations effectives, ou possibles, entre l’autorité religieuse musulmane (que l’on se gardera d’appeler « Eglise »[1]) et le pouvoir politique proprement dit. Une étude historique s’impose pour mieux comprendre les évolutions de la pensée musulmane en la matière et surtout la diversité des approches proposées par des savants musulmans (ulémas), des penseurs ou des acteurs de la vie politique. Une telle étude – forcément longue et exhaustive -n’est pourtant point adaptée au présent article dont l’objectif est essentiellement de poser un cadre possible de relation, pour aujourd’hui et pour l’avenir,  entre l’autorité religieuse et l’Etat dans une démocratie régulant une société majoritairement musulmane.

 

 

Entrer dans ce débat nécessite que nous mettions en évidence deux phénomènes qui sont implicitement omniprésents dans le débat contemporain : le premier est de l’ordre du malentendu historique, le second relève de la réduction scientifique quant aux références islamiques elles-mêmes. Un individu vivant en Occident ne comprendra rien aux débats sur la sécularisation, la séparation du religieux et du politique, dans les pays musulmans s’il ne les replace pas dans le contexte historique des cent dernières années. Dans les sociétés majoritairement musulmanes, la sécularisation ou la laïcité sont arrivés d’abord avec les colonisations et se sont imposées avec les indépendances. La colonisation est perçue comme une période sombre, de déni de soi, d’aliénation, où les colonisateurs ont essayé d’imposer leur ordre et leur idéologie, où les résistants musulmans et les savants ont été emprisonnés ou tué et où l’islam –  et en particulier l’autorité religieuse – était combattu ou instrumentalisé. La laïcité qui a accompagné l’entreprise coloniale ne résonne pas du tout dans la psyché comme un processus de libération et de paix sociale : contrairement à ce qu’elle a permis en Europe ou en Amérique (la liberté religieuse et le pluralisme), la laïcité est associée à son exact opposé dans l’histoire des sociétés musulmanes contemporaines (l’oppression et l’aliénation). Ce phénomène sera encore amplifié après les indépendances : tous les régimes qui se diront sécularisés et laïques suivront l’exemple de Kamal Atatürk imposant la laïcité à coups de décrets, d’emprisonnement et d’exécution. Ceux qui prôneront la laïcité seront dans les faits des régimes dictatoriaux, de Nasser en Egypte au parti Baas avec Hafez al-Assad en Syrie ou Saddam Hussein en Irak. Rien donc ne permet d’associer la sécularisation et la laïcité à plus de liberté, au respect de la pluralité religieuse et à la démocratie : les histoires sont différentes, les représentations tout à fait opposées.

 

 

Le deuxième phénomène dont nous parlions tient à une interprétation des enseignements islamiques qui tend à simplifier et à réduire ces derniers et à affirmer que l’islam, par essence, n’établit aucune différence entre la sphère du religieux et celle du politique. Cette formulation s’est peu à peu imposée tant parmi les orientalistes que les musulmans eux-mêmes alors qu’elle est tout à fait discutable. Cette réduction scientifique est à la base de nombreuses incompréhensions qu’il faut absolument aborder. Il est impossible d’en étudier ici l’ensemble des causes et des conséquences, mais nous pouvons nous en tenir à rappeler que dès l’origine on a établi dans les sciences du droit et de la jurisprudence (fiqh) une distinction entre les méthodologies appliquées aux domaines du credo et de la pratique (pour lesquels les textes sont l’unique référence) et celles appliquées aux affaires sociales pour lesquels les textes ne fixent que les orientations générales (le cadre éthique) mais au sein desquels la rationalité individuelle et collective, la créativité intellectuelle et les contextes sociaux, politiques, culturels et économiques sont intégrés et partie prenante de l’élaboration juridique. Dans l’ordre du droit musulman, il existe dès l’origine une distinction entre l’ordre de la dogmatique qui s’impose et l’espace de la rationalité collective, qui débat, négocie et cherche le meilleur modèle d’organisation sociale et politique pour son temps.

 

 

L’histoire des sociétés musulmanes témoigne de cette réalité et de la multitude des approches. Si certains courants littéralistes[2] ont confondus, et confondent encore les deux sphères (du culte et du social quant aux méthodologies), la tradition classique des écoles de droit a établi et respecté cette distinction. Sous l’empire omeyyade comme abbasside, la plupart des ulémas participaient à des conseils qui n’étaient pas intégrés à l’exécutif, certains ont clairement joué un rôle de critiques et de contre-pouvoir et si souvent la religion a pu être instrumentalisé sur le plan politique, il restait un champ ouvert de réflexion juridique critique qui cherchait le renouvellement de la compréhension, de l’application et de la cohérence.

 

 

Sur la démocratie…

 

 

Nous ne pouvons le faire de façon exhaustive ici mais nous pouvons relever déjà que les sciences juridiques islamiques établissent dès l’origine une distinction… 

 

 

Au nom de cela…

 

Les principes,

 

Espace public de négociation collective…

 

La pluralité des modèles







[1]  Le clergé catholique, et l’ordre clérical proprement dit, n’a pas de pendant dans l’univers musulman,ni dans la tradition sunnite ni dans la tradition chiite. 

[2] Les salafis littéralistes parfois – et faussement – appelés  les « wahabites »

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