« En quête de paix » par Maxime Forte

3
6892

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

La seule source potentielle de paix qui accompagne un homme en permanence n’est autre que son cœur. S’il n’y travaille pas à y mettre de l’ordre et à y établir la paix, alors peu importe où il se trouve, peu importe ce qu’il possède, le trouble, le manque, la tristesse resteront son quotidien. Quand bien même il obtiendrait quelque chose de plaisant, il ne serait en être éternellement satisfait, et son désir, aussitôt assouvi, donnera naissance à un second qui, plus tard, deviendra le père d’un troisième. Les quelques moments de bonheur qu’il vivra seront semblables à des papillons, petits êtres frêles et éphémères qui, après avoir quitté leur cocon le matin, s’éteindront le soir même alors qu’ils venaient tout juste de goutter aux saveurs de la vie. Plaisirs illusoires qui, au fond, nous fragilisent, alors que le malaise, quant à lui, est bel et bien présent. Le trouble, le manque, la tristesse rythment le quotidien.
Dans cette course au désir, dans ce manque de paix, l’homme s’empresse de se divertir. Ecouter de la musique à n’en plus finir et se laisser emporter et noyer dans le fleuve d’émotions qu’elle génère. Ou encore allumer la télé à peine rentrer chez soi et la laisser tourner quand bien même personne ne la regarderait. Sortir tous les week-ends, se perdre dans les gestes d’une danse que l’on subit, et plonger dans sa propre dépendance, drogue, alcool et cigarette. Se divertir pour s’oublier, oublier ce manque de paix et les tensions qui nous traversent. Ne plus savoir rester seul et silencieux de peur de devoir contempler son cœur malade. Alors on allume la télé ou l’ordinateur, on lance un film ou une série et l’on transforme ces quelques gestes en rituel, en messe quotidienne, en rituel quotidien de l’oubli. S’oublier, se fuir, et se fuir, c’est laisser le trouble, le manque, la tristesse rythmer notre quotidien.
La seule source potentielle de paix qui accompagne un homme en permanence n’est autre que son cœur, et celui qui, malgré ses manques et ses insuffisances, ne prend pas le temps de le contempler ne serait y construire la paix. Comment un médecin pourrait-il déceler la maladie de son patient sans l’ausculter ?
« Et sachez que (la connaissance de) Dieu se trouve entre l’homme et son cœur, et c’est devant Lui que vous serez rassemblés » nous informe le Coran (sourate 8, verset 24). Autrement dit, pour se rapprocher du divin, il s’agit de revenir à ce qu’il y a de plus profondément humain, à savoir le cœur. La connaissance de soi est primordiale dans le cheminement vers le Créateur, vers as-Salâm. Il convient donc à ceux qui portent la foi, dans un monde qui vit au rythme de la culture de masse, du divertissement et de l’oubli, de redécouvrir l’importance du silence et de la solitude dans l’édification d’un être. Prendre le temps de s’arrêter un instant, de se taire, d’observer et d’écouter ce qui nous traverse. Ne plus rester sourd aux appels de son cœur, et dans ces moments où le temps semble en suspend, apprendre à dialoguer avec soi-même à l’image du Prophète (sws) dans la grotte de Hira. S’isoler pour mieux s’entendre, redécouvrir le sens du monde et de la création et comprendre que c’est à cet instant qu’a lieu la Révélation. C’est à cet instant qu’Il nous montre Ses signes et nous permet de redécouvrir notre nature première, al-fitra, cette aspiration naturelle à l’adoration de l’Unique qui habite chaque être-humain. La créature s’isole pour mieux saisir l’appel du Créateur que ce dernier a mis en elle. Elle s’isole pour vivre ce verset : « Nous continuerons à leur montrer Nos signes, aussi bien dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’ils reconnaissent que ce Coran est bien la vérité. Ne te suffit-il donc pas que ton Seigneur soit Témoin de toute chose ? » (sourate 41, verset 53).

Il y a bientôt huit siècles, le mystique musulman Jalâl ad-Dîn Rumî, écrivait ces quelques vers :

« Bien que tu sois ensorcelé par ce monde
Au secret de toi-même tu es un trésor caché
Ouvre les yeux intérieurs
Reviens enfin à l’origine de ta propre origine »

Ouvrir les yeux intérieurs, prendre le temps de se contempler et de contempler son cœur, de découvrir ce trésor caché, la fitra, et revenir à son origine, à Allah, as-Salâm. C’est le chemin nécessaire pour fortifier sa foi et retrouver la paix, pour devenir une « âme apaisée » (nafsou l-moutma’inna) et se rapprocher de l’Unique. Redonner du sens à sa vie et apprendre à se connaître. Comment réformer et pacifier quelque chose que tu ne connais pas ?
Ô ma sœur, ô mon frère, écoute et observe les signes qui te traversent. La connaissance que tu as de toi est une clé essentielle pour revenir à la fitra, et cette dernière est une formidable source de paix puisqu’elle redonne du sens à ta présence, à ton existence. Etre lucide sur ses qualités comme sur ses défauts, être conscient de ses manques et de ses insuffisances. Connaître les détails de son être comme un peintre connaît les détails de son œuvre, et ne plus négligez les détails de sa vie. Rentrer du pied droit à la mosquée, boire en trois fois, manger simplement ce qu’il y a devant soi, ranger correctement ses chaussures, se faire beau pour son père et sa mère, sourire à un passant en allant à la mosquée pour se prosterner devant le Créateur de tous les passants. Redécouvrir le sens d’un silence, d’un regard, d’une salutation et d’une caresse. Ce chemin, tu ne pourras y accéder que part un dialogue avec toi-même, et avec Lui, au cours de silences, d’immersions intérieures, de prières journalières et nocturnes.
Se taire pour mieux écouter et observer les signes qui nous traversent. S’isoler pour se connaître et prier pour se rappeler de Lui. Se rappeler de Lui pour se pacifier. Se pacifier pour mieux revenir parmi les hommes et être des exemples pour l’humanité. Rendre à son cœur ses droits, et comprendre qu’être conscient de ses insuffisances est le meilleur moyen de reconnaître Sa grandeur.

Que le Tout-Miséricordieux nous accorde la paix (as-Salâm), la demeure de la paix (Dâr as-Salâm) et nous permette de devenir des âmes apaisées. Qu’Il nous donne les moyens d’être des exemples pour les hommes et de pacifier les cœurs des êtres en quête de Ses signes.

As salâmou ‘aleykoum wa rahmatoullahi wa barakâtouh

« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »

3 Commentaires

  1. « Le fou court après les plaisirs de la vie et trouve la déception ; le sage évite les maux. »
    « La solitude offre à l’homme intellectuellement haut placé un double avantage : le premier, d’être avec soi-même, et le second de n’être pas avec les autres.  »
    « L’essentiel pour le bonheur de la vie, c’est ce que l’on a en soi-même.  »
    de Arthur Schopenhauer

    Que serait la vie sans ses (ces) plaisirs ? toute la difficulté étant non pas de s’en priver, mais de les maîtriser justement pour les faire durer.

    Quels sont les plaisirs du « sage » ? a t-il des des envies et qu’en fait il ?

    Elisheba

    • Maxime forte, Merci pour vos souhaits de Paix à tous, aussi pour votre belle et profonde description « du dedans » de chacun, de « l’intériorité la plus profonde », entre ses manques et ses désirs, se débattant pour s’en sortir, retrouvant enfin les seuls moyens justes pour y arriver. Forte, vous l’êtes vraiment Maxime, d’après votre article et du fond du cœur, à vous, bonne continuation au service du dedans et d’autrui.

    • Pour votre question, Elishiba, concernant les plaisirs du Sage: c’est avant tout un être humain et c’est tout à fait normal qu’il ait des envies, des envies qui lui seront propres, d’après ses choix dans la vie. Et pour, qu’en fait-il?, cela dépendra des choix qu’il fera et qui lui dicteront comment mener sa vie. Pour le Sage Musulman, dans sa vie, son seul envie est de fonctionner selon ses principes, dans le seul but, plaire à Dieu.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici