« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »
J’entends l’accent de ma mère et la vois toute entière, debout dans la cuisine. Je vois cette femme, petite et grande, qui ne tombait malade que lorsqu’il n’y avait pas d’autres possibilités… Et il y avait toujours une autre possibilité.
Je vois cette femme qui a toujours vécu en deuxième, laissant passer ses enfants, son mari, le monde avant elle. Laissant si souvent la place aux autres, elle a vécu debout.
Petite, j’écoutais ses mots en riant. Ils étaient beaux les mots dans sa bouche, comme s’ils prenaient des vacances et revenaient bronzés, les « é » devenaient « i » et les « r » roulaient des mécaniques. Les « caserone » « lilictricité » et « la gantoilete » devenaient des mots aussi français que les autres qu’il fallait rajouter dans notre dictionnaire particulier.
Ils sont nombreux ceux qui se moquent des accents et les regardent avec le mépris hautain de ceux qui « savent » parler…
Mais savent-ils vraiment parler ? Sait-il parler celui qui ne sait pas entendre les mots ?
Celui qui n’a pas entendu combien ces accents racontaient d’histoires, des contes nombreux et, plus beaux encore, de prendre des détours cahoteux dans les « R ». Qu’ils écoutent un peu mieux ceux qui aiment se moquer des accents comme on se moque de mots boiteux.
Ils verront qu’ils ne boitent pas mais qu’ils dansent, ces mots. Leurs accents dansent une langue apprise en solitaire, leurs accents portent une langue apprise pour survivre, il disait un courage que ne portera peut-être jamais aucun de ces mots dits pourtant parfaitement mais trop lisses pour être vivants.
« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »
Merci, Madame Ait Bounoua pour ce texte plein de poésie et de tendresse. Je m’y retrouve parce que je suis mère et que mes enfants s’amusent de mon accent chantant que je n’arrive jamais à complètement maîtriser. Cela me rappelle aussi celui de ma mère et le langage de ma grand-mère, fait de tous ces mots empruntés à un quotidien plein d’images et de mélanges. Enfants, nous-nous en amusions aussi, et ce portrait touchant m’a fait replonger dans un monde magique d’odeurs, de rires, de sonorités et de mots. Ce fut un beau voyage.
Un beau message et tellement vrai. Qu’est-ce qui vaut mieux finalement? Des mots parfaits prononcés avec exactitude ou des mots vivants portant l’histoire de celui qui les dit?
Ma mère prononce encore « tamirisou » pour Tiramisu 🙂 et je trouve ça très mignon.
J’ai beaucoup apprécié ton texte, merci encore.
tellement vrai, tellement beau !
Très beau texte qui nous nous ramène à une époque où l’hypocrisie n’était pas reine! Le temps où la sincérité et la spontanéité était de mise !
Merci beaucoup !