Universel partagé 5/5

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Il est d’autres dangers. Il existe des esprits plus sophistiqués qui admettent la pluralité des catégories et des voies de l’universel, mais ils sont essentiellement intéressés par la comparaison, parfois par la compétition, et ils conjuguent souvent le débat autour de l’universel sur le mode de la relation de pouvoir. Ce qui importe pour eux, c’est de confronter les valeurs et les principes et d’établir une hiérarchie du mieux et du meilleur. On retrouve souvent un autre trait commun chez les partisans de ces approches fondées sur la comparaison – confrontation : ils comparent souvent leurs valeurs et leurs idéaux avec les pratiques et les comportements, forcément bien moins idéaux, d’autrui. Nos valeurs de justice, de liberté, d’égalité et de dignité sont autrement plus belles que leurs pratiques, leurs contradictions ou leur décadence. Ce trait d’esprit et de caractère est universel. Comparer nos idéaux théoriques à leurs faiblesses et leurs incohérences est une compétition théologico-philosophique forcément gagnée d’avance : l’intention de la comparaison est néfaste et les termes en sont faussés. Une illusion de reconnaissance sans doute plus dangereuse que son absence.

Il faut donc revenir aux vérités simples de l’origine. Sans illusion, sans naïveté, sans arrogance. L’universel parmi les hommes, par sa nature même, comme nous l’avons dit, impose de concevoir et d’accepter la diversité, la multiplicité, la différence et les singularités. Précisons encore. D’aucuns, avons-nous dit, ont défini les valeurs universelles par ce qu’elles sont, en soi, ou alors par leurs origines révélées, ou encore parce qu’elles naissent dans l’intimité de l’être derrière l’enveloppe illusoire de l’ego. Les spiritualités et les monothéismes associent ainsi l’universel et la vérité, dans l’a priori et/ou le transcendant. D’autres ont considéré que l’universel était par définition ce qui était commun aux hommes et qui devait se découvrir et se formuler par la médiation de la faculté de raison commune à tous les hommes. Ainsi la Déclaration universelle des droits de l’homme est-elle le produit de la raison commune aux hommes proposant des valeurs communes et universelles pour tous les Hommes. D’autres, enfin, ont considéré que les deux voies pouvaient se rencontrer et déterminer ensemble ce qui constituait le commun du commun. On pourra se disputer sur les points de vue, les dogmes et les postulats en affirmant qu’une croyance en Dieu est forcément exclusive et expansionniste, ou que la raison n’est jamais purifiée d’influences historiques et/ou culturelles, ou encore que la réconciliation entre ces deux ordres est impossible. On pourra, certes. Mais ce qui demeure essentiel, c’est de se réconcilier avec la logique élémentaire.

Que l’universel provienne de Dieu, qu’il soit niché sous les voiles de l’initiation, qu’il soit l’œuvre de la raison, qu’il soit la lumière qui vient du ciel, la cime d’une montagne aux multiples flancs ou un désert où l’on se cherche, où l’on se perd, qu’il soit le produit de ces sources ou l’expression de ces images symboliques, l’évidence et l’expérience révèlent qu’il n’existe d’universel que partagé. Dire l’universel ne nous prévient pas du risque de son appropriation, de sa monopolisation et de sa transformation en un instrument de pouvoir, voire d’oppression. Nous l’avons dit. L’affirmation et la reconnaissance de l’universel partagé imposent, au contraire, la double reconnaissance fondamentale du commun (l’universel) et de la diversité (le partage). Ainsi donc, il faut considérer l’universel comme cet espace commun auquel parviennent plusieurs routes, plusieurs voies, plusieurs religions, et la raison, et le cœur, et les sens. Ne jamais  s’approprier le centre en niant la légitimité des points de vue. Il importe de se savoir toujours en route depuis la périphérie, où tout est forcément multiple, où ma vérité a besoin de celles des autres pour protéger mon humanité de mes tentations angéliques et/ou bestiales. Blaise Pascal avait bien raison : « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. » Autrui protège mon humanité, sa vérité nourrit ma vérité, sa différence habille ma singularité. Quelle que soit notre destination, notre commune humanité fait nécessairement croiser nos routes.

Il faut être, ou se faire, curieux. Dans l’idée de partage, il y a bien sûr l’idée de la rencontre mais aussi celle de l’égalité. Croire avec le cœur et l’intelligence à la grandeur de sa vérité et reconnaître avec la raison et le cœur la légitimité et la contribution des vérités et des valeurs d’autrui. Au demeurant seules sont vraiment universelles les valeurs partagées au centre, sur la cime, dans l’espace commun où aboutissent les différents chemins. Il ne s’agit pas d’intégrer des systèmes, des valeurs et des cultures à d’autres, mais de déterminer avec humilité des espaces d’intersection où l’on se rencontre, à égalité d’être et de légitimité. L’intersection du commun, plutôt que l’intégration des différences. Cela change tout : il s’agit pour chacun d’opérer, quant à soi, une véritable révolution copernicienne. Apprendre à la périphérie la curiosité saine du divers et du multiple et s’engager librement dans la quête du centre. Il y faut de l’humilité, de la cohérence, de l’écoute, du respect et de l’amour. Aimer les êtres humains avec leurs qualités, leurs beautés, leurs différences, mais aussi avec leurs faiblesses, leurs doutes et leurs peurs. Les savoir capables tout à la fois du pire et du meilleur. Si laids, si beaux ; si indignes, si dignes. Ce qui ne veut pas dire accepter l’inacceptable, mais s’armer d’un amour lucide et curieux, sans illusion, plein d’espérance : résolument universel, en quête de partage.

4 Commentaires

  1. Salam….

    « Bien plus, et pas moins qu’une étoile, le cœur d’un être brille partout, au delà de toute apparence, au côté de chaque espérance, au milieu de l’existence… »

    Selon toutes vraisemblances, qu’il s’agisse d’un espace dans le temps ou d’un instant dans l’espace, l’Universel peut être comparer, partout et de chacun(e), mais seulement avec tout ce qui Le touche L’élève L’espère de près comme de loin, et donc et déjà des hommes qui Le, et se savent en Son lien en Son lieu et en Sa relativité, forcément uniques et principalement composé(e)s à grande et même échelle, à toute et belle conscience, à chaque et seul intérêt, l’espoir de la mémoire tout autant que la mémoire de l’espoir pouvant être parfaitement égale, relativement juste, totalement humaine…

    De fait, la Vie, multiple continue et renaissante des natures d’un élément mobile et composé de et dans l’univers, disons » terrien »(« arzien ») pour l’élément, se parfait inévitablement de matières et de lumière au fil du Temps, et, d’Elle, la valeur universelle s’emploie et s’inscrit tout aussi chronologiquement dans la plupart des « esprits » comme une route, un chemin, une course, pouvant, ou devant, être un ordre de base irréversible à chaque éventualité évolutive et temporelle du vivant. Il ne peut être, par exemple, indiquer le jour, l’heure exact(e) d’une intelligence née ou renée des hommes, et acquise et (re)mise en respect avant ou après Elle, ou Lui (en espérant que vous me(Les) suiviez, comme de l’Univers à la Vie…:-)…

    « Il faut être, ou se faire, curieux. Dans l’idée de partage, il y a bien sûr l’idée de la rencontre mais aussi celle de l’égalité. Croire avec le cœur et l’intelligence à la grandeur de sa vérité et reconnaître avec la raison et le cœur la légitimité et la contribution des vérités et des valeurs d’autrui. Au demeurant seules sont vraiment universelles les valeurs partagées au centre, sur la cime, dans l’espace commun où aboutissent les différents chemins. »(Pr T.RAMADAN)

    Oui, d’une idée, dans l’exemple, mais à qui appartient la « curiosité » d’un partage, vers qui profite-t-« elle » et/ou pour qui résonne-t-« elle », un sens une raison une valeur …la réponse est(peut être) au cœur de la question, tout comme l’appartenance universelle est un bien qui bat et se bat sans se battre pire ailleurs ici partout d’une valeur. Des découvertes et des recherches démontrent, en premier lieu, que la Paix des grands systèmes universels ont cette valeur première, et noble, en toute faveur digne, et nécessaire. Aujourd’hui, peut-on dire alors que l’élémentaire d’un ordinaire humain repose tout d’abord sur la base commune visible et vivante d’un être à son, à chaque, à toute image, relative et précieuse, intérieure et heureuse, partagée et nombreuse, en égalité…

    Qui n’entend pas, ou ne dit pas, ou ne pense pas, le plus souvent, que la Vie est précieuse et la Paix est sacrée…. Comme d’une vérité s’accomplissent toutes vérités, comme d’une réalité s’affranchissent toutes entités, toutes vies aussi se réfléchissent d’universel(le). Et comme toutes choses, libres individuelles et/ou collectives, la, une, « curiosité », vécue ou aperçue, ne peut-« elle » s’entretenir à parvenir, « elle » aussi, du meilleur rapport vivant, conseillant vivement à la faculté humaine la réalité même partielle d’une intelligence encore, toujours à parfaire de sa valeur. La quête pouvant être tout autant le sens d’une raison à tenir que la raison d’un sens à venir, par l’efficience des consciences, par l’existence des connaissances…

    Pour la « partie privée », nul doute que des distances universelles, de tous acabits et de toutes cultures, réunissent les partagent les valeurs de lien de lieu et de relativité complétement mesurés et semblablement définies; autant elles estiment et s’estiment comme un seul sens et une seule raison, assez réfléchissante du reste, tout autour de l’être la vie, tout autour de la Vie l’univers, tout autour de l’univers l’espace, comment vouloir pouvoir, ou faire valoir, dire faire penser sans…

    Sans conclure du partage du vivant des réels, au commun du commun des mortel(le)s, avez-vous déjà entendu, perçu, par endroits, les sonorités regroupées « d’un troupeau », d’une nuée d’étourneau à l’arrêt sur les diverses hauteurs d’un ou plusieurs arbres, semblables et phonothèques à ces sons hertziens, constants variants émis comme d’une radio sans station ni propos…

    « Sans dire ni croire que le cœur de la vie nourrit l’œuvre du sens et la raison de l’intelligence au cœur de l’univers, est-ce comprendre en l’espèce un sel à toutes larmes ou, est-ce entendre en l’espace un silence à perte d’âme… »

    …Khassan…Salam…merci…

  2. ‘sa verite nourrit ma verite…’ La verite, ce n’est pas personnelle. Ou c’est vrai, ou bien c’est faux , n’est – ce pas?

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