« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »
Il est communément reconnu que le mois de Ramadan est un mois de partage. Partage de ses biens, de son temps, partage de soi avec autrui. Or, avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, on observe l’augmentation d’une une autre sorte de partage (qui n’a néanmoins pas besoin de période pour se faire), celle de messages à contenu religieux, hadiths, versets commentés, citations mystiques, extrait de discours, vidéos, etc.
Leur partage est une chose, mais passer sont temps à les lire ou à les écouter en est une autre. Ce qui mène à cette interrogation : peut-on considérer que le contenu en lien avec la religion peut aussi mener à un phénomène de consommation exagérée? Et, dans de telles circonstances, comment pouvons-nous éviter cet écueil ?
Avant toute chose, il est nécessaire de définir ce qu’est la consommation afin de décrire ses conséquences néfastes. Consommer, c’est utiliser une matière ou un produit pour y avoir recours, en faire usage ou non. Pratiqué de manière abusive, ce phénomène peut mener à ce qu’on appelle l’ « habituation ». C’est un terme qui prend son sens dans la psychologie et qui signifie la baisse graduelle de l’intensité ou de la fréquence d’apparition d’une réponse à la suite de la présentation d’un stimulus répété ou prolongé. On parle aussi de phénomène d’accoutumance.
Au bout d’un certain temps, ce n’est plus nous qui consommons mais c’est la consommation qui nous consume, comme un signal incessant abaissant notre capacité à émettre une réponse digne de nous-mêmes, car l’habitude s’est installée et avec elle, l’inconscience.
Ainsi l’exemple le plus flagrant reste peut-être celui des médias dans lesquels certains d’entre nous sont plongés jour et nuit, ne ratant pas une seule information, qu’elle soit locale ou internationale, qu’elle les concerne de près ou de loin. Cette information, une fois consommée en masse, devient comme ce plat dont le goût devient fade à force, vos papilles gustatives lassées par cet enchaînement de « déjà vu », d’absence de nouveautés et de fraîcheur. L’habituation fait son effet et l’insensibilité prend le pas.
Dès lors le phénomène introduit, son application se fait aussi ressentir par certains de ses aspects sur le contenu religieux et peut aller jusqu’à nuire à celui qui le consomme.
Mais le contenu religieux n’est-t-il pas par définition une source inépuisable de sagesse, abreuvant sans cesse le lecteur qui en récolte les bienfaits ? Surtout partagé sur les réseaux sociaux, comme un constant rappel du divin et de son Prophète ? Certes, cependant pour comprendre une information, il ne faut pas seulement savoir qu’elle existe, mais il faut se l’approprier, se la faire sienne. Et ce travail demande de la concentration ainsi qu’énormément de patience, surtout lorsqu’il s’agit de paroles émanant du Saint Prophète de l’Islam !
Or, devant ces vagues déferlantes qui nous arrivent, ce travail devient fort compliqué. L’information entre et sort aussitôt, et votre esprit n’étant pas rassasié vous demande de le remplir de nouvelles phrases et citations mais en vain. Et tout comme avec les médias de masse, l’inconscience fini par prendre le dessus par « habituation ». Phrase après phrase, la banalité s’installe chez le lecteur en quête de sens, partant pourtant d’une intention des plus nobles.
En clair, certains textes ont une voie vers votre cœur mais à quoi bon, lorsqu’aucun d’entre eux n’a eu accès à son cœur à lui, seul point sensible au demeurant.
Alors que faire pour continuer à consommer tout en évitant ces inconvénients ? La première piste intéressante pour qui désire vivre le contenu plutôt que de le subir serait de choisir une ou deux phrases, un ou deux versets que vous allez apprendre à méditer, et que vous allez suivre, littéralement, tout au long de votre vie ou du moins à une étape importante de celle-ci. Que ces phrases soient un guide pour vous, que ceux qui les ont prononcées deviennent un exemple, qui vous mènera à la complétude de votre être. Ce qui apportera la sérénité à votre cœur n’est pas une myriade de citations ou de hadith, mais peut-être un seul qui surpassera les autres et vous apportera par lui seul, plus de foie que mille autres d’entres eux.
Choisissez un élément qui mettra le feu à votre cœur et à votre âme, qui soit votre « combustible ». Et ainsi, de temps en temps, alimentez ce feu par d’autres, qui le rendront plus grand et plus majestueux.
Deuxièmement, l’inconscience naissante résultante n’a pour remède que le rafraîchissement de notre vision et de notre compréhension, ce même rafraîchissement que nous nous efforçons d’obtenir lors de chacune de nos prières.
Ibn Arabi disait : « Regarde donc à quelle fonction sublime correspond l’oraison et à quel but elle mène. Celui qui n’atteint pas le degré de la vision spirituelle (ar ruya) dans l’oraison ne l’a pas réalisé pleinement et n’y trouve pas encore la fraîcheur des yeux ».
Autrement dit, l’oraison déploie l’horizon. Ainsi pour visualiser ce but vers lequel l’invocation mène, il est nécessaire de faire le vide dans son esprit et de ne se remémorer que l’Unique.
Sa Rencontre passe par la conscience, et pour atteindre cette vision (ar ruya), il ne faut pas uniquement faire sa prière, il faut l’expérimenter, la vivre tout comme ces citations mystiques, ses hadiths prophétiques, etc. Dès lors chaque prière devient expérience unique et remplace l’état de l’être précédent qui lui était inférieur. Ainsi l’âme grandit sans nuire.
Or la consommation, en désensibilisant et en habituant nos yeux à ce flux, nous empêche de les rafraîchir, car plus rien n’est vécu, juste consommé. Finalement, n’est-ce pas, en tant que musulman, l’inverse que nous devrions suivre ?
Que la consommation effrénée ne nous frappe pas, que Dieu nous donne l’opportunité de renouveler notre vision sans cesse et que nos cœurs puissent être le réceptacle de sa Lumière.
Il est communément reconnu que le mois de Ramadan est un mois de partage. Partage de ses biens, de son temps, partage de soi avec autrui. Or avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, on observe l’augmentation d’une une autre sorte de partage (qui n’as néanmoins pas besoin de période pour se faire), celle de messages à contenu religieux, hadiths, versets commentés, citations mystiques, extrait de discours, vidéo, etc.
Leur partage est une chose, mais passer sont temps à les lire ou à les écouter en est une autre. Ce qui mène à cette interrogation : peut on considérer que le contenu en lien avec la religion peut aussi mener à un phénomène de consommation exagérée? Et, dans de telles circonstances, comment pouvons nous éviter cet écueil ?
Avant toute chose, il est nécessaire de définir ce qu’est la consommation afin de décrire ses conséquences néfastes. Consommer, c’est utiliser une matière ou un produit pour y avoir recours, en faire usage ou non. Pratiqué de manière abusive, ce phénomène peut mener à ce qu’on appelle l’ « habituation ». C’est un terme qui prend son sens dans la psychologie et qui signifie la baisse graduelle de l’intensité ou de la fréquence d’apparition d’une réponse à la suite de la présentation d’un stimulus répété ou prolongé. On parle aussi de phénomène d’accoutumance.
Au bout d’un certain temps, ce n’est plus nous qui consommons mais c’est la consommation qui nous consume, comme un signal incessant abaissant notre capacité à émettre une réponse digne de nous même, car l’habitude s’est installée et avec elle, l’inconscience.
Ainsi l’exemple le plus flagrant reste peut-être celui des médias dans lesquels certains d’entre nous sont plongés jours et nuits, ne ratant pas une seule information, qu’elle soit locale ou internationale, qu’elle les concerne de près ou de loin. Cette information, une fois consommée en masse, devient comme ce plat dont le goût devient fade à force, vos papilles gustatives lassées par cet enchaînement de « déjàvu », d’absence de nouveautés et de fraîcheur. L’habituation fait son effet et l’insensibilité prend le pas.
Dès lors le phénomène introduit, son application se fait aussi ressentir par certains de ses aspects sur le contenu religieux et peut aller jusqu’à nuire à celui qui le consomme.
Mais le contenu religieux n’est-t-il pas par définition une source inépuisable de sagesse, abreuvant sans cesse le lecteur qui en récolte les bienfaits ? Surtout partagé sur les réseaux sociaux, comme un constant rappel du divin et de son Prophète ? Certes, cependant pour comprendre une information, il ne faut pas seulement savoir qu’elle existe, mais il faut se l’approprier, se la faire sienne. Et ce travail demande de la concentration ainsi qu’énormément de patience, surtout lorsqu’il s’agit de paroles émanant du Saint Prophète de l’Islam !
Or, devant ces vagues déferlantes qui nous arrivent, ce travail devient fort compliqué. L’information entre et sort aussitôt, et votre esprit n’étant pas rassasié vous demande de le remplir de nouvelles phrases et citations mais en vain. Et tout comme avec les médias de masse, l’inconscience fini par prendre le dessus par « habituation ». Phrase après phrase, la banalité s’installe chez le lecteur en quête de sens, partant pourtant d’une intention des plus nobles.
En clair, certains textes ont une voie vers votre cœur mais à quoi bon, lorsqu’aucun d’entre eux n’a eu accès à son cœur à lui, seul point sensible au demeurant.
Alors que faire pour continuer à consommer tout en évitant ces inconvénients ? La première piste intéressante pour qui désire vivre le contenu plutôt que de le subir serait de choisir une ou deux phrases, un ou deux versets que vous allez apprendre à méditer, et que vous allez suivre, littéralement, tout au long de votre vie ou du moins à une étape importante de celle ci. Que ces phrases soient un guide pour vous, que ceux qui les ont prononcé deviennent un exemple, qui vous mènera à la complétude de votre être. Ce qui apportera la sérénité à votre cœur n’est pas une myriade de citations ou de hadiths mais peut-être un seul qui surpassera les autres et vous apportera par lui seul, plus de foi que mille autres d’entre eux.
Choisissez un élément qui mettra le feu à votre cœur et à votre âme, qui soit votre « combustible ». Et ainsi, de temps en temps, alimentez ce feu par d’autres, qui le rendront plus grand et plus majestueux.
Deuxièmement, l’inconscience naissante résultante n’a pour remède que le rafraîchissement de notre vision et de notre compréhension, ce même rafraîchissement que nous nous efforçons d’obtenir lors de chacune de nos prières.
Ibn Arabi disait : « Regarde donc à quelle fonction sublime correspond l’oraison et à quel but elle mène. Celui qui n’atteint pas le degré de la vision spirituelle (ar ruya) dans l’oraison ne l’a pas réalisé pleinement et n’y trouve pas encore la fraîcheur des yeux ».
Autrement dit, l’oraison déploie l’horizon. Ainsi pour visualiser ce but vers lequel l’invocation mène, il est nécessaire de faire le vide dans son esprit et de ne se remémorer que l’Unique.
Sa Rencontre passe par la conscience, et pour atteindre cette vision (ar ruya), il ne faut pas uniquement faire sa prière, il faut l’expérimenter, la vivre tout comme ces citations mystiques, ses hadiths prophétiques, etc. Dès lors chaque prière devient expérience unique et remplace l’état de l’être précédent qui lui était inférieur. Ainsi l’âme grandit sans nuire.
Or la consommation, en désensibilisant et en habituant nos yeux à ce flux, nous empêche de les rafraîchir, car plus rien n’est vécu, juste consommé. Finalement, n’est-ce pas, en tant que musulman, l’inverse que nous devrions suivre ?
Que la consommation effrénée ne nous frappe pas, que Dieu nous donne l’opportunité de renouveler notre vision sans cesse et que nos cœurs puissent être le réceptacle de sa Lumière.
Wal hamdu lillah wa behi nastain
Ramadan 2016
« La position prise dans le texte est celle de son auteur et pas forcément celle du site qui l’accueille et la publie »
Merci pour ce très intéressant texte qui met le point sur la vanité et la superfluité de cette nouvelle sorte de consommation destructive et dont on ne se rend souvent pas compte.
En effet,
Ce qui ne fait que nous saturer,
Même sur le plan du savoir,
N’a presque au fond aucun intérêt,
S’il ne vient pas en nous promouvoir.
Ce qui nous guide sans cesse vers l’orée
De la lumière de notre ultime espoir !
Fraternellement.