Islam et pluralisme

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Cette conférence s’est tenue à Dakar le 23 juin 2009Cette conférence s’est tenue à Dakar le 23 juin 2009

1 COMMENTAIRE

  1. « Ô vous, les hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et Nous vous avons constitués en peuples et en tributs afin que vous vous connaissiez. Le plus noble d’entre vous est le plus pieux. » (49/13).

    L’humanité, produit de la création divine, se décline sous forme de peuples et de tributs différents par la morphologie et la couleur de la peau, différents par les us et coutumes, différents par la langue et la culture, différents par les rites et les mythes. C’est ce que l’on appelle le pluralisme ethnique/culturel. Mais le pluralisme ethnique et autre diversité culturelle ont pour vocation l’interconnaissance, voire l’inter-reconnaissance qui n’est rien d’autre si ce n’est la tension vers l’universel parce que la valeur éthique prime l’appartenance ethnique. Celle-ci n’est point, et ne peut être, une source de privilèges, ni une cause de damnation. Caste et classe, « noble et ignoble », supérieur et inférieur ne sont pas des catégories islamiques. Seule effectivement la piété, définie comme attachement profond à la Vérité, anoblit. Mais la personne obéissant avec scrupules à la Vérité ne sait guère qu’elle est pieuse. Car elle a seulement conscience de ses faiblesses et de ses carences. D’ailleurs, le vrai saint doute de sa sainteté. Il s’ensuit que Celui qui la clame et proclame est un présomptueux. Nous sommes donc « différents par l’ethnie, la culture, les traditions », mais « semblables par l’inclination au Transcendant » qui nous fait converger vers l’Origine et le Centre. La diversité n’est pas une entrave à l’universalité.

    Diversité ethnique et aspiration éthique, me semble-t-il, résument à elle seules les perspectives de ce verset. La diversité ethnique/culturelle existe bel et bien. Personne donc ne peut la nier. Mais, il ne s’agit nullement de cultiver la différence au nom de la différence et en vue de la différence. Il ne s’agit donc en aucun cas de s’inscrire dans une démarche identitaire/communautariste/différentielle. Car la différence distingue et oppose. Alors que, si elle est contrebalancée par l’éthique, elle devient un facteur d’enrichissement et d’épanouissement humain/spirituel. Il s’agit effectivement de se reconnaître d’abord en tant que personne humaine par-delà les folklores, par-delà les déterminismes triviaux, par-delà les idéologies néfastes… Il s’agit de se définir en tant que personne éthique que régissent des principes transcendant l’ici et maintenant et qui n’obéissent ni aux aléas dus à la naissance dans un territoire particulier et à l’intérieur d’une famille particulière, ni aux déterminismes sociétaux, mentaux et autres. Il faut bien naître quelque part et avoir une langue maternelle ainsi qu’une culture particulière. C’est pourquoi un grand penseur français a dit : « Je ne suis Français que par hasard, mais je suis nécessairement Homme ». Ainsi lorsque les déterminismes culturels, sociaux et autres freinent la progression vers le Transcendant, c’est qu’ils sont néfastes et il faut s’en défaire. Les Compagnons du Prophète qui étaient issus d’un terroir bien précis et d’une culture bien précise et dont la mentalité était structurée par le polythéisme et autres traditions néfastes disaient avec beaucoup de lucidité que le Prophète (PSDL) enlevait ce qui était mauvais en eux et mettait ce qui était bon, c’est-à-dire les fondamentaux de la Transcendance (Attawhid, l’Unicité et l’Unité de Dieu). Après avoir acquis les principes de la Transcendance, ils se sont astreints à un travail de réforme intérieure et de purification de l’ego. Ils se sont ainsi débarrassés de tous ce qui s’opposait à la compréhension et à l’intégration du message coranique et des enseignements prophétiques sans chauvinisme, sans égoïsme, sans orgueil… Chaque fois que le particulier s’opposait aux principes universels, ils s’en défaisaient sans tergiverser. Mais, le singulier et le particulier ne sont nullement des handicaps quand ils s’intègrent avec bonheur dans des principes universels et éternels. Le singulier et le particulier ne peuvent être des entraves à l’élan vers le Transcendant que s’ils sont mâtinés de chauvinisme, de narcissisme, d’égoïsme et de bien d’autres maux. Les démarches particularistes qui se réclament de la diversité et qui ne tiennent pas compte des fondamentaux de l’universel sèment le désordre, brouillent les pistes, parasitent les consciences, sabordent les projets communs, détestent les démarches qui mettent Dieu (l’éthique) au centre des préoccupations de l’homme…

    Les principes universels et éternels, de plus, permettent « l’interconnaissance/l’inter-reconnaissance » parce qu’ils ne sont l’expression d’aucun particularisme. Leur fonction et leur vocation est d’unifier autour d’un projet commun et d’une vision commune qui n’aliènent aucun destin singulier tant que celui-ci n’altère en rien la nature et la teneur des fondamentaux universels. La justice, par exemple, est un principe universel. Or aucune puissance particulariste ne peut le bafouer sans se mettre au banc de l’humanité. L’on voit pertinemment que les principes universels fédèrent, font converger les destins sainement particuliers vers un horizon commun, une oraison commune. Ils sont fondamentalement unificateurs. L’unité qu’ils visent n’est pas le nivellement ou le totalitarisme. Elle est une sainte synthèse de la diversité. Elle est la gestion éthique de la multiplicité. Cette sainte synthèse ne vise pas le gommage des aspérités inhérentes aux différentes cultures tant qu’elles ne contredisent aucun principe universel énoncé par le Transcendant. L’Islam n’est ni une idéologie, ni un programme. Il est un ensemble de principes organisateurs qui structurent l’être autour du « Dessein Divin ». Ces principes organisateurs doivent être intériorisés librement et consciemment afin de permettre à l’être de se purger des poids-morts des conditionnements mentaux et des déterminismes sociétaux. L’être ainsi libéré se laissera façonner, à la grâce de Dieu, par le Coran et la Sunna authentique en donnant libre cours à son essence créatrice. Il vivra l’appartenance ethnique comme un choix consenti et non comme une appartenance subie. Il manifestera, de la sorte, un attachement indéfectible aux valeurs morales universelles et ce le plus naturellement du monde. La foi, donc, ne nourrit aucune animosité contre le singulier. Elle le protège même quant il est sain, c’est-à-dire quand il ne nuit pas à la dignité de la personne humaine. Les principes universels et éternels nous mettent à l’abri de nous-mêmes qui sommes des êtres particulièrement singuliers. Ils nous protègent contre les maux inhérents à nos ego. Car de la singularité à la marginalité, il n’y a qu’un pas à franchir celui de l’inconscience et de l’insouciance.
    La diversité culturelle, en outre, qu’anime un génie particulier fonde « l’individualité créatrice » de la personne humaine. Mais « l’individualité créatrice » a besoin d’un contrepouvoir afin de ne pas verser dans le non-sens et l’absurde. Les principes éthiques (« personnalité protectrice ») constituent un contrepouvoir qui équilibre les différentes tendances qui structurent l’être humain : la diversité culturelle et l’aspiration à l’universel au travers de principes éternels. Il faut souligner en outre que l’appartenance ethnique est loin d’être une source d’un quelconque privilège ou d’une quelconque punition. On n’est pas donc de bonne ou de mauvaise extraction. Seule la piété, au travers du culte de la Vérité, rend noble. C’est la sincérité quant au rapport au Transcendant qui est source de noblesse et non pas l’ethnie ou la couleur de la peau. L’élection ne peut être héritée car elle est de l’ordre du mérite. Les idéologies racistes et xénophobes ainsi que les cultures particularistes n’ont qu’à bien se tenir.

    L’aspiration éthique que cristallise la quête sincère de la Vérité, seconde tendance naturelle de la personne humaine, n’est pas un vœu pieux ou une déclaration d’intention. Elle est une démarche véridique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas un engagement de surface ou de façade. Elle implique l’engagement plénier et sincère du cœur. Elle est ce qui fonde la démarche religieuse, morale et spirituelle. Sans la piété, respect profond des injonctions divines, la religion reste lettre morte. Le Coran, parole incréée et éternelle de Dieu, est « Guidance » uniquement pour les pieux (2/2-5). Pour que l’alchimie verbale du Coran opère sur les cœurs, la piété est requise. Par la piété, l’être tout entier se voue à Dieu. Les autres considérations relatives à l’ethnie, à la nationalité, au terroir, à la classe, à la caste deviennent caduques. Ainsi tous les motifs que certains agitent pour semer la discorde entre les peuples et les tributs deviennent inopérants par la force de la piété qui est la matrice de l’élan transcendant et universel. L’on comprend aisément pourquoi d’aucun s’attaquent à la religion en général et à l’Islam en particulier.

    Résumons-nous ! La diversité ethnique est reconnue par le Coran. Mais, il convient de préciser que le même Coran l’associe à l’interconnaissance éthique. Elle n’est pas une fin en soi. De plus, l’appartenance ethnique n’est ni pourvoyeuse de passe-droits, ni vecteur de rejet. Elle est une plate forme en vue de l’élan vers le Transcendant avec comme viatique la piété. Dieu énonce dans un beau verset qui met les pendules à l’heure de l’Eternité : « Ne concluez pas à votre propre piété car Lui seul (Dieu) sait qui est pieux. » Par le biais de ce verset sublime Dieu nous met sur les rails de l’humilité envers les hommes (annass) et envers la Vérité (Dieu). Seul Dieu est Savant.

  2. Salam

    Etre libre, et faire pourtant tous la même chose..

    Parler des mêmes sujets

    Se taire sur les mêmes sujets

    Mettre en valeurs les même personnes

    Ignorer les mêmes personnes

    Regarder les choses toujours sous les mêmes angles(spiritualité et citoyenneté)

    Parler de globalité de l’islam et pourtant toujours parler des mêmes sujets

    parler de l’universel, et pourtant défendre toujours les même personnes

    Parler des mêmes sujets pendant le ramadan

    taire toujours les mêmes sujets pendant le ramadan…

    réagir toujours de la même façon aussi.

    parler toujours des mêmes conflits dans le monde

    Etre libre et faire tous la même la chose…

    Allahou Fattah

    • C’est assez exact ce que tu dis là, bien que Tariq Ramadan maitrise certain sujet, il ne cesse toujours de parler de la même chose, peut-être inconsciemment, mais je pense que ce n’est pas toujours un problème que vivent les musulmans (la pluralité – diversité – citoyenneté …). Il y a effectivement du vrai mais ce n’est pas majoritaire au sein de la communauté musulmane Européenne, s’il y en a une.
      J’ai parfois l’impression que nous sommes, par un processus de détournement des pensées, toujours poussés à réfléchir aux mêmes questions, dépassés ou/et sans utilités.

      Aussi j’aimerais parfois entendre Dr Ramadan sur les véritables causes des soucis (des habitants de toute la planète) à savoir les élites dominantes auxquelles nous devons être asservi …

      Petite critique pour que tu avance Tariq, Ton ami de Paris.

    • Bien sure qu’il y a d’autres problemes qui sont plus visibles dans la societe musulmane, mais Dr Tariq parle des choses qui sont fondamentales dans la pensee musulmane…On doit se rendre compte qu’il ne parle pas pour lui or pour son avenir mais pour l’amelioration de notre piete. Je pense qu’on doit tous essayer de mettre en action, tous ce qu’on entend des gens qui sont si concentrer a faire du mieux dans le monde musulman and dans le monde entier

  3. salam

    C’est vrai que parler de nos nos identités, croyances, tournent en un véritable dialogue de sourd pour une très grande majorités de musulmans et de non musulmans …J’ai appris à vivres dans la différence sur toutes ces formes (pensées, ethnie, religion, culture, langue…)parce que c’est la clé de notre richesse qui hélas nous aveugle

    bien à vous,

    • salam, c’est vrai on peut avoir l’impression d’aborder sans cesse les mêmes sujets mais c’est peut-être justement parce qu’ils amènent des problèmes que la communauté n’a pas résolus…

  4. Salam,

    Verset 1, Sourate al Mulk :

    « تَبَارَكَ الَّذِي بِيَدِهِ الْمُلْكُ وَهُوَ عَلَى كُلِّ شَيْءٍ قَدِيرٌ »,

    qu est ce qui entretient la Vie sur terre?la terre elle meme vieille de combien d’années ?

    Toute chose,toute existence,toute créature est libre, connait la Paix dans un « cadre spécifique » bien prédestiné par le Créateur: rien n est au hasard;
    Est une faveur tout ce qui permet à l individu de se souvenir du Seigneur;

    Allah Seul Sait en vérité,

    barakallah fih cher frere Tariq ;

    je vous aime en Lui

  5. merci monsieur ramadan ..vous rendez un peu d’espoir a quelqu’un qui désespère de sa religion et vous lui donnez un une énergie et un peu d’air frais qui a été vicié par les gardiens du temple.

    bien que non croyant (mais de culture et d’origine musulmane )je ne peut que vous dire merci !!!

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