Esthétique du Sens

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Peur et Confiance
 

Nous avons vu comment le cerveau pouvait soudain être sous le pouvoir de l’amygdale et produire chez l’individu une réaction émotionnelle totalement incontrôlée… de joie, d’audace, de peur ou de violence. Tout se passe comme si, à l’époque de la communication globalisée, les images et les informations circulant par millions et sans discontinuer sur nos téléviseurs et nos écrans d’ordinateur produisaient des signaux qui pouvaient s’emparer des centres nerveux de sociétés et de collectivités entières. Le mariage entre la lourde charge psychologique (pas toujours consciente) des informations qui nous parviennent par tant de différents canaux du monde entier, d’une part ; et le stress de la vie quotidienne, le manque de temps pour réfléchir, lire et essayer de comprendre, le sentiment d’insécurité et les frustrations, d’autre part;  ce mariage, disions-nous, fragilise le « corps social » et nous pourrions plus justement dire ici, en poursuivant notre comparaison, qu’il fragilise le « cerveau social », et le rend tout à fait fébrile.

D’une société à l’autre, selon les sujets sensibles et les controverses de l’heure (il s’agit parfois de phénomènes planétaires), on assiste à des réactions collectives et l’on constate que les symptômes qui étaient visibles chez un individu sous l’emprise d’une charge émotionnelle sont les mêmes que ceux que l’on peut identifier dans la collectivité sociale. Ce peut être l’effet de l’actualité, d’une controverse (orchestrée ou non), d’une déclaration, d’un accident, ou d’une simple rumeur, et voilà que des phénomènes incontrôlés se répandent comme une traînée de poudre. La société et le débat public semblent tout à coup s’agiter sous le coup de la passion, une effervescence s’installe qui peut parfois aller jusqu’à l’hystérie collective : les réactions sont imprévisibles, les gens ont de moins en moins la capacité d’écouter et d’entendre, les arguments, les jugements et les conclusions manquent souvent de logique et sont lancés à l’emporte-pièce et l’émotivité collective s’impose par la force et la vérité du nombre et de l’instantané. La démocratisation amplifiée de l’émotion  a souvent raison de la nécessaire démocratisation de la raison, collective et raisonnable, et du débat d’idées. Une époque dangereuse où les technologies planétaires sont des instruments dont le pouvoir nous échappe et qui peuvent exercer un ascendant terrible sur les individus, une perte de contrôle généralisée, un vrai « coup d’état émotionnel » collectif, qui peut aller jusqu’à la dictature de l’émotion. Nous l’avons dit, ce que les neurologues nous ont révélé quant au fonctionnement du cerveau, nous pouvons le constater dans les collectivités : les parallèles sont troublants et parfois effrayants. Des informations-stimuli qui provoquent une sorte de choc, une réactivité immédiate de doute, de peur et d’insécurité et la passion s’installe qui peut influencer la nature des décisions populaires. Les forces armées américaines ont mis en scène « l’affaire des pouponnières » au Koweït lors de la première guerre du Golfe en 1990 (les soldats de Saddam Hussein auraient arraché des bébés à leur pouponnière en provoquant  sadiquement leur mort) et ce afin d’émouvoir la population américaine et de la convaincre de s’engager dans la guerre : l’opération a été malheureusement couronnée de succès et les conséquences en furent des centaines de milliers de morts. Nous avons pu voir ces manifestations émotives après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis  ou encore avec le renversement politique en Espagne après le séisme des attentats perpétrés à Madrid le 11 mars 2004 (la gauche a été élue en contradiction avec tous les pronostics établis quelques jours auparavant). C’est ce même phénomène d’amplification émotionnelle qui a drainé les réactions passionnées (et parfois violentes) dans les sociétés majoritairement musulmanes au moment des caricatures danoises, début 2006.

Le monde global, comme un cerveau aux multiples instances, aux pouvoirs parallèles et parfois contradictoires, subit des crises et des controverses à répétition, nationales ou internationales. Celles-ci sont des réactions à des événements-signaux, parfois fortuits parfois instrumentalisés, qui produisent systématiquement des phénomènes de masse plus ou moins contrôlables. Ce pouvoir de l’émotion sur les collectivités (et la maîtrise de ses « moyens de production » dans les pays les plus riches avec leur armée de spécialistes en communication) est une invitation, en bonne et due forme, au populisme en politique. On n’attire plus l’électeur par la force des idées et des convictions (ou la vision de l’idéologie partagée) mais on le mobilise par l’intensité de ses peurs, de son besoin de sécurité, d’assurance, de confort, de repères et d’identités définies. Sous la pression de la communication, des medias, de la nécessaire réaction politique immédiate, il importe de rassurer, de calmer les ardeurs ou, au contraire, d’exciter les peurs. Rassurer, calmer, exciter…les mots sont en relation avec l’affect et nous voici entrés au royaume de la politique émotionnelle ou plus précisément de la politique de l’émotionnel. La technique est connue et fut utilisée depuis bien longtemps par les partis populistes d’extrême-droite attisant les peurs, stigmatisant l’autre et glorifiant l’identité pure de la race ou de la nation. Nous assistons à une normalisation de cette technique mais également à la normalisation de la substance même du propos politique populiste destiné à séduire l’électeur plutôt qu’à le convaincre. Cette attitude politique, qui s’intéresse davantage à l’amygdale individuelle et collective qu’au néocortex permet, certes, de gagner des élections mais à long terme, elle a des effets dévastateurs sur l’avenir des sociétés et des démocraties.

Les critiques de ces perversions sont anciennes et ont été formulées par des penseurs ou des politiciens représentant l’ensemble de l’éventail des positions philosophiques et politiques. Pas toujours pour les mêmes raisons. Les milieux élitistes, aristocratiques, bourgeois ou conservateurs ont pu craindre que le peuple soit davantage mû par la passion aveugle que par la raison savante à l’exemple de Socrate, de Kant, de Nietzsche, de Tolstoï et de tant et tant d’autres penseurs (dont la sensibilité est si différente) : il fallait penser à des garde-fous pour protéger les bonnes décisions politiques de l’élite et des « sages » de l’incontrôlé des mouvements populaires. L’expression ultime de cette peur du peuple est l’idéal du « despote éclairé » qui sait agir pour le bien du peuple mais sans se soumettre aux souhaits parfois contradictoires et aux élans passionnés de celui-ci : c’est le « chigalevisme » philanthrope dont parle Albert Camus dans L’homme révolté et qui consiste à asservir le peuple pour le bien du peuple.  Dans les milieux plus enclins à faire confiance à ce dernier, des premiers humanistes de la Renaissance à Saint-Just puis aux penseurs socialistes, de Marx, Proudhon, Bakounine, Spencer à Marcuse, Noam Chomsky ou Naomi Klein (également de sensibilités très différentes), on trouve cette crainte de la possible instrumentalisation du pouvoir du peuple par les instances des pouvoirs économiques, politiques, et aujourd’hui des moyens de communication et des lobbies. La récente « doctrine du choc » (The Shock Doctrine) élaborée par Naomi Klein repose sur cette instrumentalisation manipulatrice du pouvoir (dont celui du peuple reconnu dans les démocraties) pour protéger des intérêts particuliers et inavoués et, à terme, agir contre l’intérêt des peuples eux-mêmes.

La nature des dangers est multiple, nous le voyons. Le plus grand péril néanmoins, à l’époque moderne, tient dans les conséquences de cette nouvelle suprématie de l’émotion, de la politique émotionnelle et de la réactivité populaire instantanée. Nous avons affaire à des phénomènes de mise en alerte des populations, de réactivité émotionnelle avec leur lot d’irrationalité et de peur. Comme le sujet se sent sous l’emprise de ses émotions, la collectivité se pense en « victime » de ce qui la dérange ou apparemment l’agresse. L’époque de l’émotionnel populaire est une ère de l’attitude victimaire de masse. Dans un climat d’insécurité permanent, la présence de « l’autre », sa visibilité, ses revendications, ses luttes pour la justice et le respect dérangent et produisent un sentiment de mal-être qui peut justifier une surdité ou des traitements différenciés. Face à la menace du terrorisme, l’effervescence est telle que l’on a pu accepter de revoir à la baisse l’exigence du respect des droits humains et de la dignité des personnes : des traitements discriminatoires, des individus incarcérés sans jugement, des extraditions sommaires ou extraordinaires et jusqu’à la torture qui serait désormais légitime tant le danger est énorme. L’émotion octroie le droit à ceux qui se pensent en « victimes » d’agir au-delà du droit vis-à-vis de ceux qu’ils identifient comme leurs potentiels bourreaux déshumanisés.

Avec le sentiment victimaire, c’est bien sûr la déresponsabilisation qui s’installe. En réagissant aux menaces extérieures, les victimes de ces attaques sont légitimées à blâmer l’agresseur qui ne les aime pas, ni leur simple existence, ni leur civilisation, ni leurs valeurs. La peur de l’agressé projette sur l’autre la seule justification de sa « haine » essentialiste. Nous avons donc affaire à un pur conflit d’émotions où la peur répond à la haine et il lui faut se protéger avec un dispositif intellectuel qui devrait « clarifier » les termes de l’opposition et de la polarisation. Cette politique de l’émotionnel convainc les peuples, par des campagnes récurrentes, de la nécessité de ces mesures sécuritaires due aux menaces qui rôdent alentour (et parmi nous). Elles sont le fait de cet « autre » dangereux, si loin, si près et même parmi nous : au point que nous ne sachions plus qui est « nous ». Qui sommes-« nous » ? C’est la troisième conséquence de la suprématie de l’émotion : l’obsession de l’identité. Victimes et sans responsabilité particulière vis-à-vis du désordre alentour, il ne nous intéresse plus de parler de justice et de politique, d’ordre économique et de redistribution des richesses : tout est question de conflit de civilisations et de valeurs, d’identité culturelle et religieuse. La justice sociale et politique ne serait rien, la différence culturelle et religieuse serait tout !

On se souvient que la hiérarchie des instances du cerveau pouvait craindre les attaques de l’intérieur autant que celles de l’extérieur : toutes deux avaient les moyens de bouleverser son ordre et de placer le cerveau sous l’emprise de l’émotion qui rend passionné et sourd. Les sociétés et les peuples courent le même risque d’être tétanisés par la peur, l’insécurité, l’obsession de la protection dans l’isolement et le rejet de l’autre. Le problème est autant intellectuel que psychologique.  Comment donc retrouver les chemins de la confiance, de la confiance en soi, qui passent par la connaissance, la connaissance de soi, la maîtrise personnelle et l’esprit critique ? Il s’agit de redonner la priorité au sens des choses plutôt qu’aux signaux et aux stimuli. Nos émotions ont besoin de spiritualité ; nos affects ont besoin d’être spiritualisés. Il faudrait ainsi trouver les moyens, collectivement, de célébrer les noces de l’émotion et de la raison raisonnable car il s’agit somme toute bien de cela : il n’est pas de spiritualité sans émotion… mais la première accueille la seconde quand celle-ci a su épouser la part digne et noble de l’humain.
 

Esthétique du Sens

Nos émotions nous enferment alors que la spiritualité est souffle et quête de liberté. Des spiritualités anciennes aux psychologies modernes, en passant par les religions et les philosophies, les enseignements sont les mêmes : il s’agit de prendre conscience de ses propres fonctionnements individuels et collectifs, d’établir une distance critique entre soi et soi de même qu’avec l’univers alentour, d’apprendre à écouter, d’apprendre à dire et à communiquer, d’appréhender enfin positivement la complexité de soi et d’autrui. Cela peut paraître étrange et paradoxal mais le premier acte de libération spirituelle réside dans l’attitude initiale qu’adoptera le sujet. La spiritualité vécue exige du sujet humain trois conditions majeures que l’on retrouve transversalement dans toutes les traditions : l’autonomie du sujet (par opposition à la dépendance vis-à-vis de ce qui l’affecte), la responsabilisation de la conscience (par opposition à la mentalité de victime) et, enfin, une disposition optimiste et constructive (par opposition au désespoir, au défaitisme ou au nihilisme qui ne croit pas le changement possible). Si l’émotion peut être subie, la spiritualité exige un acte premier (et déterminé) de la volonté qui affirme sa liberté ontologique où que se trouve l’individu. En sus, il doit assumer sa responsabilité fondamentale quant à sa propre transformation et enfin nourrir la conviction profonde que tout est possible, toujours, pour le meilleur.

Il s’agit, on l’aura compris, des trois conditions de la confiance en soi. Comment donc, à notre époque traversée par les peurs et les obsessions sécuritaires, acquérir cette confiance en soi individuelle et collective. La spiritualité libère et donne du sens ; elle se fonde sur une initiation et une éducation à la prise de conscience, à la maturation, à la responsabilisation et à la transformation progressive. Les mystiques juive, chrétienne et musulmane n’ont de cesse de rappeler les étapes archétypales de cette élévation de l’être : elles ont traduit, pour l’initié, ce qui représentait, somme toute, l’expérience la plus naturelle et la plus banale pour le commun des mortels. Face aux stimuli et aux signaux qui viennent de l’extérieur et qui peuvent prendre le pouvoir à l’intérieur du cerveau et/ou du cœur de l’homme (et de sa conscience), il importe de s’armer préalablement afin de garder la maîtrise de ses réactions. C’est le moyen de rester libre et humain. L’éducation commence donc à l’ (apparente) périphérie ; par les sens et les perceptions  des individus car ce sont les canaux par lesquels passent les premiers stimuli et qui sont les voies de la réactivité émotionnelle. Il faut enseigner aux enfants et aux adultes à voir, à toucher, à écouter, à sentir et à goûter : prendre le temps de réfléchir et de méditer sur les sentiments qui nous envahissent à la vue de certains paysages, ou des gens que l’on aime (ou que l’on déteste); étudier le sens de l’écoute et les façons d’entendre… apprendre à mieux toucher, à goûter et à sentir la matière, les parfums, la nature et les êtres humains. Insuffler (au sens d’emplir de souffle) du sens à nos sens et spiritualiser ainsi nos perceptions afin de ne pas les subir au détour de l’instantané d’une émotion-reflexe mais de les accueillir avec la confiance de la conscience qui s’est enrichie, a su dompter et s’est ainsi libérée.

Dans l’univers de la communication et de la culture globales, l’éducation des perceptions – à la périphérie – impose de renouer avec les enseignements fondamentaux. Il paraît nécessaire effectivement que chaque conscience puisse acquérir quelques connaissances des principes et de l’histoire des spiritualités et des religions, maîtriser des notions de philosophie et avoir une connaissance élémentaire des arts et de leur évolution. Religions et spiritualités, philosophies et arts sont les trois disciplines qui devraient faire partie du cursus imposé à chaque intelligence si l’on veut offrir à cette dernière les moyens de son autonomie, de sa liberté et de sa responsabilisation. Que l’on soit croyant ou non, il est impératif de connaître les principes fondateurs des spiritualités et des religions du monde. Ces dernières sont parfois l’horizon de l’épanouissement des êtres ou le refuge de leurs angoisses mais elles font sens et donnent du sens. Chacun est libre ensuite de choisir sa route mais ce doit être en connaissance de cause. Affirmer que l’on offre la liberté de choix à un individu alors qu’on l’a privé de connaissance est un mensonge : la liberté dans l’ignorance est une illusion. La philosophie façonne la conscience et l’esprit critiques : elle impose à l’intelligence d’observer, de savoir questionner et de prendre son temps. Rien n’est simple et même le simple est complexe : l’apprentissage de la philosophie devrait être une école de la prise de distance et de l’humilité qui enseigne aux individus à suspendre leurs jugements. Les philosophies arrogantes, qui ont le fin mot de la vérité et qui jugent et méprisent les vérités d’autrui ne sont pas des philosophies mais des idéologies. Il est bon pour chacun d’entre nous d’accompagner un philosophe jusqu’à l’instant qui précède ses conclusions et ses certitudes : l’exercice intellectuel consiste à se rappeler que la première partie est bien une quête philosophique et la seconde partie une série d’hypothèses et de postulats. Telle est la destinée intellectuelle de l’homme : sans le questionnement critique il n’accède pas à son humanité ; en assénant ses vérités comme étant « la vérité » il outrepasse avec arrogance les limites de son humanité. Il importe de s’initier à l’art, à la créativité et à la capacité des hommes à explorer les voies du beau. La beauté donne du sens et l’esthétique, de fait, est une double quête : celle du sens et celle du beau. Socrate pensait qu’il existait un lien continu, une unité de genre, entre la beauté physique, celle des corps, et la Beauté métaphysique, celle des essences et des Idées. Il s’agissait de s’élever par l’exercice appliqué de la philosophie : ainsi le Beau est le mariage de la philosophie, de la spiritualité et de l’art. Toutes les spiritualités associent la rencontre avec le sacré ou le divin avec la proximité du beau, du dépassement qui, par l’esthétique de la forme, rappelle le sens de la substance. « Dieu est Beau et Il aime la Beauté » dit une tradition prophétique islamique qui synthétise la portée de ces enseignements communs. Les arts, avec ou sans sacré, appellent l’homme à découvrir en lui les ressources de son dépassement par un imaginaire capable de lui donner du sens et du souffle. Le poète romantique John Keats, qui fit inscrire sur son épitaphe qu’il était celui « dont le nom était écrit dans l’eau », chanta le dépassement de soi dans la proximité de la Beauté : « La Beauté est Vérité, la Vérité Beauté ». Sur cette terre, sur laquelle nous passons, « c’est tout ce que nous savons » et le poète en rencontrant le Beau dit le sens qui est l’éternité au bord de laquelle sa finitude vient accoster.  Le poète s’en ira comme la vague, et tous les artistes avec lui…il restera l’océan, les œuvres d’art, la Beauté et le Sens : comme si la belle déesse de la Lune (Séléné), s’étant baignée dans l’océan, et veillant sur la beauté du berger (Endymion), ouvrait la voie de l’éternité et du divin. « La Beauté est Vérité », la Beauté est à proximité du sacré.

Eduquer le cœur, l’esprit et l’imagination afin de se former à mieux voir, à mieux entendre, à mieux sentir, à mieux goûter et enfin à mieux toucher, est une exigence de l’autonomie et de la liberté au cœur de la modernité, des technologies avancées et de la globalisation des moyens de communication. A l’ère de l’information tous azimuts, celui qui n’est pas formé à la critique de l’information devient un esprit vulnérable, fragile, objet de toutes les potentielles instrumentalisations.  Encore faut-il avoir le temps de prendre de la distance, d’analyser les situations, d’évaluer de façon critique ses perceptions. Rien n’est facile : il s’agit d’un exercice spirituel de première importance parce qu’il donne du sens aux actions les plus élémentaires de la vie : voir, entendre, toucher mais également penser, prier, créer. La spiritualité consiste en ce supplément de sens qui habite l’agir humain dans sa simplicité et cela peut être de la foi, de la pensée, de l’art ou de l’amour mais il s’agit toujours d’un choix, d’un acte de la volonté libre, par opposition à l’émotion qui est une réaction subie, imposée et parfois incontrôlée. Un océan de différence. L’émotion est à la spiritualité ce que l’attirance physique est à l’amour.
 
 
 
 

Extrait du dernier livre de Tariq Ramadan "L’autre en nous, pour une philosophie du pluralisme" publié aux éditions Presses du Châtelet

19 Commentaires

  1. Encore une fois cher frère, tous nos remerciements pour cet article intéressant et plein d’enseignements TARIQ. Que Le Très Rapproché te rétribue la meilleure des rétributions.
    Au fait moi je dis que « lorsque nous vivons, nous découvrons des jusque-là inconnus. Nourris des connaissances que nous en tirons, nous enrichissons le coeur de sentiments et l »esprtit d’idées nouvelles. C ‘est peut-être à cela avec « Esthétique du Sens » que tu nous parle davantage des profondeurs des secrets que la nature humaine peut avoir et réaliser à la fois dans la communion entre l’âme et l’esprit.
    C’est vrai tout est parti des spéculations philosophiques pour mieux saisir la quintessence de tes propos.
    Religion, philosophie et art sont les trois éléments clés que tout individu doit prendre en compte de son vivant pour se poser des questions ou s’interroger sur sa propre condition humaine.
    La Beauté est Vérité certe; la philosophique islamique l’a reconnu a plein dégards sur toute la ligne; l’essentiel dans un tel cas de figure, remercions le BON DIEU de nous avoir les bases pour le prouver.
    Les éléments de Sens que sont le toucher, le gouter représente les points cardinaux pour une meilleure lecture de nos perceptions. Rendons tout cela sur le plan de la métaphysique et abordons avec aisance le plan purement rationnel des choses.
    Ne soyons trop émotionnels; le but de toute chose c’est d’en tirer profit. Donc la réussite est un record bidecenal pour celui ou celle qui prend la peine de discerner le vrai du faux.
    Donc refléchissons davantage pour utiliser « notre bol d’or » (le cerveau)à mieux raisonner.
    Cordialement à mon penseur.
    Ton frère d’élection.

  2. Magnifique texte.
    Si le constat des problèmes de nos démocraties qui peuvent parfois être aliénées par des intérêts privés est parfaitement pertinent ; la solution par la réactivation de tout ce qui fait notre Humanité ( nos sens mais aussi l’intelligence du cortex passant par le filtre du temps et des coeurs) est tout aussi juste.

    Merci d’avoir rappelé ce que nous oublions parfois en FRANCE notamment quand je discute avec des amis français sur les religions; beaucoup ignorent l’histoire du christianisme, et des autres spiritualités : comme si l’ère « laïque » censée nous libérer a appauvri l’intellect des citoyens dans ce domaine, or il est juste d’: « Affirmer que l’on offre la liberté de choix à un individu alors qu’on l’a privé de connaissance est un mensonge : la liberté dans l’ignorance est une illusion. »

    Ces incitations à un esprit critique, autonome permettront un engagement citoyen pour le bien-être de tous dans le respect de soi et dans la confiance aux autres et me semblent salvateurs pour toutes les civilisations.

    A l’heure où les sociétés se rendent compte des dégâts de ce capitalisme prônant l’égoïsme, la vitesse, la précipitation dans l’accumulation des richesses faisant fi des besoins de la nature, des autres individus, du sens de la vie tout simplement, nous avons cruellement besoin d’esprits comme le votre Tariq qui prônent cette pondération, cette raison, cette connaissance et ce respect de l’autre par le rapprochement des cultures contre toutes les injustices.

    Merci tout simplement pour ce texte que j’ai trouvé très beau et très vrai…

  3. …j’en dirais plus mais là, là…oui je suis sous l’emprise des émotions.., mais je ne veux pas attendre pour vous dire au moins achkuruku chukran kathiiiran yâ Oustâdh almuhabbi-Hi, merci de l’intérieur pour ce texte que je découvre essentiel, à la sueur de vos fronts.., à l’Essence du Ciel…

    😉

    • Merci pour votre texte Mr RAMADAN.

      ça donne effectivement envie de mieux vivre…
      Et toujours veiller à devenir une personnalité indépendante et consructive.
      Car en fait cette « dictature de l’émotion nous ronge »par moment

  4. Dieu est Superbe et l’idée simple de Son Existence le rend encore plus Magnifique. Et le mot, qu’en est-il du mot et de son importance ? Quand nous rencontrerons La Perfection, comment ferons nous pour La Nommer, si nous sommes portés par l’enthousiasme dès que nous ressentons la moindre petite joie matérielle ? Quel mot nous reste-t-il pour signifier la véritable envolée, celle qui nous porte vers Dieu ? Nous adorons à outrance, tout est magnifique, la plus petite des insignifiances devient une excellence… Notre raison est polluée par l’émotion suggérée et nos mots se vident de leur sens. Je crois que nous ne voyons plus la beauté et la grandeur de la création de Dieu dans sa simplicité, parce que nous ne savons plus la nommer. Nous n’arrivons pas à accèder à l’infiniment grand ou à l’infiniment petit parce que les mots nous manquent, ils sont pollués et ils ne nous permettent plus de qualifier l’Ultime Beauté. Quand nous cherchons à ressentir une véritable profondeur, il ne nous reste rien, rien d’autre que des mots vides de sens, usés, malmenés, dévoyés.
    Alors, pour ne plus ressentir cette frustration, on allume la télé et on regarde le journal de vingt heures…

  5. « Telle est la destinée intellectuelle de l’homme : sans le questionnement critique il n’accède pas à son humanité ; en assénant ses vérités comme étant « la vérité » il outrepasse avec arrogance les limites de son humanité. »

    Merci Monsieur Ramadan!!!

  6. Salam

    « rassurer, calmer, exciter » c’est notre quotidien (radio, internet, TV)

    Je me souviens d’un professeur en classse de seconde qui nous avait lu (je me souviens plus du nom de l’auteur connu, Boris Vian?)
    « Aujourdh’h’ui les hommes ne sont pas appréciés pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils font.Les performances ont remplacés les vrais valeurs »C’est tellement vrai

    salam

  7. « La découverte de l’identité passe par les voix de l’impulsion, par la capacité à rester à l’écoute de ses entrailles, de leurs réactions et de ce qui se passe à l’intérieur de soi. C’est également un moyen expérimental d’enseigner qui, si nous avions le temps d’en discuter, nous mènerait droit à une éducation parallèle, un autre type d’école… » Etre humain, Abraham Maslow

    Un jour, une dame m’avait dit que les seules années qu’elle avait aimées à l’école étaient ses années passées à la maternelle et ses premières années du primaire Elle m’avait assuré très sérieusement : « Ce sont les seules années où on dessine et où on bricole… ». Dans le cursus scolaire, si on ne suit pas une filière spécifiquement artistique, les activités créatrices s’arrêtent très tôt. Durant les premières années du secondaire, on a parfois la possibilité de suivre des cours de dessin et de musique mais il faut ensuite avoir des activités artistiques parascolaires pour développer ou enrichir sa part de créativité (pour peu que ces activités ne soient pas une contrainte) ; mais même si cela est possible, il est difficile « d’harmoniser » la liberté des activités créatrices avec les attentes de l’enseignement traditionnel basé sur l’acquisition de compétences spécifiques et leur aspect utilitaire. L’homme est souvent réduit à des compétences et notre mode de pensée qui catégorise tout fragmente l’être humain, en fait un être cloisonné, compartimenté : il met en avant un seul de ses nombreux aspects et en en occulte les autres. Mais on n’est jamais qu’une seule chose : Aragon était journaliste, militant anti-fasciste et poète ; Saint-John Perse poète et diplomate…
    Pour certains, les artistes (ici les poètes) sont souvent considérés comme des illuminés déconnectés du monde, et leur activités associées à de superficialité dénuée de valeurs. Alors que c’est tout le contraire d’un point de vue religieux : la valeur esthétique dépasse les apparences…. Prenons le cas réel d’une styliste qui produit une gamme de vêtements (avec un label islamique) mais dont les ouvriers travaillent dans une cave et sont sous-payés. Si la création est l’ouvrage de non-valeurs, comment peut-elle encore être appréciée ? Encore que la création n’est pas la production : Ibn Khaldoun explique qu’une société, une fois qu’elle a répondu aux besoins élémentaires de la vie (organisation, nourriture…) tend naturellement vers des activités nobles et des activités créatrices. C’est là que se développent les arts qui sont le propre de l’homme, le besoin esthétique et la création étant le lot de tout le monde. Nous sommes de drôles d’adultes. Imaginez une société où l’on interdirait aux enfants d’utiliser des crayons de couleur : c’est impensable parce qu’on sait que l’expression est nécessaire à l’accomplissement de soi.
    Si l’on prenait en effet en compte toutes les dimensions de l’Homme dans l’enseignement, dans la société mais aussi dans l’éducation, on arriverait peut-être à davantage d’harmonie intérieure et extérieure, à un « Homme multidimensionnel ». C’est sans doute un problème de notre temps : envisager l’homme selon l’une ou l’autre catégorie seulement (religieuse, politique, professionnelle, artistique…) selon l’endroit où il se trouve et où il s’exprime avec pour conséquence un grand décalage de compréhension, de la surdité et parfois de la cacophonie.

  8. salam ou alaykoum,

    baraka allah ou fik akhi tarik pour ce magnifique texte.

    Cette arme se retournera forcement contre ceux qui l’utilise, car la vérité est lumière, le mensonge et la manipulation par l’émotion est ténèbres.

    Continu allah y jazik khir ou y haounak à nous éclairer par ce don de dieu dont tu as été doté, macha allah hlik.

    Au plaisir de te rencontrer ouhibouk filah

  9. Quelqu’un pourrait-il m’éclairer sur ce passage (idéalement l’auteur lui-même) :
    “Des spiritualités anciennes aux psychologies modernes, en passant par les religions et les philosophies, les enseignements sont les mêmes”

    Ma modeste connaissance des différentes disciplines citées ci-dessus me conduit à la conclusion inverse de l’auteur, c’est-à-dire que l’enseignement des spiritualités anciennes et des religions d’une part et celui de la philosophie moderne et de la psychologie moderne d’autre part sont tout à fait opposés. Les premières enseignent que l’homme est “déchu” est qu’il doit se purifier pour revenir à sa nature originelle (al-fitra). Les secondes enseignent que l’homme est au centre de tout et qu’il ne cesse de se parfaire avec le progrès et la raison tout en considérant les spiritualités anciennes et les religions comme des sornettes.

    En quoi toutes ces disciplines enseignent-elles les mêmes choses ?

    Barakallaho fik pour votre aide cher frère Tariq Ramadan.
    Salim

    • Salam Alaykum Salim,

      Je pense que Tariq Ramadan a voulu mettre en évidence ce qui dans ces disciplines se ressemblent et non ce qui les distinguent…

      En d’autres termes, il fait le constat que finalement dans toutes ces disciplines l’enseignement est le même… Il faut avoir un esprit critique sur nous même, sur le monde qui nous entoure pour enfin mieux appréhender autrui… Cette attitude mentale est déterminante et nécessite une bonne confiance en soi…

      Voilà en gros ce que cherche à faire passer l’auteur…

      Bien à Vous.

  10. Merci Frère Tariq. Voilà quelques années que je vous écoute et lis et je ne cesse de prier pour que le Très Haut éveille nos intelligences. J’ai apprécié votre passage à Bruxelles ce 25 avril et en tire un grand enseignement. Puisse Allah vous rétribuer à la mesure de vos efforts. Puisse Allah nous guider vers le chemin de la paix de l’esprit.

  11. It’s called mindset

    As my friend was passing the elephants, he suddenly stopped, confused by the fact that these huge creatures were being held by only a small rope tied to their front leg. No chains, no cages. It was obvious that the elephants could, at anytime, break away from the ropes they were tied to but for some reason, they did not. My friend saw a trainer nearby and asked why these beautiful, magnificent animals just stood there and made no attempt to get away.

    « Well, » he said, « when they are very young and much smaller we use the same size rope to tie them and, at that age, it’s enough to hold them. As they grow up, they are conditioned to believe they cannot break away. They believe the rope can still hold them, so they never try to break free. » My friend was amazed. These animals could at any time break free from their bonds but because they believed they couldn’t, they were stuck right where they were.

    Like the elephants, how many of us go through life hanging onto a belief that we cannot do something, simply because we failed at it once before? So make an attempt to grow further…. Why shouldn’t we try it again?

    Your attempt may fail, but never fail to make an attempt
    &
    CHOOSE not to accept the false boundaries and limitations created by the past…

    • Très joli texte Monsieur Ramadan, la lumière est dans votre plume, ça me réchauffe le coeur de vous lire; il est vrai que si le monde devient meilleur, l’éducation de demain sera autrement. Pour l’instant les esprits s’agitent, en perte de valeurs et de repères, absorbés dans un tourbillon de science et d’honneurs qui au final les maintient au fond des eaux, ils ne voient plus l’essentiel, l’amour. Alors éduquer les coeurs, oui, un beau défi…

  12. 3 journées et quelques heures particulières…

    … lors d’une vie, il était dit et entendu ces mots d’une autorité, d’un sens, du droit et d’un état…
    « …nous déclarons, notre droit, sur cette terre, à être des hommes, à jouir/bénéficier des droits d’un être humain (human right), à être respecter en tant qu’être humain, dans cette société, sur cette terre, aujourd’hui même, toutes choses que nous avons l’intention de faire exister, par tout les moyens nécessaires……quelque chose, quelqu’un, quelque part se pensait ignorer aux causes d’une réelle autre et moindre valeur, quelle terre s’est donc abstenue de vivre ou d’entendre aux droits communs des peuples et de la paix,

    …à n’être déclaré, qu’un jour venu sur l’autre passant, tous se voient longtemps à l’histoire d’une vie et peu se disent parfois le sens de tous, comme l’Humanité se tient depuis toujours d’avoir donné forces et raisons partout d’un être, du temps, d’une volonté, sur l’autre …

    …Le silence du caporal(extrait)

    … » ne revenez pas trop en arrière et ne chercher pas trop loin devant, au lieu d’une Humanité le sens de cette idée est primordial à toute autre comme il a toujours été d’apprendre et d’exister des poursuites de l’Histoire et de l’aventure humaine,… l’entrain naturel et humain, visiblement différent d’une raison complexe et savante, ne peut et ne pourra se justifier aussi résolument de l’instant sur le temps, à l’heure où tout savoirs s’animent et se confectionnent au delà de la vitesse des lumières, que s’oublie-t-il donc de vivre ou que se reste-t-il encore d’être… toujours, à parcourir certaines d’entre elles, aujourd’hui de dire d’écrire et de transmettre, la cellule identitaire et l’identité cellulaire sont aux fils des lendemains de leurs histoires, de leurs apparences, de leurs probabilités, toutes accrues, comme elles se font chaque fois à l’évidence de découvrir, de connaître, d’évoluer, ce jour, sans doutes ni risques d’avoir été hors de portée des concepts, de l’idée, des feux… être au coeur de la Vie c’est être à la fois au centre des mémoires et des idéaux, c’est aussi être seul à exister au présent de ces paramètres inconditionnels d’égalité, sans distance d’ailleurs, quelle immense place les conflits ont-ils imposés à l’Histoire humaine et conséquente, depuis quand, se continuent-ils,… des conduites actuelles et formées de l’aube et du crépuscule, que peut-il être, à l’instant, d’un lieu défini entre l’Orient et l’Occident, peut-être une belle image relative et terrestre, un beau dessin intelligent et mesuré, un même besoin semblable et partagé,

    … de ces jours, il peut également être perçu sous un angle différent la Fraternité, la Paternité et la Maternité ayant tout aussi évolué de cet entre monde, fût-il heureux d’admettre les questions de chacun et le sens des réponses à venir se rencontrer de tous, un jour où l’autre…
    …hassan…

    …salam, merci…
    à tous, pour tout, bonne suite…

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